Vie et labeurs de nos vénérables Pères Méthode et Cyrille, les précepteurs des Slaves.

 



Vie et labeurs de nos vénérables
Pères Méthode et Cyrille,
les précepteurs des Slaves

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Aux temps des empereurs grecs iconoclastes Léon V l'Arménien (1 ), Michel Travla (2 ) et ensuite Théophile (3 ), le fils de Michel, vivait en Macédoine, dans la ville de Thessalonique, un riche et haut dignitaire de marque : son prénom était Léon et il était centenier de son état. Il était pieux et remplissait tous les commandements du Seigneur, comme en d'autres temps, Job. Sa femme s'appelait Marie. Ils avaient sept fils : l'aîné s'appelait Méthode, le plus jeune Constantin, Cyrille à l'état monastique.
Saint Méthode servait au début comme son père, dans l'armée. L'empereur, ayant su que c'était un bon soldat, le nomma gouverneur militaire dans une principauté slave (la Slavinie), qui faisait alors partie de l'empire grec. Cela se produisit selon une disposition particulière de Dieu afin que Méthode puisse mieux apprendre la langue slave comme futur maître spirituel et berger de ces nations slaves (4) .

Ayant servi pendant dix ans comme gouverneur et ayant reconnu la vanité de la vie dans le monde, Méthode eut l'intention d'orienter sa volonté vers un retranchement de tout ce qui est terrestre et concentrer ses pensées cers ce qui est céleste. De plus à ce moment-là l'empereur iconoclaste Théophile lança une persécution contre les saintes icônes. Cette persécution montra encore plus fortement à Méthode la vanité de la vie dans le monde; abandonnant sa charge de gouverneur militaire et tous les plaisirs du monde, il partit alors se faire moine au mont Olympe ( 5 ), où avec grande soumission et humilité il s'appliqua à accomplir le voeux monastiques, s'adonnant outre cela à l'étude des saints livres.

Le plus jeune des fils de Léon, le bienheureux Constantin, manifesta, lui, dès son jeune âge quelque chose de merveilleux : quand sa mère le donna, à sa naissance, en nourrice, il refusa absolument de se nourrir de ce lait étranger et n'accepta que le lait maternel. Manifestement la bonne graine ne devait être nourrie qu'au lait maternel.

Après la naissance de Constantin, ses bons parents firent le voeux de vivre le restant de leur vie comme frère et soeur et ils vécurent ainsi quatorze ans jusqu'à leur mort. Devant son époux mourant Marie pleurait en disant : " Il n'y a rien qui m'afflige tant que Constantin : comment va-t-il faire sa vie ? "

" Crois-moi, femme, répondit Léon, j'ai toute confiance que Dieu, notre Seigneur en fera un tel père batisseur qu'il conviendra à tous les chrétiens ". C'est ce qui arriva.

A l'âge de sept ans Constantin eut un songe qu'il raconta à ses parents : " J'ai rêvé, dit-il, que le Gouverneur avait rassemblé toutes les vierges de la ville et qu'il m'avait dit : choisis-toi parmi elles une fiancée. Je les examinais toutes et choisis la plus belle de toutes : elle avait un visage rayonnant et était habillée de nombreus vêtements brodés d'or et de pierres précieuses : Sophie (6) était son prénom. " Ses parents comprirent que le Seigneur donnait à l'adolescent la vierge Sophie, c'est-à-dire, la sagesse de Dieu; leurs esprits se réjouirent et ils mirent avec application à enseigner à Constantin non seulement la lecture des livres, mais également la sagesse spirituelle, de bonnes moeurs, agréable à Dieu.

" Mon fils, lui disaient-ils en reprenant les paroles de Salomon, vénère Dieu et tu te fortifieras; garde les commandements et tu vivras, grave les paroles de Dieu sur les Tables de la Loi de ton coeur : "Dis à la sagesse, Tu es ma soeur et appelle l'intelligence ton parent (7) ". La Sagesse rayonne d'une manière plus éclatante que le soleil et si tu veux l'avoir comme aide elle te sauvera de beaucoup de maux ".

Ses parents mirent Constantin à l'école pour qu'il apprenne à lire et à écrire. Il se différenciait de ses camarades par une bonne mémoire et intelligence, si bien qu'il était dans ses études le meilleur de tous ses pairs. Il lui arriva la chose suivante : Comme fils de parents riches, Constantin, s'en fut une fois avec ses camarades à la chasse au faucon. A peine Constantin eut-il le temps de lâcher le sien qu'un vent violent se leva, et emporta son faucon on ne sait où. Constantin fut tellement affligé par la perte de son faucon qu'il ne mangea rien pendant deux jours, pas même du pain. Le Seigneur, ami de l'homme, ne désirant pas que le jeune homme s'attache tant aux choses du monde, le surprit par ce faucon comme naguère Placide (8) avec le cerf.

Méditant sur les plaisirs de ce monde, saint Constantin se disait : " Qu'est-ce que cette vie où la joie immanquablement provoque la tristesse. A partir de ce jour je vais suivre un autre chemin, meilleur que celui-ci, afin qu'il me soit possible de fuir la vanité du monde ". Dès ce moment il resta pratiquement toujours à la maison, tâchant avec beaucoup d'assiduité d'apprendre les sciences, et plus particulièrement l'enseignement de Grégoire le Théologien (9 ).

Constantin avait beaucoup d'amour pour ce saint Pontife et il apprit par coeur beaucoup de ses enseignements. Ayant dessiné sur le mur l'image de la Sainte Croix, il écrivit sous cette croix un éloge à saint Grégoire sour la forme suivante : Ô Saint lumineux de Dieu, Grégoire le Théologien, tu as été par le corps, un homme, par la vie tu te révélas ange car ta bouche, comme la bouche des séraphims, par tes louanges, glorifia Dieu et par ton enseignement orthodoxe, tu instruisis l'univers. Je te prie, accepte moi avec foi et amour avec toi, moi qui tombe à tes pieds et sois mon maître et mon illuminateur.

Etudiant avec assiduité les livres, Constantin voyait combien ses connaissances étaient encore insignifiantes par manque de bon maître, et il tomba alors dans un grand désespoir. Il y avait dans leur ville un homme (un pèlerin) connaissant la grammaire. Constantin s'en fut chez lui; il le supplia et se jetant à ses pieds, lui dit : " Fais pour moi une bonne oeuvre : apprends moi la grammaire ". A cela le pèlerin lui répondit : " Jeune homme, ne me demande rien. J'ai fait la promesse de ne plus enseigner quiconque ". De nouveau Constantin en pleurs lui dit : " Prends la part qui me revient des biens de mon père et enseigne moi ".

Mais cela également ne put convaincre cet homme. Constantin revint alors chez lui et là se mit à prier avec zèle pour que le Seigneur accomplisse le désir de son coeur, lui trouve un professeur. Le Seigneur bientôt accomplit son souhait.

En ce temps-là, en Grèce, mourut l'empereur Théophile et son fils Michel se mit à gouverner avec sa mère la bonne impératrice Théodora. Cet empereur était encore enfant lorsque son père mourut et on lui affecta pour professeur trois hauts dignitaires : le sénéchal Manuel (10 ), le patricien Theoctiste ( 11 ) et le garde des sceaux Oroma (12 ), qui connaissait très bien les parents de Méthode et de Constantin. Le garde des sceaux, connaissant les succès et le zèle de Constantin, envoya le chercher pour qu'il étudie les sciences avec le jeune empereur Michel qui ainsi imiterait son application. Le jeune homme reprit courage et avec foi se mit en chemin, priant Dieu comme Salomon : " Dieu de nos pères et Seigneur de miséricorde, toi qui as crée l'homme, donne moi la sagesse qui est assise près de ton trône et ne m'exclus pas du nombre de tes enfants car je suis Ton serviteur et le fils de Ta servante. Donne-moi de connaître tout ce qui t'es agréable et de travailler à la gloire de Ton Nom tout le restant de ma vie ".

Dans la capitale, Constantin vécut soit dans la maison du dignitiare soit dans les palais impériaux. En trois mois il apprit la grammaire puis étudia Homère (13 ); chez Léon et Photios (14 ), il étudia la géométrie, la dialectique et la philosophie. En plus de ces sciences il apprit la rhétorique, l'arithmétique, l'astronomie, l'art musical et d'une manière générale toutes les sciences helléniques. Il connaissait très bien non seulement le grec mais également le latin, le syriaque et quelques autres langues étrangères. Par son intelligence et son application il faisait l'étonnement de ses professeurs, et c'est pour cela qu'il fût appelé plus tard le philosophe, le sage. Sa sagesse ne s'étendait pas uniquement aux sciences mais aussi à la vie de tous les jours : il s'appliquait à être humble, il s'entretenait avec ceux de qui il voulait recevoir un enseignement mais évitait le contact de ceux qui auraient pu le détourner vers le mal. En un mot il s'appliquait à échanger le terrestre pour le céleste et à vivre avec Dieu.

Le garde des sceaux, voyant la bonne vie de Constantin et sa réussite dans les sciences, le fit régisseur de sa maison et lui permit également d'entrer dans les palais impériaux sans se faire annoncer. Une fois le garde des sceaux demanda à Constantin :

" Dis-moi, philosophe, qu'est-ce qu'on appelle la philosophie?

- La philosophie, répondit Constantin, c'est la compréhension des actions divines et humaines et qui apprend à l'homme au travers des bonnes oeuvres, à se rapprocher autant que cela lui est possible de Dieu qui a crée l'homme à Son Image ".

Après cela, le garde des sceaux aima encore plus Constantin et voulut recevoir de lui un enseignement sur la philosophie. Constantin, en peu de mots, lui exposa la doctrine philosophique; le garde des sceaux lui en témoigna un respect tout particulier et lui proposa même beaucoup d'or mais Constantin le refusa. Ce garde des sceaux avait une filleule, une jeune fille de haute et riche naissance. Il pensa la marier à Constantin et tâchait de le persuader de la manière suivante : " Ta beauté et ta sagesse - disait le garde des sceaux, - poussent à t'aimer malgré soi. J'ai une fille spirituelle, une jeune fille belle et riche, d'un bon et noble rang. Si tu le désires, prends-la pour femme; tu seras en grand honneur aux teux de l'empereur : tu recevras une principauté, et dans un temps très proche tu seras nommé gouverneur ".

" Grand est cette faveur pour ceux qui la désirent, répondit Constantin, mais pour moi il n'y a rien de plus précieux que l'enseignement au moyen duquel je peux acquérir l'intelligence, le véritable honneur et richesse ".

Après cette conversation, le garde des sceaux alla trouver l'impératrice et lui dit : " Notre jeune philosophe n'aime pas la vanité de notre vie. Essayons de le retenir près de soi et pour cela persuadons-le de se consacrer à la dignité ecclésiastique et de devenir le bibliothécaire du Patriarche auprès de la cathédrale Sainte-Sophie. Ce n'est que de cette manière que nous pourrons le garder ".

Ils firent ainsi. Constantin devint prêtre et bibliothécaire auprès de l'église Sainte Sophie. Mais malgré sa nouvelle fonction il ne demeura pas longtemps près d'eux. Ne disant mot à personne, il partit pour la Corne d'Or (15) où il se cacha dans un monastère. On le chercha longtemps et ce n'est que six mois plus tard qu'on le retrouva. On ne pût réussir à le persuader de reprendre sa précédente fonction et on ne pût obtenir de lui, à force de prières, que d'être professeur de philosophie à la principale école de Constantinople.

A cette époque-là, le patriarche Jean( 16 ) lança une persécution contre les saintes icônes. Un concile fût alors réuni et il y fut décidé de déposer ce patriarche du trône pontifical. A cet arrêt rendu par le concile Jean répondit : " On m'a écarté de force sans pouvoir prouver ma culpabilité car personne ne peut s'opposer à ce que je dis ". L'empereur et le nouveau patriarche décidèrent alors de lui envoyer Constantin, porteur du mot suivant : " Si tu étais capable de persuader ce jeune homme tu reprendrais ton trône pontifical ".

En voyant un si jeune philosophe et ne connaissant pas la force de son intelligence, Jean dit à Constantin et ceux qui l'accompagnaient : " Vous n'arrivez pas à la hauteur de mon marchepied, comment vais-je discuter avec vous ?

- Ne t'en tiens pas aux coutumes humaines, répondit Constantin, mais regarde les commandements de Dieu : nous avons été crées, comme toi, de la terre; notre âme, elle, vient de Dieu. C'est pourquoi regardant la terre, ô homme, ne soit pas orgueilleux ...

- C'est stupide de chercher à cueillir des fleurs en automne, dit Jean, et d'envoyer les vieillards au combat.

- Tu t'accuses toi-même, répondit le philosophe, dis-moi à quel âge l'âme devient-elle plus forte que le corps ?

- A la vieillesse, répondit Jean.

- A quel combat t'appellerons-nous, demanda le philosophe, au corporel ou au spirituel ?

- Au spirituel, répondit Jean.

- Si tu est maintenant plus fort spirituellement, dit le philosophe, ne nous allègue plus de tels exemples. Nous n'allons pas cueillir des fleurs en dehors de leur saison et ne fournissons pas matière à discussion prématurément. "

Après cela ils passèrent au débat; le vieillard demanda : " Dis-moi, jeune homme : si la croix se casse, nous ne la vénérons, ni ne l'embrassons plus. Comment pouvez-vous embrasser une icône qui représente une personne tronquée ?

- La croix a quatre parties, répondit le philosophe, et si elle perd l'une de ses parties, la croix perd son allure. Mais l'icône est à l'image de celui qu'on a bien voulu représenter. Celui qui contemple ne regarde pas le visage d'un lion ou d'un loup cervier mais regarde le prototype.

- Voilà, vous vous prosternez devant la croix, dit le vieillard, même si elle ne porte pas d'inscription tandis que si l'icône ne comporte pas d'inscription vous ne la vénérez pas !

- Toute croix, répondit le philosophe, est à l'image de la croix du Christ alors que les icônes ne sont pas les représentations d'un seul personnage mais les représentations de différents personnages ". Pour clore le vieillard dit : " Pourquoi vénérez-vous les icônes quand Dieu a dit au prophète Moïse (17 ) : "ne fais pas n'importe quelle image " ?( 18)

- Si Dieu avait dit : ne fais aucune image, répondit à cela le philosophe, alors tu aurais parlé avec justesse mais le Seigneur a dit : "n'importe " c'est-à-dire aucune autre que celle qui est digne ".

Le vieillard ne put rien opposer à cela et il se tut.

A cette époque vinrent à Constantinople des émissaires des perfides Agaréens ou Sarrazins, les occupants de la Syrie. Ces Sarrazins, déjà sous le règne du précédant empereur Théophile, et par permission Divine, à cause de nos péché, firent une incursion dans l'Empire Romain et dévastèrent la splendide ville d'Amorée (19) . A partir de ce moment ils commençèrent à se vanter de leur puissance devant les chrétiens et ils envoyèrent à la capitale une missive blasphémant la Sainte Trinité.

" Comment vous, chrétiens, écrivaient ces Sarrazins, dites-vous que Dieu et Un alors que vous le divisez en trois : vous confessez le Père, le Fils et l'Esprit ? Si vous pouviez le démontrer eh bien envoyez nous alors de tels hommes qui pourraient s'entretenir de la foi avec nous et nous convaincre ( 20 ) ".

Le bienheureux Constantin avait 24 ans à ce moment-là. L'empereur et le patriarche réunirent un concile et ils convièrent Constantin pour lui dire : " Entends-tu, philosophe, ce que disent ces mauvais Agaréens sur notre foi. Si tu es le serviteur et l'élève de la Sainte Trinité, va et convaincs-les. Et que Dieu, le Créateur de toutes choses, glorifié dans le Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, te donne la Grâce et la force dans tes paroles pour te révéler un autre David, qui avec ses trois pierres vainquit Goliath (21 ) , puis te ramener à nous en bonne santé ".

En tendant ces paroles, le philosophe répondit : " Je suis heureux d'y aller pour la foi chrétienne. Que peut-il y avoir de meilleur pour moi que de mourir ou de vivre pour la Sainte Trinité ? "

Constantin reçut deux diacres (22) pour l'accompagner et ils furent envoyés chez les Sarrazins. Ils se rendirent directement dans la capitale de la principauté sarrazine, Samara, qui se trouve sur l'Euphrate et où vivait le prince sarrazin Amyrmouchna. Ils virent ici des choses étranges et infâmes faites par les Sarrazins pour moquer et blasphémer les chrétiens vivant en ces lieux. Par ordre des autorités Sarrazines, des démons avaient été dessinés sur toutes les faces extérieures des portes des maisons habitées par les chrétiens.

En faisant cela les Agaréens voulaient montrer qu'ils avaient du dégout pour les chrétiens, qu'ils assimilaient à des démons. Dès l'arrivée de Constantin chez eux, les Sarrazins lui demandèrent en montrant les démons :

" Comprends-tu, Philosophe, ce que veulent dire ces dessins ?

- Je vois un dessin de démon, répondit le philosophe, et je pense que des chrétiens vivent ici. Les démons ne peuvent pas vivre ensemble avec les chrétiens et ils les fuient (ils se trouvent à l'extérieur des portes). Il est évident que là où il n'y a pas cette représentation sur le côté extérieur des portes les démons vivent à l'intérieur du logis ".

Les Sarrazins invitèrent Constantin à déjeuner au palais princier. Autour de la table étaient assis des gens intelligents et connaissant les Ecritures, ayant appris la géométrie, l'astronomie et les autres sciences. Voulant tenter Constantin ils lui demandèrent :

" Vois-tu, philosophe, cette chose admirable : le prophète Mahomet a apporté un bon enseignement de Dieu et il a convertit beaucoup de monde. Nous suivons tous de manière égale et ferme ses commandements et ne modifions rien. Tandis que vous, chrétiens, qui suivez les commandements du Christ, l'un croit d'une façon, l'autre d'une autre façon et vit comme il l'entend. Vous avez parmi vous beaucoup de maîtres qui enseignent de différentes manières et vous avez des moines qui portent un habit noir et qui mènent un type de vie bien particulier. Et malgré cela vous vous appelez tous chrétiens.

- Vous me proposez deux questions, répondit Constantin, sur la foi chrétienne et sur les commandements chrétiens ou plus précisement : comment croient les chrétiens et comment vivent-ils leur foi dans leur vie de tous les jours. Je parlerai avant tout de la foi. Notre Dieu est comme les profondeurs abyssales, de largeur et de profondeur infinies, inaccessible à l'intelligence humaine et indicible avec les mots humains, ainsi que dit de Lui le saint prophète Isaïe : "qui va expliquer Sa génération ? " (23) ; et notre maître le saint Apôtre Paul se réfère à cela en disant : "O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu, que Ses jugements sont insondables et Ses voies incompréhensibles " (24) . Beaucoup de gens, désirant chercher Dieu, pénètre dans ces profondeurs abyssales : ceux d'entre eux qui sont forts par leur intelligence et ont obtenu l'aide du Seigneur Lui-même, naviguent sans danger sur la mer de l'incompréhensibilité de Dieu; ceux qui sont faibles d'intelligence et par présomption se passent de l'aide de Dieu, veulent traverser ces profondeurs abyssales dans des navires qui prennent l'eau mais ils font naufrage en tombant dans l'hérésie et l'égarement ou bien avec beaucoup de peine ils restent sur place, troublés par l'inconnu et les doutes. C'est pour cela que beaucoup de chrétiens (comme vous le dites) se différencient par la foi. Ce que je viens de dire concernait la foi; par contre pour ce qui est des oeuvres de la foi je dirai ce qui suit :

Le commandment du Christ n'est autre que celui que Dieu donna à Moïse (25 ) sur le mont Sinaï : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d'adultère, ne pas envier son prochain etc. Notre Seigneur a dit : Je ne suis pas venu abolir mais accomplir la loi (26 ) . Pour mener une vie plus parfaite et être plus agréable à Dieu, le Seigneur donna le conseil de mener une vie plus pure, dans la virginité et d'accomplir des oeuvres particulières qui par un chemin étroit et un chemin d'affliction mènent à la vie éternelle.

Cependant le Seigneur ne nous oblige pas à suivre ce genre de vie et ce genre de vie n'est pas choisi contraint et forcé. Dieu a créé l'homme entre le ciel et la terre : par son intelligence et sa raison il se différencie de ceux qui sont privés du don de la parole, par le courroux et la concupiscence il se différencie des anges. En outre Dieu a donné à l'homme son libre arbitre pour qu'il fasse ce qu'il veut; il pourra avoir des contacts avec ce vers qui il est attiré : ou bien il sera en relation avec les anges, en servant Dieu - comme l'intelligence illuminée par la foi l'enseigne à l'homme - ou bien il sera en relation avec les animaux privés de raison, si sans aucune retenue il s'adonne à toutes les concupiscences charnelles.

Or comme Dieu créa l'homme avec son libre arbitre, eh bien il désire que nous soyons sauvés non pas contraints et forcés mais par notre propre désir comme Il le dit : " Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive " (27 ) et "que celui qui peut comprendre comprenne (28 ) ".

Certains de nos fidèles chrétiens traversent cette vie en prenant le chemin le plus aisé : ils vivent suivant les lois de la nature avec sagesse, dans une union conjugale sans faille; d'autres plus fervents et désirant être plus parfaits essayent de vivre comme les anges, et suivent le chemin étroit. C'est pourquoi les chrétiens ont des genres de vie différents. Tandis que votre foi et votre loi,- continua Constantin, - n'ont aucun inconvénient; elles ne sont pas comparables à la mer mais à un petit ruisseau qui peut être enjambé par n'importe qui, par les grands et les petits sans aucune difficulté. Votre foi et votre loi ne comportent rien de divin ni d'inspiration divine, mais seulement des coutumes humaines et une philosophie charnelle qui peuvent être pratiquées sans effort. Votre législateur Mahomet ne vous a donné aucun commandement difficile à remplir : il ne vous a même pas détourné du courroux et de la concupiscence illicite mais au contraire vous a tout permis. C'est pourquoi vous accomplissez tous de la même manière votre loi comme donné suivant vos passions. Tandis que notre Sauveur, le Christ, n'a pas agi ainsi. Lui-même, le tout Pur et la source de toute pureté désire que Ses serviteurs vivent dans la sainteté, s'éloignent de toute concupiscence et que seuls les purs s'unissent à ce qui est Pur, car ce qui est souillé ne peut entrer dans Son royaume " (29 ).

Alors les sages des Sarrazins demandèrent à Constantin :

" Pourquoi vous, chrétiens, divisez-vous Dieu en trois : Vous l'appelez Père, Fils et Esprit. Si Dieu peut avoir un Fils, eh bien donnez-lui une femme pour que nous ayons beaucoup de dieux ! "

Le philosophe chrétien répondit : " Ne blasphémez pas la Sainte Trinité que nous avons appris à confesser en nous référant aux anciens prophètes que vous vénérez vous-même. Car vous respectez avec eux la circoncision. Ils nous enseignent que le Père, le Fils et l'Esprit ont trois hypostases, mais leur nature est Une. On peut voir quelque chose de semblable dans le ciel. Ainsi le soleil créé par Dieu à l'image de la Sainte Trinité est défini par trois éléments : le cercle, le rayon lumineux et la chaleur. Dans la Sainte Trinité, le cercle solaire représente l'image de Dieu le Père. Comme le cercle n'a ni commencement ni fin ainsi Dieu est sans commencement et sans fin. Comme du cercle Solaire est généré le rayon lumineux et la chaleur solaire, ainsi de Dieu le Père naît le Fils et procède l'Esprit Saint. De cette manière le rayon lumineux, illuminant toute la création est à l'image de Dieu le Fils, né du Père et apparu dans le monde; la chaleur sortant de ce même cercle solaire en même temps que le Fils qui naît, procède du Père avant les siècles. Suivant le temps il peut être envoyé aux hommes et par le Fils (30 ), comme par exemple il fut envoyé sur les apôtres sous forme de langues de feu. Le soleil est formé de trois éléments : le cercle, le rayon lumineux et la chaleur et cependant il n'y a pas trois soleils mais un seul, eh bien il en est de même de la très Sainte Trinité qui bien qu'elle ait trois personnes - Père, Fils et Saint Esprit - ne se divise cependant pas dans sa divinité en trois dieux mais constitue un Seul Dieu.

Vous souvenez-vous du passage de l'Ecriture sur la manière dont apparut Dieu à notre ancêtre Abraham près du chêne de Mambré, et de qui vous tenez la circoncision ? Dieu apparut à Abraham sous les trois hypostases : "Levant les yeux (Abraham) vit et voici trois hommes se tinrent devant lui. Les ayant vu il se précipita à leur rencontre à la sortie de son campement, et il s'inclina jusqu'à terre et dit : Seigneur si j'ai reçu grâce devant toi ne passe pas sans t'arrêter chez Ton serviteur " ( 31 ).

Soyez attentifs : Abraham voit devant lui trois hommes mais il discute comme avec Un, disant : Seigneur, si j'ai obtenu grâce devant toi. Il est évident que notre saint ancêtre confessait un seul Dieu en trois hypostases. "

Les sages des Sarrazins ne sachant plus quoi dire contre l'enseignement sur la Sainte Trinité se turent puis demandèrent :

" Comment vous, chrétiens, dites-vous que Dieu est né d'une femme ? Peut-il se faire que Dieu naisse du sein d'une femme ?

- Pas d'une simple femme, répondit le philosophe, mais Dieu le Fils est né, par l'action du Saint Esprit, d'une vierge qui n'a pas connu d'homme; c'est la Saint Esprit qui dans le sein de cette Pure Vierge et sans qu'on sache comment, a bâti la chair du Christ Dieu et a créé ces conditions supra-naturelles d'incarnation et de naissance du Verbe de Dieu. C'est pour cela que la Vierge qui a enfanté le Fils par l'action du Saint Esprit est demeurée avant, pendant, et après son enfantement une Pure Vierge suivant la Volonté de Dieu à qui, tout être créé est redevable, comme le dit l'ode du grand Canon en parlant de la Mère de Dieu : "Si Dieu le veut, l'ordre de la nature est renversé " (32). Votre prophète Mahomet témoigne également que le Christ est né de la Vierge toute pure par le Saint Esprit car il écrit ce qui suit : 'L'Esprit Saint a été envoyé à la Vierge toute pure pour que suivant Sa volonté elle donne naissance à Son Fils.

- Nous ne discutons pas, dirent les Sarrazins, que le Christ soit né d'une Vierge toute pure, mais nous ne l'appelons pas Dieu.

- Si le Christ avait été un simple homme, et non en même temps Dieu, pour quelle raison sa naissance devait-elle se passer par l'action du Saint Esprit ? L'homme naturel naît de la femme mariée et non pas d'une Vierge concevant sans époux, et est conçu selon les lois de la nature - des reins de l'homme et non pas par intuition particulière et action du Saint Esprit ".

Après cela les Sarrazins demandèrent : " Si le Christ est votre Dieu, pourquoi ne faites-vous pas ce qu'il vous dit de faire : Car il est écrit dans l'Evangile - priez pour vos ennemis, faites le bien à ceux qui vous haissent et qui vous persécutent et à ceux qui vous battent vous devez tendre la joue. Vous n'agissez pas comme cela : au contraire vous aiguisez vos armes contre vos ennemis ".

Le philosophe répondit à cela en ces termes : " Si, dans une quelconque loi, deux commandements sont donnés pour être accomplis par les citoyens, qui de ces citoyens sera le véritable exécutant de la loi ? Celui qui accomplit le commandement ou celui qui accomplit les deux ?

- Bien sûr le meilleur exécutant sera celui qui accomplira les deux commandements, dirent les Sarrazins.

- Le Christ notre Dieu, dit alors le philosophe, nous a ordonné de prier pour ceux qui nous offensent de leur faire du bien mais Il a dit également ceci : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis "(33 ) . Nous supportons les offenses si elles sont adressés seulement contre quelqu'un séparement mais nous défendons et donnons même notre vie lorsque ces offenses sont dirigées contre la société, pour que nos frères ne soient pas faits prisonniers, et ne soient pas acculés dans cet état à se détourner vers des actions mauvaises et contraires à Dieu ".

De nouveau les Sarrazins dirent : " Votre Christ payait Lui-même et pour les autres (pour l'apôtre Pierre). Pourquoi n'accomplissez-vous pas cela et ne voulez-vous pas payer l'impôt? Si en vérité vous intercédiez les uns envers les autres, vous paieriez pour vos frères le tribut au si grand et si puissant peuple ismaélite.

- Si quelqu'un marche sur les pas de son maître et désire toujours l'imiter, répondit Constantin, alors que tel autre, quelqu'il soit, essaye de le détourner de ce chemin, ce dernier sera-t-il son ami ou son ennemi ? ".

- Sans aucun doute son ennemi, répondirent les Sarrazins.

- Quand le Christ payait le tribut, demanda alors Constantin, quel était l'empire : Ismaélite ou Romain ?

- Romain, répondirent les Sarrazins.

- C'est pour cela, répondit le philosophe, que nous, suivant le chemin du Christ, nous payons l'impôt à l'empereur qui vit dans la nouvelle Rome (Constantinople) et qui gouverne l'ancienne Rome. Tandis que vous qui cherchez à nous faire payer le tribut vous nous détournez du chemin du Christ et vous êtes nos ennemis ".

Après cela on posa à Constantin de nombreuses autres questions sur les sciences qui leur étaient connues. Constantin répondait à toutes ces questions de si belle manière que les Sarrazins ne pouvaient rien rétorquer. Alors ils lui demandèrent : " Comment se fait-il que tu connaisses tout cela ? "

Constantin fit alors la comparaison suivante : " Un homme, dit-il, puisa de l'eau dans la mer puis l'emporta dans un sac. S'étant beaucoup éloigné de la mer, il dit à tout le monde en montrant le sac rempli d'eau : "voyez-vous cette eau de mer que personne à part moi ne possède ? " L'habitant d'une ville côtière s'approcha de lui et lui répondit : "N'as-tu pas honte de t'enorgueillir d'un quelconque sac avec de l'eau de mer alors que nous avons la mer entière ? " Vous agissez de la même manière quand vous nous posez des questions sur les sciences que vous avez apprises chez nous (les Grecs). "

(à suivre)

Notes:                                                                                                                                                                                                                                                                                    Monter
1) Léon V l'Arménien régna de 813 à 820.

2) Michel II Travla ou Balba ou le Bègue régna de 820 à 829.

3) Théophile régna de 829 à 842.

4) L'époque où les Slaves sont arrivés en Europe ne nous est pas connue. Au 2ème siècle après Jésus Christ, environ, les Slaves étaient localisés sur le cours moyen et le cours inférieur du Danube. Ils eurent ici à souffrir beaucoup des Valakh c'est-à-dire des Romains au temps de Trajan ce qui les obligea à quitter leurs habitations des bords du Danube. Les Slaves s'arrêtèrent alors dans les Carpathe du II au VII siècle. D'ici ils menèrent sous le commandement du prince Doulebov de longues guerres avec Byzance puis de là, par suite de l'invasion des Avares, ils s'éparpillèrent dans toutes les directions. Selon une tradition, le prince grec Heraklès, au VII siècle aurait invité des Slaves dans la presqu'île des Balkans pour qu'ils se battent à ses cotés contre les Avares. Les autres Tribus de ces peuplades slaves, sous la poussée des Avares remontèrent les affluents du Danube et s'installèrent pour y vivre sous différents noms. Sur la rivière Morave, les Moraves, à leur Ouest - les Tchèques. Au nord des Tchèques, les Serbes, les Loujitchanes, à l'Est, sur la Vistule, les Polonais. Une partie des Slaves partit des Carpathes vers l'est et le nord-est pour s'installer sur les fleuves Dniepr, Oka, et jusqu'à Novgorod même : ce sont les Poliens, les Drevliens, les Sveriens etc & qui se mirent à occuper la plaine russe.

5) Le mont Olympe se trouve en Asie Mineure, à la frontière de la Phrygie et de la Bithynie.

6) Sophie - du grec : "Sagesse "

7) Prov. 7: 1-4.

8) Voir le récit de sa vie à la date du 20 septembre.

9) Sa mémoire est fêtée par la Sainte Eglise le 25 janvier.

10) Domestique traduit ici par sénéchal - le militaire du grade le plus élevé, vivant continuellement au palais impérial. Sa fonction était de protéger la personne même de l'empereur.

11) Les patriciens étaient à cette époque les gens de haute naissance.

12) Logophète - garde des sceaux, ou encore le chancelier.

13) Homère - écrivain de la Grèce antique, très connu, auteur de l'Iliade et de l'Odyssée; il vécut il y a plus de 3 mille ans.

14) il fut plus tard patriarche.

15) Golfe long et étroit, formant la baie du détroit du Bosphore.

16) Jean VII fut patriarche de 832 à 842.

17) Moïse - célèbre chef et législateur du peuple hébreu, le premier écrivain des Livres saints ; il vécut 15 siècles avant Jésus Christ. Sa mémoire est fêtée le 4 septembre.

18) Ex. 20 : 4.

19) La description de cet événement se trouve dans le récit des souffrances des saints martyrs d'Amorée, au 6 mars.

20) Cela se passa en 851.

21) Rois 17.

22) L'un d'eux s'appelait Georges.

23) Is. 53 : 8.

24) Rom . 11 : 33.

25) Ex. 20: 1-18.

26) Math. 5 : 17.

27) Math. 16: 24.

28) Math.19 : 12.

29) Apoc. 21 : 27.

30) C'est-à-dire grâce aux mérites de la crucifixion du Christ : "Car l'esprit n'était pas encore parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié " (Jean 7 : 39.)

31) Gen. 18 : 2-3.

32) Du Grand Canon, à la Mère de Dieu.

33) Jean 15 : 13.
Vie des saints de saint Dimitri de Rostov.

Traduction d'Alexandre Boldyreff

 

 

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