Sur le Carême

 


Sur  le  Carême


Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Nous nous trouvons aux portes du carême. A dire vrai, il devrait être inutile d’expliquer à des chrétiens orthodoxes, ce qu’est le carême et en quoi il est nécessaire aux hommes, attendu que le carême est une institution de l’Église-même, et que chaque orthodoxe, connaissant le saint Évangile, doit garder en mémoire les paroles si riches du Sauveur : « Si un homme n’écoute pas l’Église, qu’il soit comme le païen et le publicain » /Mat.18, 17/, c’est-à-dire que par le péché de désobéissance à l’Église, de son propre fait, il cesse, en quelque sorte, d’être un chrétien orthodoxe.
C’est à la fois clair et simple … Cependant, de nos jours, la vie même se charge de nous montrer que des chrétiens orthodoxes, persuadés d’être des enfants fidèles et dévoués de l’Église, considèrent le carême de façon si peu ecclésiale et si peu orthodoxe, que bon gré mal gré, les prêtres doivent en parler et rappeler ce qu’est le carême.
Avant tout, bien chers frères et sœurs, comprenez et souvenez-vous bien que le carême n’a pas été institué par un quelconque membre de l’Église, fut-il un saint ou un juste. Le carême est une institution universelle de l’Église. Le carême est une loi ecclésiale. Pour ne pas être tenu d’appliquer une loi, il faut avoir quelque raison valable. Lorsque cette raison existe, l’Église est toujours prête à la reconnaître. Ainsi, lorsqu’une personne gravement malade nécessite de recevoir une nourriture appropriée pour renforcer un organisme affaibli, non seulement l’Église lui permet d’alléger le carême, mais dans certains cas elle peut même l’en dispenser. Une personne peut se trouver dans l’impossibilité de choisir sa nourriture et, en pareil cas, l’Église peut également dispenser du carême.
Mais, malheureusement, il arrive d’entendre des propos étranges, comme, par exemple : « Qu’est-ce que cela peut bien faire à Dieu, que je mange des pommes de terre ou du jambon ». Assurément, Dieu n’a rien à faire de ce que nous mangeons, mais tâche de comprendre, homme insensé, que c’est toi, et non pas Dieu, qui a besoin du carême. Lorsque le Fils de Dieu s’est incarné sur terre, selon le témoignage du saint Évangile, Il jeûna 40 jours et 40 nuits, avant d’entamer Son ministère. Et lorsque, plus tard, les apôtres le questionnaient pour savoir pourquoi ils ne réussissaient pas à chasser l’esprit mauvais d’un jeune homme possédé, le Seigneur leur dit : « Cette espèce ne peut être chassée (c’est-à-dire vaincue) que par la prière et le jeûne » /Mat., 17, 21/. Dans ces paroles du Sauveur, le jeûne est placé au même rang que la prière, comme moyen de lutte et de victoire sur les puissances démoniaques.
Examinez attentivement ce que vous voyez dans ce saint temple. Il y a là une multitude de visages de saints de Dieu. Montrez m’en, ne serait-ce qu’un seul, qui se fasse l’avocat de cette position que de nombreux chrétiens orthodoxes défendent malheureusement aujourd’hui, affirmant que le carême est une chose secondaire; que cela est indifférent à Dieu de savoir ce que nous mangeons et qu’il n’est nullement obligatoire de respecter les carêmes. Ces saints de Dieu que l’Église a glorifiés - indiquant que la voie qu’ils ont suivie était une voie vraie, juste et parfaite - non seulement ils respectaient tous les carêmes, mais encore ils jeûnaient de façon telle que ce serait au-dessus des forces de nombre d’entre nous.
Montre-moi, dis-je, ne serait-ce qu’un seul saint représenté sur les icônes qui parlerait des carêmes comme osent en parler de nos jours certaines personnes se croyant intelligentes et qui imaginent que leur raisonnement corrompu serait supérieur aux lois de l’Église. Saint Séraphim de Sarov a, un jour, indiqué très exactement l’importance du carême. Une femme, mère aimante dont la fille devait se marier, était venue le voir. Tout naturellement, le cœur de cette mère était inquiet pour le destin et le bonheur de sa fille et elle désirait savoir si elle allait être heureuse avec son futur compagnon de vie. C’est cette question qu’elle était venue poser à saint Séraphim qui, l’ayant écoutée, répondit ainsi : « Avant toute autre chose, puisque ta fille a un élu, tu dois savoir s’il observe les jeûnes car (ce sont là ses propres paroles) celui qui n’observe pas les jeûnes n’est pas chrétien ».
Souviens-toi de cela, âme chrétienne. Dans ce domaine, saint Séraphim est une autorité absolue. Jamais il n’a exigé de qui que ce soit des exploits excessifs, surhumains, semblables à ceux qu’il endurait lui-même. Il ne le demandait à personne; en revanche, de tout chrétien il exigeait avant tout une obéissance absolue à l’Église et sa réponse à cette mère a été précisément faite dans l’esprit de la parole du Seigneur sur l’obéissance due à l’Église que je viens de citer. Quand un homme ne respecte pas le carême, il n’écoute pas l’Église qui commande d’observer les jeûnes, et donc il cesse d’être fils de l’Église, il cesse d’être chrétien orthodoxe. Nul ne peut échapper à cette logique de fer. C’est pourquoi, en ce qui concerne le carême, souviens-toi une fois pour toute : si tu désires être un fils fidèle de l’Église Orthodoxe Russe, tu dois observer les jeûnes qui sont prescrits.
Malheureusement, dans ce domaine les gens se sont incroyablement relâchés. Une fois, comme pour se justifier, un homme d’Église disait au célèbre hiérarque russe le métropolite Philarète de Moscou, connu tant pour la sainteté de sa vie que pour sa sagesse particulière : « Vladyka, que faire, l’esprit est fort, mais la chair est faible ». Le métropolite Philarète secoua la tête et dit : « Non, mon ami; il convient de dire le contraire : l’esprit est faible tandis que la chair est forte. C’est elle qui dicte ses lois, alors que l’esprit impuissant, n’étant pas en mesure de résister, se soumet et l’homme accomplit le moindre caprice de son corps, de sa chair ».
On entend souvent dire de nos jours : « Il est difficile de faire le carême, il n’est pas toujours aisé d’obtenir une table carêmique ». Selon moi, ce n’est pas vrai. Dans nos conditions de vie actuelle que ce soit en Australie où je me trouvais récemment, ou ici en Amérique, il est tout bonnement honteux de tenir de pareils propos. Ne vaut-il pas mieux dire carrément : « Nous ne voulons pas faire le carême ». Au moins ce serait sincère, car autrement c’est recourrir à des prétextes mensongers.
J’ai vécu un certain nombre d’années en Chine où régnait une véritable famine. Les gens vivaient dans un besoin criant, certains jours il n’y avait tout simplement rien à manger. Nombre de personnes étaient loin de manger tous les jours et néanmoins ceux qui désiraient faire le carême, le faisaient même dans ces conditions, et personne, jamais, n’est mort de faim. Saint Séraphim dit un jour : « Le pain et l’eau n’ont jamais fait de mal à personne. Personne n’est jamais mort d’avoir fait le carême, tandis qu’en revanche combien sont morts d’indigestion ». C’est là une remarque simple et d’une extrême sagesse.
Bien-aimés frères qui m’écoutez ! Vous et moi sommes les enfants de l’Église Orthodoxe Russe Hors-Frontières et nous devons nous souvenir que nous devons nous distinguer par quelque chose de la masse des hétérodoxes parmi lesquels nous vivons ici. L’apôtre Paul écrivait aux chrétiens de la ville de Philippes pour les féliciter de ce  qu’ils « brillent comme des luminaires dans le monde »  /Phil., 2, 15/ au  milieu des ténèbres du paganisme qui les entourent. Combien serait éclatante la force et la beauté spirituelle de notre Église Orthodoxe, si ses enfants se conformaient strictement et sans faillir à toutes ses règles, et en particulier aux carêmes. Cela suscite toujours un profond respect de la part des non-orthodoxes. Un homme conséquent dans tous ses actes et ses convictions sera toujours respecté.
Ainsi, je vous redis : nous sommes à la veille du carême et l’on aimerait croire que tous ceux qui ont entendu l’appel de l’Église, feront la preuve qu’ils ne sont pas des “désobéissants”, mais des “obéissants” à l’égard de la doctrine de l’Église. Et j’espère que nous tous ici présents, dans la mesure de nos forces, nous observerons ce carême qui commence, nous souvenant que celui qui ne jeûne pas ne ressentira jamais les bienfaits d’une fête comme celui qui respecte les jeûnes prescrits par l’Église.
 

Métropolite Philarète
 







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