1. Comment, par l'Incarnation du Fils, Dieu le Verbe, la nature humaine retrouve le bonheur, cette condition divine et bonne qui était la sienne jusqu'à la transgression d'Adam.
La nature humaine ayant perdu son bonheur par la transgression d'Adam, il est essentiel de connaître l'état d'Adam avant sa chute, et la nature de cette condition divine et bonne de l'homme avant la transgression.
Les Saints Pères nous enseignent que Dieu s'est fait homme afin de relever la nature humaine et de lui permettre d'accéder de nouveau au bonheur. Nous devons donc savoir comment, par cette Economie de l'Incarnation du Christ, l'homme peut retrouver cet état bienheureux.
Au commencement, Dieu créa l'homme saint, impassible, sans péché, à Sa propre Image et Ressemblance. Et l'homme était bien ainsi, tel que Dieu l'avait créé : le Dieu saint, sans péché, impassible ne peut créer que des êtres saints, sans péché, impassibles. Mais, autant l'immutabilité, l'impassibilité sont caractéristiques et spécifiques de la seule Divinité, autant l'homme créé est naturellement sujet au changement, à l'altération, tout en ayant les moyens, la possibilité, avec l'aide de Dieu, de ne pas céder au changement, à l'altération.
L'homme était donc saint, et comme tel, n'avait nul besoin de loi, car les justes en sont dispensés.En effet, de quelle utilité serait la loi pour celui qui est saint, impassible, pur ? La loi enjoint de faire le bien, non le mal. L'Ecriture ne dit-Elle pas : “Dieu contempla tout ce qu'Il avait créé et vit que c'était très bon” (Gen. 1:31).
Toute la création étant excellente, quel besoin avait l'homme de savoir ce qui était bon et mauvais ? Du moment que tout le créé était très bon, l'homme divinement créé n'avait nul besoin de loi.
2. De même, à propos de la loi naturelle, écrite et spirituelle.
Adam était autorisé à manger de tous les arbres du Paradis, et de l'arbre de Vie lui-même.
Cependant un arbre, un seul, lui était interdit, pour lui signifier qu'il était sujet au changement, à la fluctuation, et qu'il devait y prendre garde afin de ne pas déchoir de sa condition divine et bonne.
Oui, Dieu en lui interdisant formellement de manger de cet arbre sous peine de mort, lui donnait à entendre qu'il était capable de changer, de déchoir.
En ce temps-là donc, au Paradis, nulle loi - écrite ou spirituelle - n'était nécessaire. Mais après que l'homme eut goûté à l'arbre défendu, et qu'il soit mort d'une mort amère, c'est à dire soit tombé loin de Dieu et devenu corruptible - alors, afin de n'être pas complètement privé de tout bien (le mal s'était emparé avec force de la race humaine, la tyrannisait durement, en raison de son désastreux affaiblissement inhérent à la corruption) une loi lui fut donnée pour lui apprendre à discerner le bien et le mal.
L'homme devenu aveugle, déboussolé, insensé, avait désormais besoin d'instruction, comme il est écrit dans les psaumes : ouvre mes yeux et je comprendrai les merveilles de Ta Loi (Ps. 118:73). Voyez en quelle condition pitoyable l'homme était réduit, et, à quel point il avait désormais besoin de la loi écrite. Une fois tombé, il n'avait même plus l'intelligence de ce monde, à moins d'être éclairé d'En-Haut par Dieu.
Toutefois, plus tard, quand le Christ vint unir très étroitement en Lui-même la Divinité et l'humanité qui s'étaient extrêmement séparées - c'est-à-dire que la Divinité et l'humanité devinrent une seule Personne, sans confusion cependant, ni mélange - alors, l'homme redevint lumière, uni à cette Lumière de Dieu, éternelle, sans déclin. Il cesse alors d'avoir besoin de la Loi écrite, parce que la Grâce divine de Jésus Christ demeure en lui, lui permet de porter ce fruit qui est cet état bienheureux d'amour, de joie, de paix, de longanimité, de bonté, de miséricorde, de foi, de douceur et de tempérance. C'est pour cela que l'Apôtre Paul conclut cette énumération des Fruits du Saint Esprit en disant que contre tout cela il n'y a point de loi (Gal. 5 : 22-23); les justes n'ont pas besoin de loi. Celui qui n'a pas ces fruits du Saint Esprit n'est pas du Christ, comme le dit l'Apôtre : Quiconque n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas (Rom. 8 : 9). Celui-là doit lutter, faire effort pour être au Christ, pour ne pas “avoir cru en vain”, sinon le Christ ne lui serait d'aucune utilité. Tout son combat, son effort, doit s'attacher à acquérir l'Esprit du Christ, à produire les Fruits du Saint Esprit - c'est en cela que consistent la loi spirituelle et l'état de béatitude.
3 . Enseignement complémentaire sur la manière dont on peut parvenir à l'état de béatitude.
Si la nature humaine, par l'Incarnation du Christ, est réintroduite dans la béatitude originelle, et s'il n'y a aucun autre moyen pour le faire, que la Puissance de Dieu, de quelle nécessité sont alors les efforts sur soi-même, les labeurs ascétiques, les lectures, l'épuisant support des souffrances, de la faim, de la soif, de la privation du sommeil ?
Tout chrétien doit s'efforcer de comprendre que ces souffrances, épreuves, privations, labeurs doivent être endurés non pour réintégrer cette Béatitude, mais pour conserver cet état bienheureux reçu au Saint Baptême. Conserver ce trésor est difficile, requiert beaucoup d'efforts disent les Saints Pères.
Dans la vie future, le Chrétien ne sera pas jugé tant sur son renoncement au monde, ses jeûnes, ses veilles, ses prières, ses larmes et autres œuvres bonnes de sa vie terrestre, que sur son degré de ressemblance au Christ, tel un fils à son père, comme l'écrit l'Apôtre Paul : mes petits enfants pour qui je souffre de nouveau les douleurs de l'enfantement jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous (Gal. 4 : 19), nous souvenant que ceux qui ont été baptisés en Christ ont revêtu le Christ (Gal. 3 : 27).
4) Quel genre d'œuvres devons-nous accomplir pour entrer au Royaume des Cieux ?
Ceux qui gardent les Portes du Royaume des Cieux, s'ils ne voient pas dans le chrétien qui s'y présente, une ressemblance avec le Christ, tel un fils avec son père, ne lui ouvriront pas, ne lui permettront pas d'entrer. De même que ceux qui suivent le vieil Adam en transgressant les commandements de Dieu, restent à la porte du Royaume des cieux, même s'ils ne sont nullement coupables de ressembler à leur Père Adam, de même les chrétiens, comme le nouvel Adam, Christ, leur vrai Père, entrent au Royaume des cieux, bien que leur ressemblance avec Lui ne soit pas de leur fait, mais bien l'œuvre de la Foi qu'ils ont reçue du Christ.
Cette ressemblance avec le Christ est donc vérité, douceur, justice, et, simultanément, humilité et amour du prochain. La vérité s'exprime en toutes ses propres paroles, la douceur à travers celles qui lui sont adressées à lui. En effet, celui qui est doux est indifférent aux louanges et aux reproches, ne s'en émeut pas, ne se laisse pas exalter par les louanges, ni aigrir par les reproches. La justice se traduit par les actes : de même que nous apprécions le poids des choses au moyen de balances, la qualité de l'or au moyen du poinçon, ainsi, en toute affaire, nous ne transgressons pas les limites de la justice, si nous gardons à l'esprit ces mesures - ces balances - données par le Seigneur que sont Ses commandements.
L'humilité est un trésor qui ne peut être volé parce qu'elle consiste à attribuer exclusivement à la seule Grâce du Christ toute bonne qualité dont on pourrait se prévaloir : vérité, douceur, justice. L'amour du prochain est ressemblance à Dieu puisqu'il s'exerce envers tous indifféremment : pieux ou impies, bons ou mauvais, connus ou inconnus, de même que Dieu fait du bien à tous, fait briller son soleil sur les justes et les injustes, et pleuvoir sa pluie sur les mauvais comme sur les bons.
Ainsi, ceux qui ont reçu cet amour du Christ, Lui ressemblent, tels un fils à son père, car il n'y a pas de fils qui n'ait hérité la nature de son père. C'est bien pour cette raison que Dieu s'est incarné : en s'unissant à l'humanité, la Divinité règne sur la nature humaine, comme il est écrit : ceints-toi de magnificence, cours à la victoire, règne, fais triompher la vérité, la douceur et la justice (Ps. 44 : 5).
Ainsi donc, celui en qui la Royauté du Christ ne se manifeste pas par les vertus sus-dites, ne ressemble pas au Christ comme à son Père et est indigne d'entrer au Royaume des cieux. En ce cas, tous les autres efforts sont vains, parce qu'ils ne dérivent pas de ces vertus.
Efforçons-nous donc, mes Frères, de ressembler au Christ par ces vertus, afin d'être dignes de Son Royaume. A Lui soient la Gloire et le Règne aux siècles des siècles. Amen.
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