Le Triomphe de l’Orthodoxie

 


Le Triomphe de l’Orthodoxie

Alors que Notre Seigneur Jésus-Christ conversait avec Ses disciples lors de la Sainte Cène, et après les avoir prévenus : « Vous aurez des tribulations dans le monde », Il leur dit en conclusion : « Mais ayez confiance, car j’ai vaincu le monde » /Jn, 16, 33/. Et comme s’il voulait prolonger les paroles de son divin Maître, un de ceux qui L’avaient entendu, l’apôtre et évangéliste Jean le Théologien, écrivit dans son épître : « La victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi » /1Jn, 5, 4/. Et voilà que le premier dimanche du Grand-Carême, l’Église Orthodoxe célèbre le « Triomphe de l’Orthodoxie », elle célèbre sa victoire, la victoire de la Foi Orthodoxe sur toutes les erreurs, sur toutes les oppressions et persécutions qu’elle a connues en si grand nombre sur son chemin tout à la fois lumineux et semé d’afflictions.
 Dès le début, la toute jeune Église du Christ souffrit de la haine des Juifs : sans détenir l’autorité, ils causèrent de nombreuses difficultés et afflictions à l’Église. Puis s’abattirent sur elle les persécutions du pouvoir, cette fois tout puissant, de l’empire romain qui s’efforça d’anéantir entièrement le christianisme, mais subit en cela une totale défaite, car, après l’avoir persécutée, le monde païen finit par s’incliner au pied de la Croix du Christ.
 Mais les apôtres déjà, et tout spécialement le saint apôtre Paul, avaient prévenu les chrétiens que du milieu d’eux allaient apparaître des gens qui penseraient et enseigneraient faussement, ce qui ne tarda pas à arriver. Tout de suite après les apôtres, et même encore de leur vivant, commencèrent à apparaître les tous premiers hérétiques avec leurs fausses pensées et leurs faux enseignements. Dans les premiers temps les hérésies ne troublaient pas trop l’Église, mais lorsque prit fin la période des persécutions, ce fut la périodes des hérésies qui commença. Ces hérésies étaient plus dangereuses que les persécutions. Les persécutions sont des oppressions venant de l’extérieur et les fidèles ne doivent pas les craindre. L’Église ne fait que s’embellir du sang des martyrs lors des persécutions, alors que les hérésies minent l’Église de l’intérieur.
 La première grande et dangereuse hérésie fut celle d’Arius. Elle troubla l’Église durant plus d’un siècle et continua à la troubler bien après la mort de l’hérésiarque lui-même, dont la mort honteuse l’assimila au Traître-Judas. Puis il y eut d’autres hérésies, dont la dernière, qui troubla longuement l’Église, fut celle des iconoclastes. Elle fut tout spécialement pénible du fait qu’il y eut des empereurs iconoclastes qui s’élevèrent contre la vénération des icônes et persécutèrent cruellement ceux qui en étaient les défenseurs.
 Mais tout ceci passa et lors du dernier Concile œcuménique où fut affirmée la vérité de la vénération des saintes icônes, fut également institué le Triomphe de l’Orthodoxie, triomphe de la victoire de notre foi sur tous ses ennemis, sur toutes les erreurs, sur toutes les persécutions.
 Plus que tout autre, le jour d’aujourd’hui nous rappelle que chacun d’entre nous, nous devons réviser notre propre Orthodoxie. Es-tu orthodoxe en tout ? Si tu te dis orthodoxe et que tu es convaincu de l’être, ce Triomphe de l’Orthodoxie est alors ton propre triomphe. Cependant, prends la peine de vérifier que cette appellation « orthodoxe » corresponde bien à la réalité lorsqu’elle t’est appliquée.
 Les fondements de notre foi sont exposés de façon précise, brève, concentrée et de façon définitive dans notre Symbole de Foi qui demain, durant ce rite du Triomphe, sera solennellement proclamé de ce saint lieu. Dans le Symbole sont exposés tous les points essentiels de notre Croyance et il est bon que tout homme, et pas seulement aujourd’hui, mais le plus fréquemment possible, puisse éprouver sa foi et lui-même par rapport à ces articles, et si l’un d’entre eux n’est pas reçu pleinement dans la foi et la vénération, alors notre orthodoxie ne saurait résister à la critique. Et pourtant, il y a dans notre foi beaucoup de ces choses dont des personnes, se disant orthodoxes, doutent.
 Nous avons eu l’occasion déjà de raconter l’exemple de cet homme, riche marchand de Moscou, qui, à ses propres frais, entretenait une magnifique veilleuse brûlant en permanence devant l’icône d’Iviron de la Mère de Dieu. Lorsque ses amis le félicitaient de sa piété et de son zèle, il disait : « Oui, oui, bien sûr, cela peut servir, car qui sait — peut-être bien qu’il existe quelque chose dans l’au-delà ». C’est là un bel exemple d’orthodoxe ! N’étant nullement certain qu’il pouvait “exister quelque chose” après la tombe, un autre monde, spirituel, eh bien, à tout hasard, il entretenait cette veilleuse !…
 /…/ Nous avons vu de combien d’embûches était parsemée la voie de l’Orthodoxie dans les temps anciens, avec d’abord les persécutions, puis les hérésies. Regardons maintenant dans quelles conditions se trouvent aujourd’hui l’Église et l’Orthodoxie authentiques. Les hérésies étaient nombreuses dans le passé, mais il n’y avait pas ce qui est, en revanche, si développé de nos jours : je veux parler de ces contrefaçons spirituelles, de toute cette fausse spiritualité, de ces tentations de substituer à l’Église et à l’Orthodoxie authentiques une fausse église et une fausse orthodoxie.
 Vous savez tous à quel point aujourd’hui se répand la contagion de l’œcuménisme, dont la plate-forme est acceptée sans problème par tous ceux dont l’échine et la conscience sont souples. Convenons-en, cette plate-forme est confortable ! On nous dit : « Nous voulons unir tout le monde ensemble. Nous reconnaissons que chaque Église, chaque confession, possède une part de vérité, et nous voulons donc réunir toutes ces parts de vérité afin d’obtenir un tout qui serait la nouvelle Église authentique ». Ce qui signifie, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, que notre Église Orthodoxe Russe doit admettre qu’elle ne possède pas la plénitude de la Vérité du Christ, mais seulement une parcelle, et que tout le reste est mensonge et erreur. Qu’auraient dit saint Séraphim de Sarov ou saint Jean de Cronstadt si on leur avait dit une chose pareille ?
 Notre Église Orthodoxe Russe possède la Vérité, elle est fermement campée sur cette Vérité et jamais elle n’y dérogera. Nous tous, membres du clergé ou simples fidèles, sommes des gens faibles, chacun d’entre nous pèche, trébuche, néanmoins, étant membres de l’Église, par l’immense grâce de Dieu, nous possédons cette Vérité et jamais nous n’admettrons qu’il ne s’agirait que d’une part et non de la Vérité entière.
 De cette tentation en naît une autre. Une infidélité au niveau des principes engendre immanquablement une infidélité au niveau pratique. Prenez, par exemple, le “modernisme” que l’on tente également de nos jours de faire pénétrer dans tous les domaines de la vie ecclésiale. Ne voyons-nous pas à quel point cela dénature et vide de leur sens les célébrations ainsi que toutes les activités religieuses, jusqu’à les rendre méconnaissables lorsque les traditions sacrées les plus antiques, de l’époque patristique comme nos propres traditions russes orthodoxes, sont dites désuètes et qu’il conviendrait de ne plus les prendre en compte.
  /…/ Tout cela prouve combien il est difficile de défendre de nos jours l’Orthodoxie et combien ardue est la voie suivie par notre Église Russe Hors-Frontières, qui s’est donnée pour tâche sacrée de préserver toutes les traditions patristiques et toutes les bonnes traditions de l’Église Russe.
 Certes, nous savons tous que là où est la Vérité, là est Dieu, et si nous tentons de préserver notre fidélité à cette Vérité, le Seigneur ne nous oubliera pas et ne nous abandonnera pas.
 Mais je voudrais rappeler ici ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire plus d’une fois. Je suis amené à le répéter, car d’une part les choses s’oublient et, d’autre part, certains ne l’ont jamais entendu et s’interrogent : comment donc, l’Église Orthodoxe peut-elle, en ce dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie, maudire ceux qui sont dans l’erreur, ou se sont éloignés de l’Orthodoxie ou de l’Église, et pourquoi cette dernière les maudit-elle ? N’est-ce pas trop sévère, trop cruel ?
 Que chacun comprenne bien : l’Église n’a jamais maudit qui que ce soit. Le mot « malédiction » est terrible. Dans les Évangiles nous ne voyons ce mot employé qu’une seule fois par Celui Qui seul peut le prononcer : au jour du Terrible Jugement, quand le Juge dira à ceux qui lui ont été infidèles : « Allez-vous-en loin de Moi, maudits, dans le feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges » /Mat., 25, 41/.
 Lui seul peut proférer ces paroles; quant à nous, nous ne maudissons personne. L’anathème, solennellement proclamé par l’Église, n’est en rien une malédiction : il ne s’agit pas d’appeler sur la tête d’une personne la punition et la colère Divine, mais seulement de l’excommunier de l’Église, retirer de son sein celui qui, en fait, a cessé de lui appartenir. Ne peut être membre de l’Église que celui qui lui est fidèle.
 Nous avons souvent cité ces paroles du Christ : « S’il n’écoute pas l’Église, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain » /Mat., 18, 17/, c’est-à-dire qu’il cesse d’être chrétien. De ces personnes-là, l’Église dit justement qu’elles se sont retranchées de la communauté ecclésiale, qu’elles ont cessé d’obéir à sa voix maternelle. Et cela, non seulement pour en informer le reste des chrétiens, mais pour le bien des excommuniés eux-mêmes. L’Église garde l’espoir que cet avertissement terrible agira sur eux, qu’ils tressailliront en entendant à quel jugement l’Église les soumet à cause de leurs erreurs, et qu’ils se raviseront.
 L’apôtre Paul écrivait aux Galates qu’après son départ étaient apparus des faux-docteurs qui essayaient de les détourner en leur transmettant un enseignement différent du sien. Et il leur dit : « Mais quand nous-mêmes, quand un ange venu du ciel, vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème! » /Gal., 1, 8/. Ce sont les paroles mêmes de l’apôtre : « Qu’il soit anathème ». C’est là la raison pour laquelle l’Église proclame l’anathème.
 Mais souvenez-vous que la proclamation de l’anathème va toujours de pair avec des prières émouvantes au Seigneur, afin qu’Il fasse entendre raison aux égarés. L’Église est tenue de dire à leur sujet qu’ils sont anathèmes, c’est-à-dire des apostats, et qu’ils sont excommuniés de l’Église; cependant elle a pitié d’eux, elle prie afin que le Seigneur les aide à comprendre leur erreur et leur permette ainsi de revenir dans le sein de notre Mère l’Église. Amen.
 

Métropolite Philarète



 


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