Comprendre la liturgie, c'est comprendre l'affliction de Dieu pour le monde. Dieu s'est réjoui en créant le monde, et le Seigneur Dieu s'est affligé de la chute de Son ami, l'homme, à qui Il avait remis le monde. Et bien que le Seigneur ait condamné à la souffrance l'homme et le monde entier, au même moment , Il lui a donné aussi le salut : car le Seigneur est allé aussi, Lui-même, au même moment, souffrir avec le monde et avec l'homme. A partir de ce moment la joie de Dieu pour le monde se réalise à travers l'affliction salvatrice de Dieu pour le monde et l'homme. Cette affliction a fait descendre Dieu sur terre, et L'a fait ensuite élever sur la Croix. La croix est le terme de l'affliction-souffrance et le terme de la joie-salut.
Ainsi, l'homme aussi est appelé à marcher par la voie divine, de l'affliction vers la joie.
Sans l'affliction, il n'y a pas de salut. Pourquoi être sauvé, s'il n'y a pas de quoi s'affliger ? Seul celui qui souffre cherche le salut à travers la souffrance. Mais l'affliction de Dieu n'est pas pour Lui-même, mais pour son ami, l'homme. Ainsi donc, l'affliction de l'homme doit aussi être pour son prochain, c'est-à-dire ne pas dépendre de son propre chagrin, qui est personnel et ne convient pas à Dieu, sauf s'il s'agit du regret de ses péchés, d'une affliction de repentir.
Comment peux-tu, toi homme, ne pas t'affliger si Dieu s'afflige. Unis-toi dans ton cœur à l'affliction de Dieu et alors, en Dieu, tu te réjouiras aussi. Il ne doit pas y avoir en toi d'affliction personnelle, mais l'affliction de Dieu pour le monde déchu, et cette affliction là unit le monde à Dieu. Mais sinun jour il ne peut se trouver sur la terre un seul homme s'affligeant de l'affliction de Dieu, alors le monde s'éloignera à nouveau de Dieu, car se rompra le fil de l'affliction unissant l'homme à Dieu comme il en sera à la fin, car l'affliction repose sur la foi, et la foi dans le sacrifice sera alors épuisée.
Ainsi donc, le Fils de l'homme s'offre en sacrifice pour le monde et toi, tu y participes par la souffrance compatissante. Dieu aura pitié de toi, et toi, tu partageras Son affliction. Et c'est sur cela que tient toute la chaîne des siècles. Et tu es dans cette chaîne un maillon indispensable car à toi se tiennent les autres. Au moment où Dieu est né sur terre, Il a inclus Son Nom au recensement des noms des hommes. C'était la chaîne orgueilleuse du maître du monde - César. Et Rome voulait alors par ce recensement affermir sa puissance sur le monde. Mais elle s'est trompée - dans cette chaîne était inscrit un seul nom, qui n'était pas de ce monde - Jésus- Et la chaîne a craqué et l'empire romain s'est effondré.
Au moment de la mort de Dieu-Homme, sur la terre a commencé une autre chaîne de noms - la chaîne des noms de ceux qui ont souffert avec le Christ et le premier qui y fut introduit de droit a été celui du larron repenti qui a été honoré de la même mort que le Christ sur la croix. Nous ne sommes pas tous dignes de passer par le vrai Golgotha. Mais nous sommes tous appelés à souffrir de la souffrance du Christ au Golgotha, pour le monde entier. Et cette souffrance nous inclut alors dans la chaîne salvatrice des noms inscrits dans les cieux.
Ainsi nous est ouverte la voie vers la joie du salut à travers l'affliction. Et cette joie n'est pas de ce monde car cette affliction n'est pas non plus de ce monde. Cette joie est parfaite car elle est purifié par l'affliction, des impuretés de ce monde. Donc, la joie et l'afflictions chrétiennes sont deux faces d'une seule médaille - médaille au droit d'entrée dans le royaume céleste. C'est pourquoi et l'affliction sans la joie n'est pas la bonne, ni la joie sans l'affliction n'est chrétienne. C'est pourquoi il est dit : œuvrez pour le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous par Lui en tremblant et encore : Donne-moi la joie , Seigneur , de craindre Ton Nom.
Et la Liturgie est l'union de l'extrême affliction et de la joie extrême. Car elle est la pleine répétition, plus exactement, l'expression de la vie du Christ - de Son sacrifice, non seulement au Golgotha, mais à tout moment de Sa vie. Car dès le moment où Il a pris chair, le Fils de Dieu S'est donné en sacrifice, en S'abaissant, par la prise des faiblesses de la chair. Le Tout-Puissant S'est soumis aux conditions de l'existence humaine. Et dans le désert le diable Lui a bien offert la première tentation : transformer la pierre en pain : « A quoi bon souffrir de la faim si Tu peux faire autrement. Pourquoi souffrir, pourquoi s'épuiser, pourquoi mourir ». Cette tentation sapait le but même de Son incarnation. Et puis, Il est bien venu aussi à nous pour porter nos faiblesses sur Ses épaules puissantes et mourir aussi pour nous enlever la "redevance" de mort. « Eloignes-toi de Moi, Satan »(2) - « l'homme ne vivra pas que de pain, mais de toute Parole de Dieu »(3) - qui fait ce qui est faible fort, et ce qui est mort - vivant.
Et à partir de là commença cette vie divine dans un corps humain et commença le Service Saint - la Liturgie - et elle est accomplie par le Christ Lui-même, car elle est Sa vie indérobable - Mais elle s'accomplit par la main du prêtre - faible en tant qu'homme, mais revêtu de la force d'En-Haut, qui peut même transformer le pain en chair, et le vin en sang, et non pas seulement l'eau en vin.
Et le prêtre de Dieu prend le pain et en retire le coeur - c'est l'“Agneau” de Dieu, naissant dans un corps humain. Il est déposé sur la patène, qui symbolise à la fois la grotte de la Nativité et la grotte de l'ensevelissement. Pourquoi en même temps ? Parce que toute la Liturgie est un acte unique, en dehors du temps. Elle est la reconstitution en un moment de toute la vie de sacrifice de Dieu sur terre. Et la vie de Dieu ne peut être représentée dans un ordre suivi de temps. C'est ainsi, que Dieu étant éternel, la Liturgie l'est aussi. Lorsqu'elle aura pris fin sur terre, elle continuera au Ciel, mais non plus sous la forme d'un Acte Sacré, mais sous la forme de vie réalisée du Christ - dans la vie de chacun des habitants de la nouvelle terre et du nouveau Ciel.
Ainsi, l'Agneau de Dieu, Qui a pris sur Lui le péché du monde - est étendu sur la patène et près de Lui sont déposées les parcelles pour la santé et pour le repos de l'âme, retirées des Prosphores. Toute l'Eglise est là; près de Son Chef - le Christ. (…). Comme auprès de la Crèche de Dieu-Enfant, ici les Anges triomphent avec les hommes. Et l'étoile, sous la forme de l'astérisque, fait converger au-dessus du Sauveur du monde les rayons de tous les luminaires des Cieux.
Là est maintenant le centre - le point de convergence du monde entier, à côté de l'autel-crèche, sur lequel repose Dieu-Homme. (…) Tous ceux pour qui sont remises les prosphores et retirées les parcelles, reçoivent la force salvatrice qui fait renaître l'âme, guérir les maladies, apaiser les chagrins et satisfaire toute nécessité. L'Agneau est sacrifié, gras, le festin est ouvert pour tous, ceux qui sont appelés, et ceux qui ne le sont pas, les bons et les mauvais - seulement il faut satisfaire à une condition : être vêtu de l'habit de noce .
Mais le festin ne fait que commencer, c'est encore la Proskomédie. Ce moment correspond à la période de vie du Christ sur terre, lorsque jusqu'à l'âge de trente ans Il se trouvait caché au monde. Seuls quelques-uns connaissaient ce mystère et attendaient en palpitant sa révélation. Ainsi chez nous, dans l'Eglise, le rideau est fermé au moment de la Prothèse. On lit les “heures” c'est la prédication de Jean le Baptiste : les psaumes de l'Ancien Testament et quelques prières du Nouveau.
La joie
Mais voilà que le Mystère se découvre. La liturgie commence. Tous deviennent attentifs. Bientôt le Christ Lui-même va apparaître. Et à peine ont eu le temps de s'éteindre les prières des psaumes de l'Ancien Testament que retentit le chant joyeux de l'Eglise triomphanre : Fils Unique et Verbe de Dieu, Toi qui es immortel et qui pour notre salut as pris chair de la Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie et sans changement te fis homme et fus crucifié,Christ Dieu, par la mort ayant vaincu la mort, étant un de la Sainte Trinité, conglorifié avec le Père et le Saint-Esprit, sauve nous ! Ce chant composé par l'empereur Justinien, l'Eglise le chante triomphalement, victorieusement, accueillant son Roi-Christ, qui va au sermon. Pour l'entrée du Roi s'ouvrent les Portes Royales et le Christ Lui-même apparait, en la personne du prêtre précédé du cierge, image de St. Jean le Précurseur. “Voici l'Agneau du Monde” qui vous apporte la joyeuse nouvelle, l'Evangile, et doucement, comme venant de loin, parvient aux oreilles des fidèles cette nouvelle vraiment radieuse : Bienheureux les pauvres en esprit... bienheureux ceux qui pleurent... ceux qui ont faim... ceux qui sont pourchassés ... car grande sera votre réompense dans les cieux .
Ayant écouté ce sermon doux et radieux du Christ, le peuple déjà clame sans retenue : Venez, adorons et prosternons-nousdevant le Christ - Sauve nous, ô Fils de Dieu ... nous qui Te chantons : alléluia ! Suit alors une série de chants de contenu déjà purement néo-testamentaire. Ils chantent la mémoire et la gloire des saints hommes déjà sauvés par le Christ. Ils ont déjà concrétisé son sermon. Son œuvre a déjà porté ses fruits. Le genre humain est réellement entré dans le salut. Et tous ceux qui sont présents dans le temple attendent de même leur salut. Dans cette espérance, tout naturellement, le désir vient de chanter louange et gloire à toute la Sainte Trinité, artisan de notre salut. Et le peuple commence à chanter le Trisagion : Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous . Pendant ce temps, le clergé monte vers l'autel, disant : Béni soit Celui qui est sur le trône de gloire, posé sur les chérubins. Et, en présence de l'Evêque, le protodiacre dit : « La Trinité s'est révélée dans le Jourdain » .
Ainsi est glorifiée la Sainte Trinité et commence alors la lecture des épîtres et de l'Evangile.
La Parole
Le Fils de Dieu, Qui est éternellement dans le Sein du Père, est devenu Parole incarnée de Dieu sur terre. La Liturgie exprime toutes les phases de la divine Incarnation. Et les hommes peuvent le percevoir seulement par la compréhension de la Vérité qui se révèlé à travers la Parole de Dieu, prononcée par des bouches humaines. La foi provient de ce que l'on a entendu et ce que l'on a entendu de la Parole de Dieu. « Comment croire en Celui dont on n'aurait rien entendu et comment entendre sans prédicateur ? »(Rom. 10 : 14). La Parole de Dieu doit être annoncée au cours de chaque Liturgie; la prédication provient des Prophètes, des Apôtres et du Christ Lui-même et de celui qui accomplit la Liturgie - le prêtre. C'est pourquoi sont lues d'abord les Epîtres des Apôtres et ensuite l'Evangile, parce que l'Evangile est la soleil et les Epîtres des Apôtres, les rayons de ce soleil. D'abord nous voyons les rayons de ce soleil et ensuite si notre oeil spirituel s'affermit, il est possible de voir le soleil lui-même. Mais les Epîtres des Apôtres sont elles-mêmes précédées de la prédication de l'Ancien Testament sous la forme des "prokimenon" et après la lecture de l'Epître le chant de l'Alleluia.. Il est naturel bien sûr que l'Ancien Testament précède le Nouveau. De l'Ancien Testament on extrait en priorité les écrits prédisant l'Incarnation de Dieu ou glorifiant la Providence Divine pour le monde. Chaque mercredi seulement on tire le Prokimenon du Nouveau Testament et précisement du Cantique de la Très Sainte Mère de Dieu : "Mon âme magnifie le Seigneur ". C'est peut-être parce que l'Ancien Testament est lié au Nouveau à travers la Mère de Dieu.
Par cela la Mère de Dieu se distingue de tout le genre humain car le mercredi de chaque semaine est consacré aux souffrances du Christ qui ont commencé par la trahison de Juda, un mercredi. Et voilà, à la difference de tous les autres proches qui abandonnérent le Seigneur, la Mère de Dieu ne Le quitta pas, si lourd que cela fût pour elle.
Les Prokimenons se chantent triomphalement et fort - par cela s'exprime la joie de ce qui doit s'accomplir, qui est pressenti dans l'Ancien Testament. Encore plus triomphalement se chantent ensuite les Alleluia avec là-aussi des versets de l'Ancien Testament, mais après que les Epîtres des Apôtres ont été lues, ce qui annonce déjà la fin de l'accomplissement de l'Ancien Testament. Ce dernier atteint à ce moment là dans son contenu, le summum de la force et de la gloire (…).
Enfin arrive la troisième phase de la prédication et retentissent les Paroles de Dieu Incarné Lui-même. Les fidèles baissent la tête en signe d'attention soutenue - Et comment ne pas être attentifs lorsque Dieu Lui-même nous parle par la langue des hommes. A cela les participants présents sont invités par l'appel du diacre “Sagesse, soyons attentifs, écoutons la lecture du Saint Evangile ” - La Sagesse Incarnée en personne va vous parler ouvrant Ses Mystères à l'intelligence et au coeur humains. Comme le ciel est loin de la terre, ainsi Mes pensées des vôtres. C'est pourquoi soyez “attentifs” car même avec la plus totale concentration de votre intelligence vous ne M'atteindrez pas, mais Moi, Sagesse, Je déposerai Moi-même dans vos âmes Ma Révélation.
Et en signe que la relation attendue entre l'auditeur et le Christ est établie, le prêtre en bénissant proclame "Paix à tous ". Non pas comme ce monde donne cette paix. Mais comment ? Cette paix est la réconciliation de Dieu avec l'homme, cette paix descend d'En-Haut. Sur la base de cette paix se tient toute la Liturgie et cette parole est exprimée à maintes reprises pendant son déroulement.
Les Epîtres et l'Evangile s'énoncent triomphalement et habituellement dans une élévation progressive de la voix ; en réalité c'est un chant, mais non une lecture car il faut atteindre à la plus grande expression afin de faire naître la plus grande attention et de faire se graver chaque mot. Et l'approfondissement des mots active l'esprit et inspire de plus en plus car chaque parole de l'Evangile “est esprit et force”- Avec la multiplication des mots se produit comme une concentration de la force et l'élévation de l'esprit.
L'Amour.
Cette partie de la Liturgie inclut en son déroulement tout le monde non baptisé. Ce monde est énorme. (…). Le Sauveur, allant au Golgotha, peut-Il oublier les masses sombres de ceux qui n'ont pas le bonheur d'y monter avec Lui? Non. Il les inclut dans cette marche mais seulement indirectement par le canal des prières pour eux des fidèles : « Fidèles, prions pour les catéchumènes ». Il est vrai que tous ne sont pas déjà catéchisés par la prédication de l'Evangile, mais par la prière des fidèles sont atteints tous les peuples, tous les pays, tous les vivants - nul n'est déshérité. Les créatures humaines du monde entier sont unies au Golgotha. Car au moment où Dieu souffre, toute la création soupire, soulagée [du poids de son péché].
Ainsi notre Liturgie est le mystère universel de l'Amour. Pas notre amour, mais celui de Dieu embrassant le monde entier. Chaque chrétien lorsqu'il participe à la Liturgie, participe déjà par là-même au salut du monde entier. Son amour personnel envers ses frères se coule en une goutte dans l'océan de l'Amour de Dieu. Il peut alors d'une conscience tranquille approcher de la partie qui suit : “ la Liturgie des fidèles” - «Vous tous, les fidèles, encore et encore en paix prions le Seigneur ». Les fidèles n'approchent pas égoïstement du banquet nuptial de l'Agneau mais ont auparavant prié pour le monde entier. Ce ne sont que des miettes du banquet, mais elles sont tombées et ont rassasié des âmes souffrantes, bien que nous ne voyions pas, peut-il sembler, les résultats de nos prières. Elle s'élève depuis tant de siècles cette prière des fidèles pour les catéchumènes, mais le nombre des non baptisés est encore démesurement grand. Cependant, il faut considérer cette question autrement, c'est-a-dire : que se passerait-il si cette prière ne retentissait plus du tout ? Non, la prière des fidèles pour les non-fidèles est le sel du monde, sans elle celui-ci deviendrait furieux, sortirait de ses gonds, tomberait dans la démence par obscurcissement de la raison. Car la Christ est “Lumière qui éclaire tout homme arrivant dans le monde.“ Et dans les prières des fidèles, le Christ Lui-même visite chaque homme vivant sur terre.
La Liturgie des catéchumènes s'achève par la proposition qui leur est faite de sortir du temple. Et cette invite s'entend à plusieurs reprises énoncée avec insistance par le diacre. Alors la Liturgie s'arrête quelques instants et tous les catéchumènes sortent. Cette vision est instructive. De quoi parle-t-elle ? Du mystère. Celui qui n'est pas baptisé n'a pas en lui le Christ. Comment pourrait-on communier à Son Corps et à Son Sang, comment pourrait-on monter avec Lui au Golgotha si on ne L'a pas Lui-même, si l'on ne l'a pas reçu par le baptème. La différence entre un baptisé et un non baptisé est aussi grande qu'entre le ciel et la terre. Et bien que tout soit créé et tienne par le Christ et bien qu'Il ait atteint tous et tout, une tâche nous est donnée par la bouche de l'Apôtre Paul : « Parviendrai-je jusqu'au Christ comme Il est parvenu à moi ?» Il y a le Christ Universel et il y a Christ, Tête de l'Eglise. L'avoir pour Chef ne peuvent que ceux qui sont entrés. La responsabilité est tellement grande envers ceux qui n'y sont pas. Combien brûlante doit être notre prière pour eux à ce moment de la Liturgie. Et quel immense honneur que d'être entre les mains de Dieu l'instruments du salut du monde entier.
Archimandrite Athanase, Paris
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