LETTRE A UN JEUNE MEDECIN ETUDIANT LE FREUDISME

 

LETTRE A UN JEUNE MEDECIN ETUDIANT LE FREUDISME

Je veux t'écrire encore un peu plus, au sujet de quelques problèmes.
Si le but de la vie était une existence agréable, alors le freudisme serait le bienvenu. Mais la vie dans ce cas deviendrait  dénuée de sens. Tu as le droit de demander - où en est la preuve, que ce n'est pas ainsi, que la vie n'est pas dépourvue de sens, qu'il y a Dieu et la vie éternelle ? Il n'y a pas de preuves rationnelles et il ne peut y en avoir. Il était bon à la volonté de Dieu que nous ne Le concevions pas, Lui, et tout ce qui se rapporte au monde spirituel, à travers une manifestation rationnelle et unilatérale de la connaissance, mais au travers de la foi, qui se distingue de la connaissance par le fait qu'en font partie les trois aspects de l'esprit humain : la raison, le sentiment  et la volonté.
Il y a toujours dans les démonstrations rationalistes un élément de contrain-te : que je le veuille ou non deux et deux font toujours quatre et ma volonté dans la constatation de cette vérité n'entre pas en jeu. Mais le Seigneur Dieu qui nous aime, veut que dans sa connaissance nous participions en toute libre volonté.
Si la foi ne dépendait pas de notre volonté, on ne pourrait pas l'exiger de l'homme comme une obligation morale. On ne peut exiger de la part de l'homme d'un point de vue moral de connaître les mathématiques ou la physique, étant donné que ces sciences ne dépendent pas de lui. Mais la foi dépend de l'homme.
On ne peut pas prouver les vérités de la foi, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent de l'extérieur et de force s'imposer à quelqu'un, comme s'imposent les vérités scientifiques. C'est Dieu qui donne la foi, mais avec l'indispensable participation de la volonté de l'homme. Si je veux croire, Dieu me donnera la foi, mais exigera de moi que je vive selon la foi. Mais si je ne vis pas selon la foi, Dieu me l'ôtera. C'est en raison de cela et non pas du tout à cause du développement de la science que l'irreligion a tellement augmenté de nos jours. Les gens n'ont pas voulu vivre selon la foi qui impose des restrictions et des exigences déterminées.
Et voilà pour être dégagés de ces restrictions morales, les gens se détournent de la foi et il n'y a aucune preuve extérieure et contraignante pour les obliger à retrouver leur foi .
Mais s'il n'y a pas de preuve, confirmant la foi, il y a par contre des arguments plus forts que les preuves. L'argument prédominant est que sans la foi, la vie devient absurde.
Les témoignages de la force de cet argument proviennent parfois d'horizons inattendus. Ainsi la célèbre observatrice des chimpanzés Jane Goodall, comparant la psychologie du singe à celle de l'homme écrit : " Pour nous qui croyons en Dieu et en l'immortalité de l'âme, la vie est infiniment enrichie ". Et, à la lueur de cette déclaration d'une scientifique compétente, nous remarquerons : comme la psychologie sans foi en Dieu et en l'immortalité de l'âme est indigne et régressive pour l'homme !
Une question se pose à l'homme : que désires-tu ? Un monde sensé sur lequel règne Dieu, rempli d'amour et de sagesse, qui te fixe dans l'existence un objectif bien précis; en le réalisant, il t'est loisible d'hériter une éternité heureuse. Ou un monde, dépourvu de tout sens, qui tôt ou tard, dans dix ans ou dans dix millions d'années s'achèvera, et disparaîtra sans laisser de trace, ainsi que le décrit si pittoresquement Freud lui-même dans ses travaux .
Ici se répète ce que Dieu a dit aux Juifs juste avant leur entrée sur la terre promise : " Voilà, je vous propose la bénédiction ou la damnation : la bénédiction si vous suivez les commandements du Seigneur Dieu, ou la damnation si vous ne suivez pas ces commandements ". Mais si l'homme, voulant être "libéré" des commandements de Dieu, choisit une vie dépourvue de but et de moralité, lui-même, de sa propre volonté souscrit à sa condamnation éternelle . Il vend la foi et l'espérance pour un brouet de lentilles, pour l'assouvissement de ses passions : vanité, animosité ou le plus souvent plaisirs des sens .
Mais s'il choisit la voie de la foi, s'il veut acquérir la foi, le veut avec force, détermination et ardeur, alors Dieu lui donnera la foi, parce que c'est ce que Dieu désire le plus à l'égard de l'homme : " Crois et tu seras sauvé " . Et si l'homme se confirme dans sa foi, surtout s'il vit selon la foi, ne laisse pas sa foi stérile, alors dans le fond de sa conscience apparaitront de vastes horizons qui renforceront sa foi .
Il verra aussi des miracles. Je crois que chaque croyant a été, à un moment ou à un autre, témoin de miracles. Les miracles de caractère public, à fortiori s'ils concernent l'état ou la nation, sont maintenant très rares. Les miracles de caractère privé, perceptibles pour un ou quelques coeurs croyants sont aussi moins fréquents que dans les temps anciens .
Je pense que la raison en est dans le fait que la vie morale intime des croyants pris à part est, même maintenant, beaucoup moins pervertie que la vie de la société. Bien sûr, tous, nous sommes affaiblis spirituellement, il n'y a plus comme autrefois des héros spirituels, mais on constate que les âmes individuelles sont moins perverties dans leur essence que la société ou l'état. Et de plus, les apparitions miraculeuses, dont sont témoins des personnes individuelles, sont moins sujettes à la profanation comme c'est systéma-tiquement  le cas lorsqu'il s'agit d'une apparition publique.
Je me souviens de l'épouvantable raffut que souleva la presse internationale, quelques années avant la dernière guerre, lorsque le Seigneur apparut en Roumanie, à un simple et pieux berger, nommé Petre Loupou, lui enjoignant d'aller prêcher le repentir, et prévenant que si le peuple roumain ne se repentait pas, il allait au devant de terribles malheurs. Le Seigneur donna à Petre Loupou le pouvoir de faire des miracles, tels que guérir des malades et prédire l'avenir. Tous les correspondants du monde entier se précipitèrent sur ce pauvre berger. Vinrent même des cinéastes américains et une star américaine se fit photographier à ses côtés, en maillot de bain, avec le sous-titre suivant : " Avec l'homme qui vient de voir le Seigneur Dieu". Un tel débordement de trivialité est pour Dieu une abomination, aussi Dieu ne peut proposer de miracles à une société qui cultive une telle vulgarité .
Maintenant, en ce qui concerne le complexe d'Œdipe, Freud rattache à ce complexe ses commentaires sur la religion, et qui sont pour la plupart des blasphèmes. Plus exactement, il rattache la religion à l'élimination du complexe d'Œdipe . Son interprétation peut paraître séduisante car dans toutes les religions monothéistes et surtout dans le christianisme une grande importance est  attachée à la représentation de Dieu en tant que Père Céleste . Mais bien sûr, ce n'est pas, comme l'assure Freud (ch 10 de l'article "Psychologie de masse et analyse du "moi" humain") parce que l'homme s'est fabriqué un dieu à partir de son ancêtre, mais parce que le Seigneur, aimant Sa création - l'homme, en a assumé la paternité, ou plutôt a assimilé la relations du père (ou de la mère) à l'égard de ses enfants, à Son attitude envers le genre humain .
La nocivité de l'enseignement de Freud est particulièrement profonde parce qu'elle inclut des éléments de vérité isolés les uns des autres. C'est là la manifestation préférée de satan. N'a-t-il pas déjà séduit les premiers hommes en leur faisant la promesse "vous serez comme des dieux" tout en sachant parfaitement que le Seigneur avait créé le genre humain en vue de sa ressenblance avec Dieu et pour que, dans le processus  sans fin et dispensateur d'une joie sans bornes, de sa quête vers la ressemblance avec Dieu, le genre humain devienne de plus en plus semblable  à Dieu .
Mais Freud ne répugne pas devant une médisance encore plus primitive et grossière. Dans le chapître 7 de l'article " L'avenir d'une illusion ", il écrit : "La mentalité russe est allée jusqu'à conclure que le péché est véritablement nécessaire afin de pouvoir éprouver toute la béatitude de la miséricorde de Dieu." D'où cette périphrase d'une finesse calomniatrice inventée par les beaux esprits de la société à propos de G.E. Raspoutine : " Point de péché - point de repentir, point de repentir - point de salut ". Jamais, ni dans l'Eglise, ni dans la pensée russe, n'a existé une telle idée. Freud se drape dans le sérieux, la bonne foi, l'impartialité, mais là il est démasqué. De fait, il tient tellement à exprimer son mépris pour les Russes, sa haine pour leur foi, qu'il recourt à un fraude indigne. Il ne répugne pas à d'autres "mots d'esprit" pour exprimer également sa haine du christianisme. Comme par exemple lorsqu'il insère, dans le chapître 9 du même article, le poème suivant : "Aux anges et aux moineaux, nous leur cédons le ciel".
Et pour terminer, je voudrais aborder un autre problème : quelle attitude doit adopter un croyant chrétien à l'égard de Freud et de son oeuvre ? Doit-il rejeter complètement et dans sa totalité cette oeuvre, sous prétexte que Freud est un anti-dieu militant, qui prêche l'athéisme ?
Dans le domaine de la Science comme dans d'autres domaines, n'incluant pas une activité au sein de l'Eglise, tels la politique et le commerce, Dieu a accordé aux hommes la liberté de la pensée et la liberté de l'action. L'Eglise n'intervient pas, du point de vue dogmatique , dans ces domaines, comme elle le fait dans bon nombre de domaines touchant la religion ou les moeurs .
L'Eglise ne reconnaîtra jamais, et en aucune circonstance que Dieu n'est pas tout puissant et le juste suprême, ou que Jésus Christ a commis des péchés, comme elle n'acceptera jamais la justification ou la légalisation du meurtre, de l'avortement, du vol, de l'homosexualité, de la polygamie, et d'autres choses du même ordre .
Par contre, l'Eglise ne donne pas d'instructions sur la manière de faire du commerce, de travailler d'une façon scientifique, ou de construire un Etat. Dans tous ces domaines l'Eglise demande uniquement à ses membres, de travailler d'une façon honnête, équitable et charitable .
Ce qui est juste dans les théories de Freud, on peut et on doit le conserver . On ne peut plus maintenant traiter sérieusement de psychologie ou de psychiatrie en ignorant le freudisme. On doit reconnaître les faits qu'il a découverts, mais il ne faut pas accepter ses conclusions qui prônent l'athéisme, et surtout on ne doit pas se soumettre à son influence antichrétienne. Ce n'est pas chose facile, mais c'est faisable .
Qu'elle est l'attitude d'un sociologue chrétien, lucide et sérieux à l'égard de K. Marx ? S'il n'est pas possible d'être psychiatre sans connaître Freud, de même un sociologue doit connaître quelque chose de Marx, mais un chrétien ne peut pas accepter ses déductions du genre : "la religion est l'opium du peuple". Or Freud a des affirmations semblables. Au chapître 4 de l'article déjà cité, "l'avenir d'une illusion", il écrit : "On ne peut pas enlever la foi à un chrétien. Celui qui a pris durant des décennies des somnifères ne trouvera pas le sommeil s'il en est privé".
En ce qui concerne K. Marx, les choses sont plus simples, car ses prévisions ne se sont pas réalisées et nombre de ses déductions ont été réfutées. En ce qui concerne Freud, quelque chose a été réalisé en ce sens par Adler et Jung. Bien sûr, dans l'histoire de la pensée humaine, Marx et Freud demeureront pour toujours au même titre que Epicure, Démocrite, Lucrèce ainsi que d'autres philosophes athées de l'antiquité. Dans leurs oeuvres, il y avait des éléments de valeur qui ont influé sur le développement ultérieur de la philosophie, mais leurs déductionsons à caractère pernicieux ont été réfutées par les saints Pères.
Même si ce n'était pas dans la même proportion que chez Freud, les psychiatres et les psychologues de la moitié du 19e siècle ont tiré aussi des conclusions fausses et antichrétiennes. Un grand penseur orthodoxe russe du 19e siècle, I.V. Kireevsky, les a démenties ou adaptées à l'intention de la pensée orthodoxe russe. Il avait étudié à Moscou, Berlin et Munich et sa culture était très vaste. Il s'était beaucoup intéressé aux problèmes de la psychologie et de la psychiatrie d'alors. En même temps, il était très versé dans la lecture des Saints Pères, de sorte qu'il confirmait de nombreuses affirmations en psychologie et même les développait, se référant à l'enseignement des Saints Pères, mais en réfutait d'autres, se référant toujours à ce même enseignement.*
C'est le père de notre Métropolite Filarète, l'Archevêque Dimitri qui a apporté une excellente réponse au darwinisme, mais malheureusement, ses pensées n'ont pratiquement pas dépassé le cercle de ses élèves (j'essaie de répandre un peu plus au moins quelques bribes de ses pensées).
Quant au marxisme, ce sont de nombreux philosophes russes et étrangers, dont beaucoup étaient des chrétiens, qui lui ont répondu . De toutes les théories pernicieuses, c'est le marxisme qui bénéficie du succès le plus grand, étant la théorie gouvernementale dominante de presque la moitié du globe, mais dans le fond, c'est l'enseignement qui est le plus fondamentalement réfuté.
Mais en ce qui concerne le freudisme, à ma connaissance, personne n'a apporté de réponse du point de vue chrétien. C'est là une tâche lourde et importante. A l'époque de décadence spirituelle que nous vivons, je ne vois personne qui pourrait s'y atteler (1974).
Archevêque Nathanaël de Vienne

Pravoslavnaia Rous , n°22, 1992
traduit du russe par E.N.Koutcherenko

*note : tout récemment Jean-Claude Larchet dans plusieurs ouvrages remarquables (Thérapeutique des maladies spirituelles, Paris, Ed. de l'Ancre, 1991 ; Théologie de la maladie, Paris, Editions du Cerf, 1991 ; Thérapeutique des maladies mentales, Paris, Editions du Cerf, 1992) a étudié dans une perspective orthodoxe l'enseignement patristique sur la maladie. D'une manière générale, on assiste actuellement à un retour à la lecture des Pères de l'Eglise pour éclairer la psychologie ou la psychiatrie modernes d'un point de vue non seulement théologique, mais aussi médical.
J.C. Larchet cite à cet égard les travaux récents en France de J. Alliez et J.-P. Huber ou encore de B. Lecomte sur la passion d'acédie, analysée en profondeur par les Pères dont les enseignements intéressent aujourd'hui les chercheurs préoccupés par ce fléau contemporain que représente la dépression nerveuse.  Il mentionne également l'utilisation de la démonologie orthodoxe dans les études de psychiatres américains sur certaines maladies mentales, qui fit l'objet d'un article de Mgr. Chrysostomos d'Etna en 1988 dans The Greek Orthodox Theological Review, n°33.

 



 

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