SERMON POUR LE JOUR DE PÂQUE Du Métropolite Philarète de Moscou Christ est ressuscité !
Déjà se sont écoulées quelques-unes des heures solennelles et symboliques de la plus grande des fêtes. Il me vient à la pensée de me demander : Comprenons-nous assez les toutes premières minutes de cette solennité ? Retournons, de ce jour éclatant, à la nuit qui l'a précédé, nuit d'abord sombre, et puis non moins éclatante que ce jour lui-même, et arrêtons nos méditations sur ce qui s'est passé. Dés minuit, l'Eglise s'est hâtée de nous réunir pour le commencement de la fête. Pourquoi cela ? C'est qu'il était désirable de rapprocher, autant que possible, le commencement de la solennité de l'heure de l'évênement qu'elle est destinée à célébrer : la Résurrection de Jésus Christ. Cette heure ne nous est pas précisément connue. Quand les saintes femmes, vers le lever du soleil, arrivèrent au tombeau du Seigneur, il était déjà ouvert, et les anges leur annoncèrent la Résurrection du Christ, qui était déjà accomplie. Ce fut beaucoup plus tôt que la terre trembla autour du tombeau du Seigneur, que l'ange en souvela la pierre, qu'il en terrassa les gardes par l'éclat de son apparition, et qu'il les éloigna ainsi afin d'en rendre l'approche libre aux saintes femmes et aux apôtres. Ce fut encore plus tôt que s'accomplit la Résurrection, puisqu'elle s'accomplit le tombeau étant encore scellé, ainsi que l'atteste la sainte Eglise, gardienne des mystères du Christ; mais ce ne fut pas toutefois avant minuit, puisque, selon la prédiction du Seigneur, elle devait arriver le troisième jour, et par conséquent après l'heure de minuit du samedi, quoique ce puisse être dans les premiers moments qui la suivirent. Nous avons voulu saisir, cachée dans ces heures, la minute incomparablement grande et merveilleuse de la Résurrection, en commençant à propos notre solennité, de telle sorte que notre fête coïncidât autant que possible avec l'événement que nous célébrons, de même que ceux qui conduisent un triomphe sont appelés à se joindre au triomphateur. Immédiatement avant de commencer cette célébration de la Résurrection, nous avons entonné un cantique en l'honneur de la sépulture de trois jours de Jésus Christ. Pourquoi cela ? C'est qu'ici encore l'ordre de la commémoration a suivi les événements commémorés, puisque la Résurrection de Jésus Christ n'arriva qu'à la suite de sa sépulture de trois jours. En second lieu, ce réveil, avant la joie, d'une pieuse tristesse, devait fort bien nous préparer à une intelligence plus exacte et plus claire, et à un sentiment plus vif de la joie divine qui la devait suivre. Nous avons préludé à cette cérémonie solennelle par un hymne dans lequel nous avons proclamé que les anges chantent dans les cieux la Résurrection de Jésus Christ; ensuite nous avons demandé pour nous aussi la grâce de la célébrer avec un cœur pur; et ce chant a été entonné dès le commencement, le sanctuaire encore fermé, lorsque l'église était dans le silence. Que veut dire cet ordre des cérémonies? Il rappelle encore l'ordre des évênements. Les anges ont connu et glorifié avant les hommes la Résurrection de Jésus Christ, puisque les homme l'ont apprise d'abord des anges. Le ciel ne s'est pas ouvert aux yeux de la terre quand le Christ l'a ouvert d'une manière invisible par la force de sa croix, et y a introduit, dès le moment de Sa Résurrection, les patriarches, les prophètes et les saints de l'Ancien Testament, au milieu des cantiques des anges. Nous connaissons par la foi, et non par nos yeux, cette marche triomphale de l'Eglise céleste, et, pour que cette connaissance que nous en avons ne soit pas trop confuse, pour que la représentation symbolique qu'en fait l'Eglise de la terre ne soit pas trop formellee, nous avons besoin de demander au Christ Dieu sa grâce et la pureté du cœur, parce que ceux qui ont le cœur pur, verront Dieu (Matth. 5 : 8). Et après avoir demandé à Jésus Christ ressuscité Lui-même Son secours pour Le glorifier dignement, nous avons suivi, dans cette glorification, un ordre de cérémonie tout à fait inaccoutumé. Sortis du sanctuaire et du temple, nous nous sommes arrêtés dans la nuit, à l'occident, devant les portes fermées du temple, et, là, nous avons chanté un premier hymne à la Très-Sainte Trinité et au Christ ressuscité. L'encensoir et la croix nous ont ouvert les portes, et alors, de l'ombre extérieure, nous sommes livrés complètement à l'enthousiasme de la fête. Il y a là tant de choses inaccoutumées qu'on serait amené à les regarder comme désordonnées si l'on n'y voyait une signification mystérieuse et profonde. Quelle est cette signification ? Celle-là même que nous vous avons dèjà expliquée en partie. Dans ces cérémonies visibles de l'Eglise de la terre, est retracée, autant que possible, la célébration triomphale de l'Eglise du ciel. C'est une loi ancienne et sublime des cérémonies de l'Eglise, d'être l'image des célébration au ciel. C'est ainsi que l'Apôtre saint Paul dit du sacerdoce de l'Ancien Testament qu'il était la figure et l'ombre des choses célestes (Héb. 8 : 5). L'Eglise chrétienne est plus près de l'Eglise céleste que celle de l'Ancien Testament. Celle-ci était surtout la figure de l'abaissement du ciel sur la terre, de l'Incarnation du Fils de Dieu; l'Eglise chrétienne, après Sa descente sur la terre, a dû principalement Le représenter, selon l'expression du Prophète, montant au ciel, et traînant captive la captivité (Ps. 43 : 19), ou, pour parler plus clairement, arrachant à l'enfer ses prisonniers et ses esclaves, et les conduisant à la liberté et à la béatitude; recevant des dons pour les hommes, c'est-à-dire, acquérant aux hommes, par les pouvoirs de Sa Croix, le droit aux dons bienheureux du Saint Esprit. La Résurrection et l'Ascension de Jésus Christ n'ont pas commencé au tombeau seulement, mais à l'enfer même : car, après Sa mort sur la Croix, ainsi que le proclame l'Eglise, Son corps est demeuré au sépulture, mais Son âme est descendue aux enfers, parce qu'Il est Dieu. Il est descendu même jusqu'aux enfers, et Il y a dissipé les ténébres qui y règnent. Jusque-là, quoique les patriarches, les prophètes et les justes de l'Ancien Testament ne fussent pas plongés dans la nuit profonde où sont submergés les incrédules et les impies, ils n'étaient cependant pas sortis non plus de l'ombre de la mort, et ne jouissaient pas de la pleine lumière. Ils avaient la semence de la lumière, c'est-à-dire la foi dans la venue de Jésus Christ; mais ce n'était qu'à sa venue réelle vers eux, et au contact de Sa lumière divine que leurs lampes pouvaient s'allumer de la flamme de la véritable vie céleste. Leurs âmes, commes les vierges sages, se tenaœnt aux portes de la maison céleste; mais la clef de David pouvait seule ouvrir ces portes; l'Epoux divin seul, Qui était sorti par ces portes, pouvait y rentrer, et ramener avec Lui les fils de son lit nuptial. Et ainsi le Sauveur du monde, après avoir été crucifié et être mort dans le monde visible, est descendu dans le monde invisible, même jusqu'aux enfers, et Il a éclairé les âmes des justes, et Il les a délivrées de l'ombre de la mort, et Il leur a ouvert les portes du paradis et du ciel; puis Il a montré enfin, dans le monde visible, la lumière de la Résurrection. Ne comprenez-vous pas, maintenant, comment l'Eglise a joint cet invisible à ce visible, et a figuré l'un dans l'autre ? Nous nous sommes arrêtés, comme avec les habitants du monde invisible, au couchant, dans l'ombre de la nuit comme dans l'ombre de la mort, devant les portes fermées du temple comme devant les portes fermées du paradis. Par là, l'Eglise a voulu nous dire : C'était ainsi avant la Résurrection de Jésus Christ, et c'eût été ainsi éternellement s'Il ne fût pas ressuscité. Ensuite l'hymne à la Très-Sainte Trinité et au Christ ressuscité, la croix et l'encensoir nous ont ouvert les portes du temple représentant les portes du paradis et du ciel. Par ces images l'Eglise nous a dit : C'est ainsi que la grâce de la Très-Sainte Trinité, et le Nom et la Force de Jésus Christ ressuscité, la foi et la prière ouvrent les portes du paradis et du ciel. Les cierges brûlant dans nos mains ne représenaient pas seulement la lumière de la Résurrection, mais ils nous rappelaient en même temps les vierges sages, et nous invitaient à nous tenir prêts pour accueillir, avec la lampe de la foi, alimentée par l'huile de la paix, de l'amour et de la charité, la seconde venue, la venue glorieuse de l'Epoux céleste au milieu de la nuit, et pour trouver ouvertes devant nous les portes de Son Royaume. Ce sont là quelques-uns des traits des cérémonies mystérieuses accomplies aujourd'hui par l'Eglise ! Soyons attentifs, mes frères, et surtout soyons fidèles à l'enseignement symbolique de l'Eglise notre mère. En célébrant le triomphe du Christ ressuscité pour nous, arrêtons en même temps, dans l'attendrissement de nos cœurs, nos regards sur le Christ crucifié, tourmenté, mort et enseveli pour nous, de peur que notre joie ne s'oublie et ne devienne déraisonnable. Celui-là seul peut goûter pleinement, et sans crainte de la perdre, la joie de la Résurrection de Jésus Christ, qui est ressuscité lui aussi intérieurement avec Jésus Christ, et qui peut avoir l'espérance de ressusciter triomphalement : or, cette espérance n'appartient qu'a celui qui prend sa part de la croix, des souffrances et de la mort du Christ, ainsi que nous l'enseigne l'Apôtre : Si nous avons été entés en lui par la ressemblance de sa mort, nous serons aussi entés en lui par la ressemblance de sa Résurrection (Rom. 6 : 5). Souffrons avec lui, et nous serons glorifiés avec lui (Rom. 8 : 17). La joie de cette fête, si elle oubliait la croix et la mort du Sauveur qui nous invitent à crucifier notre chair avec ses passions et ses convoitises, courrait le risque de terminer par la chair ce qui a été commencé par l'esprit, et de changer ceux qui célébrent la Résurrection du Christ en bourreaux qui Le crucifieraient une seconde fois. Nous avons célébré, après les anges et à leur exemple, le triomphe de la Résurrection de Jésus Christ; nous nous sommes joints figurativement, pour ce triomphe, aux patriarches, aux prophètes et aux justes, nous avons été introduits dans l'Eglise comme dans le paradis et le ciel pour la solennisation de cette fête. Songez donc quelle doit être, après cela, notre solennité ! Elle doit ressembler de près à celle des anges, elle doit être digne de s'unir à celle de l'Eglise céleste des patriarches, des prophètes et de tous les autres saints, elle doit être digne du paradis et du ciel. Ne pensez pas que cette exigence soit excessive et impossible à notre faiblesse. Celui qui célébre cette fête avec un cœur pur, la célébre avec les anges. Celui qui la célébre avec amour pour Dieu et pour Jésus Christ ressuscité, dans un esprit de fraternité pour son prochain, celui-là la célébre en communion avec l'Eglise céleste, puisque le ciel n'est autre chose que le royaume de l'amour divin, et si, comme l'assure l'auteur de l'Apocalypse, Quiconque demeure dans l'amour, demeure en Dieu (I Jean 4:16), il ne demeure pas, évidemment, hors du paradis et du ciel. Mais s'il ne nous est pas très difficile de nous élever pour unir notre solennité à celle des anges et de l'Eglise céleste, il ne nous l'est pas davantage, malheureusement, de tomber et de nous éloigner de leur communion. Celui qui plonge et ensevelit les joies de l'âme dans les jouissances de la chair, celui-là ne célébre plus la fête avec les anges incorporels. Celui qui s'occupe de la terre au point d'oublier le ciel, celui-là, dès lors, est loin de l'Eglise céleste. Celui qui ne s'efforce pas de préserver sa fête du péché, celui-là ne la célébre plus en communion avec les saints. Celui qui ne garde pas et n'entretient pas sa lumière intérieure, et qui, par sa négligence, la laisse s'éteindre, celui-là n'a pas beaucoup d'espérance de voir ouvertes les portes saintes de la demeure céleste, quoiqu'il voie, sur la terre, s'ouvrir les portes saintes du sanctuaire. Ô Christ, notre Sauveur, glorifié au ciel par les anges et par les âmes bienheureuses des justes! rends-nous dignes de Te glorifier aussi sur la terre avec un cœur pur ! - Amen.
Choix de Sermons et Discours de S. Em. Mgr Philarète, traduits du russe par A. Serpinet, E. Dentu, Libraire-éditeur, Paris, 1866 tome 1, p. 30-37 |
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Christ est ressuscité !
Déjà se sont écoulées quelques-unes des heures solennelles et symboliques de la plus grande des fêtes. Il me vient à la pensée de me demander : Comprenons-nous assez les toutes premières minutes de cette solennité ? Retournons, de ce jour éclatant, à la nuit qui l'a précédé, nuit d'abord sombre, et puis non moins éclatante que ce jour lui-même, et arrêtons nos méditations sur ce qui s'est passé. Dés minuit, l'Eglise s'est hâtée de nous réunir pour le commencement de la fête. Pourquoi cela ? C'est qu'il était désirable de rapprocher, autant que possible, le commencement de la solennité de l'heure de l'évênement qu'elle est destinée à célébrer : la Résurrection de Jésus Christ. Cette heure ne nous est pas précisément connue. Quand les saintes femmes, vers le lever du soleil, arrivèrent au tombeau du Seigneur, il était déjà ouvert, et les anges leur annoncèrent la Résurrection du Christ, qui était déjà accomplie. Ce fut beaucoup plus tôt que la terre trembla autour du tombeau du Seigneur, que l'ange en souvela la pierre, qu'il en terrassa les gardes par l'éclat de son apparition, et qu'il les éloigna ainsi afin d'en rendre l'approche libre aux saintes femmes et aux apôtres. Ce fut encore plus tôt que s'accomplit la Résurrection, puisqu'elle s'accomplit le tombeau étant encore scellé, ainsi que l'atteste la sainte Eglise, gardienne des mystères du Christ; mais ce ne fut pas toutefois avant minuit, puisque, selon la prédiction du Seigneur, elle devait arriver le troisième jour, et par conséquent après l'heure de minuit du samedi, quoique ce puisse être dans les premiers moments qui la suivirent. Nous avons voulu saisir, cachée dans ces heures, la minute incomparablement grande et merveilleuse de la Résurrection, en commençant à propos notre solennité, de telle sorte que notre fête coïncidât autant que possible avec l'événement que nous célébrons, de même que ceux qui conduisent un triomphe sont appelés à se joindre au triomphateur. Immédiatement avant de commencer cette célébration de la Résurrection, nous avons entonné un cantique en l'honneur de la sépulture de trois jours de Jésus Christ. Pourquoi cela ? C'est qu'ici encore l'ordre de la commémoration a suivi les événements commémorés, puisque la Résurrection de Jésus Christ n'arriva qu'à la suite de sa sépulture de trois jours. En second lieu, ce réveil, avant la joie, d'une pieuse tristesse, devait fort bien nous préparer à une intelligence plus exacte et plus claire, et à un sentiment plus vif de la joie divine qui la devait suivre. Nous avons préludé à cette cérémonie solennelle par un hymne dans lequel nous avons proclamé que les anges chantent dans les cieux la Résurrection de Jésus Christ; ensuite nous avons demandé pour nous aussi la grâce de la célébrer avec un cœur pur; et ce chant a été entonné dès le commencement, le sanctuaire encore fermé, lorsque l'église était dans le silence. Que veut dire cet ordre des cérémonies? Il rappelle encore l'ordre des évênements. Les anges ont connu et glorifié avant les hommes la Résurrection de Jésus Christ, puisque les homme l'ont apprise d'abord des anges. Le ciel ne s'est pas ouvert aux yeux de la terre quand le Christ l'a ouvert d'une manière invisible par la force de sa croix, et y a introduit, dès le moment de Sa Résurrection, les patriarches, les prophètes et les saints de l'Ancien Testament, au milieu des cantiques des anges. Nous connaissons par la foi, et non par nos yeux, cette marche triomphale de l'Eglise céleste, et, pour que cette connaissance que nous en avons ne soit pas trop confuse, pour que la représentation symbolique qu'en fait l'Eglise de la terre ne soit pas trop formellee, nous avons besoin de demander au Christ Dieu sa grâce et la pureté du cœur, parce que ceux qui ont le cœur pur, verront Dieu (Matth. 5 : 8). Et après avoir demandé à Jésus Christ ressuscité Lui-même Son secours pour Le glorifier dignement, nous avons suivi, dans cette glorification, un ordre de cérémonie tout à fait inaccoutumé. Sortis du sanctuaire et du temple, nous nous sommes arrêtés dans la nuit, à l'occident, devant les portes fermées du temple, et, là, nous avons chanté un premier hymne à la Très-Sainte Trinité et au Christ ressuscité. L'encensoir et la croix nous ont ouvert les portes, et alors, de l'ombre extérieure, nous sommes livrés complètement à l'enthousiasme de la fête. Il y a là tant de choses inaccoutumées qu'on serait amené à les regarder comme désordonnées si l'on n'y voyait une signification mystérieuse et profonde. Quelle est cette signification ? Celle-là même que nous vous avons dèjà expliquée en partie. Dans ces cérémonies visibles de l'Eglise de la terre, est retracée, autant que possible, la célébration triomphale de l'Eglise du ciel. C'est une loi ancienne et sublime des cérémonies de l'Eglise, d'être l'image des célébration au ciel. C'est ainsi que l'Apôtre saint Paul dit du sacerdoce de l'Ancien Testament qu'il était la figure et l'ombre des choses célestes (Héb. 8 : 5). L'Eglise chrétienne est plus près de l'Eglise céleste que celle de l'Ancien Testament. Celle-ci était surtout la figure de l'abaissement du ciel sur la terre, de l'Incarnation du Fils de Dieu; l'Eglise chrétienne, après Sa descente sur la terre, a dû principalement Le représenter, selon l'expression du Prophète, montant au ciel, et traînant captive la captivité (Ps. 43 : 19), ou, pour parler plus clairement, arrachant à l'enfer ses prisonniers et ses esclaves, et les conduisant à la liberté et à la béatitude; recevant des dons pour les hommes, c'est-à-dire, acquérant aux hommes, par les pouvoirs de Sa Croix, le droit aux dons bienheureux du Saint Esprit. La Résurrection et l'Ascension de Jésus Christ n'ont pas commencé au tombeau seulement, mais à l'enfer même : car, après Sa mort sur la Croix, ainsi que le proclame l'Eglise, Son corps est demeuré au sépulture, mais Son âme est descendue aux enfers, parce qu'Il est Dieu. Il est descendu même jusqu'aux enfers, et Il y a dissipé les ténébres qui y règnent. Jusque-là, quoique les patriarches, les prophètes et les justes de l'Ancien Testament ne fussent pas plongés dans la nuit profonde où sont submergés les incrédules et les impies, ils n'étaient cependant pas sortis non plus de l'ombre de la mort, et ne jouissaient pas de la pleine lumière. Ils avaient la semence de la lumière, c'est-à-dire la foi dans la venue de Jésus Christ; mais ce n'était qu'à sa venue réelle vers eux, et au contact de Sa lumière divine que leurs lampes pouvaient s'allumer de la flamme de la véritable vie céleste. Leurs âmes, commes les vierges sages, se tenaœnt aux portes de la maison céleste; mais la clef de David pouvait seule ouvrir ces portes; l'Epoux divin seul, Qui était sorti par ces portes, pouvait y rentrer, et ramener avec Lui les fils de son lit nuptial. Et ainsi le Sauveur du monde, après avoir été crucifié et être mort dans le monde visible, est descendu dans le monde invisible, même jusqu'aux enfers, et Il a éclairé les âmes des justes, et Il les a délivrées de l'ombre de la mort, et Il leur a ouvert les portes du paradis et du ciel; puis Il a montré enfin, dans le monde visible, la lumière de la Résurrection. Ne comprenez-vous pas, maintenant, comment l'Eglise a joint cet invisible à ce visible, et a figuré l'un dans l'autre ? Nous nous sommes arrêtés, comme avec les habitants du monde invisible, au couchant, dans l'ombre de la nuit comme dans l'ombre de la mort, devant les portes fermées du temple comme devant les portes fermées du paradis. Par là, l'Eglise a voulu nous dire : C'était ainsi avant la Résurrection de Jésus Christ, et c'eût été ainsi éternellement s'Il ne fût pas ressuscité. Ensuite l'hymne à la Très-Sainte Trinité et au Christ ressuscité, la croix et l'encensoir nous ont ouvert les portes du temple représentant les portes du paradis et du ciel. Par ces images l'Eglise nous a dit : C'est ainsi que la grâce de la Très-Sainte Trinité, et le Nom et la Force de Jésus Christ ressuscité, la foi et la prière ouvrent les portes du paradis et du ciel. Les cierges brûlant dans nos mains ne représenaient pas seulement la lumière de la Résurrection, mais ils nous rappelaient en même temps les vierges sages, et nous invitaient à nous tenir prêts pour accueillir, avec la lampe de la foi, alimentée par l'huile de la paix, de l'amour et de la charité, la seconde venue, la venue glorieuse de l'Epoux céleste au milieu de la nuit, et pour trouver ouvertes devant nous les portes de Son Royaume. Ce sont là quelques-uns des traits des cérémonies mystérieuses accomplies aujourd'hui par l'Eglise ! Soyons attentifs, mes frères, et surtout soyons fidèles à l'enseignement symbolique de l'Eglise notre mère. En célébrant le triomphe du Christ ressuscité pour nous, arrêtons en même temps, dans l'attendrissement de nos cœurs, nos regards sur le Christ crucifié, tourmenté, mort et enseveli pour nous, de peur que notre joie ne s'oublie et ne devienne déraisonnable. Celui-là seul peut goûter pleinement, et sans crainte de la perdre, la joie de la Résurrection de Jésus Christ, qui est ressuscité lui aussi intérieurement avec Jésus Christ, et qui peut avoir l'espérance de ressusciter triomphalement : or, cette espérance n'appartient qu'a celui qui prend sa part de la croix, des souffrances et de la mort du Christ, ainsi que nous l'enseigne l'Apôtre : Si nous avons été entés en lui par la ressemblance de sa mort, nous serons aussi entés en lui par la ressemblance de sa Résurrection (Rom. 6 : 5). Souffrons avec lui, et nous serons glorifiés avec lui (Rom. 8 : 17). La joie de cette fête, si elle oubliait la croix et la mort du Sauveur qui nous invitent à crucifier notre chair avec ses passions et ses convoitises, courrait le risque de terminer par la chair ce qui a été commencé par l'esprit, et de changer ceux qui célébrent la Résurrection du Christ en bourreaux qui Le crucifieraient une seconde fois. Nous avons célébré, après les anges et à leur exemple, le triomphe de la Résurrection de Jésus Christ; nous nous sommes joints figurativement, pour ce triomphe, aux patriarches, aux prophètes et aux justes, nous avons été introduits dans l'Eglise comme dans le paradis et le ciel pour la solennisation de cette fête. Songez donc quelle doit être, après cela, notre solennité ! Elle doit ressembler de près à celle des anges, elle doit être digne de s'unir à celle de l'Eglise céleste des patriarches, des prophètes et de tous les autres saints, elle doit être digne du paradis et du ciel. Ne pensez pas que cette exigence soit excessive et impossible à notre faiblesse. Celui qui célébre cette fête avec un cœur pur, la célébre avec les anges. Celui qui la célébre avec amour pour Dieu et pour Jésus Christ ressuscité, dans un esprit de fraternité pour son prochain, celui-là la célébre en communion avec l'Eglise céleste, puisque le ciel n'est autre chose que le royaume de l'amour divin, et si, comme l'assure l'auteur de l'Apocalypse, Quiconque demeure dans l'amour, demeure en Dieu (I Jean 4:16), il ne demeure pas, évidemment, hors du paradis et du ciel. Mais s'il ne nous est pas très difficile de nous élever pour unir notre solennité à celle des anges et de l'Eglise céleste, il ne nous l'est pas davantage, malheureusement, de tomber et de nous éloigner de leur communion. Celui qui plonge et ensevelit les joies de l'âme dans les jouissances de la chair, celui-là ne célébre plus la fête avec les anges incorporels. Celui qui s'occupe de la terre au point d'oublier le ciel, celui-là, dès lors, est loin de l'Eglise céleste. Celui qui ne s'efforce pas de préserver sa fête du péché, celui-là ne la célébre plus en communion avec les saints. Celui qui ne garde pas et n'entretient pas sa lumière intérieure, et qui, par sa négligence, la laisse s'éteindre, celui-là n'a pas beaucoup d'espérance de voir ouvertes les portes saintes de la demeure céleste, quoiqu'il voie, sur la terre, s'ouvrir les portes saintes du sanctuaire. Ô Christ, notre Sauveur, glorifié au ciel par les anges et par les âmes bienheureuses des justes! rends-nous dignes de Te glorifier aussi sur la terre avec un cœur pur ! - Amen.
Choix de Sermons et Discours de S. Em. Mgr Philarète, traduits du russe par A. Serpinet, E. Dentu, Libraire-éditeur, Paris, 1866 tome 1, p. 30-37 |
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