LE SAINT ARCHEVEQUE NICOLAS (KASATKIN) ILLUMINATEUR DU JAPON.

 


LE SAINT ARCHEVEQUE NICOLAS
(KASATKIN)
ILLUMINATEUR DU JAPON.
Commémoré le 3 février (A.C)

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Le 22 Février 1912 les funérailles les plus grandioses jamais organisées au Japon pour un étranger étaient célébrées pour l'Archevêque Nicolas Kasatkin, un fils de la Russie qui avait dévoué toute sa vie à la prédication du Christianisme Orthodoxe au Japon. Un article du journal "Japan Times" décrit ce jour : "... un choeur de deux cents jeunes hommes et jeunes femmes - étudiants du séminaire théologique de Tokyo - chantaient les répons mélancoliques des funérailles. La lecture de l'Evangile finit à neuf heures, après quoi le clergé et les fidèles lui rendirent un dernier hommage. Le cercueil fut fermé. Au glas des cloches les funérailles commencèrent à onze heures. La cathédrale était remplie d'un nombre incroyable de gens comprenant des représentants des églises catholique et protestante, des membres du corps diplomatique et une grande quantité de dignitaires japonais. L'office finit à une heure de l'après midi.... La procession (au cimetière) était composée de moines, de représentants des églises diverses, des membres du corps diplomatique, des acolytes de l'Eglise, des professeurs et des étudiants des écoles ecclésiastiques, des étudiants de l'Ecole des Langues Etrangères de Tokyo, des petits enfants (de l'école maternelle), des paroissiens et des membres de l'Eglise. Tout le quartier et les rues par lesquelles passât la procession étaient remplis de spectateurs.... En l'espace de deux heures la procession atteignait la cimetière de Yanaka où l'office solennel était conclu..."

Les témoignages d'amour et de respect envers l'Archevêque Nicolas exprimés par le peuple à l'occasion de sa mort ne peuvent être pleinement appréciés que si l'on comprend à quel point la pensée Chrétienne et toute relation avec les peuples de l'Europe étaient complètement étrangers aux Japonais seulement cinquante ans plus tôt.

Jusqu'alors on avait tendance à considérer le Japon comme un pays volontairement homogène et défiant vis à vis des étrangers. Cette tendance à l'isolement était encore plus évidente quand le nouvellement ordonné Nicolas, âgé de vingt-quatre ans, mit les pieds au Japon en 1861. Les frontières du Japon étaient fermées aux étrangers depuis près de cent ans. C'est seulement dans les années 1850 que le gouvernement Japonais commença à ouvrir progressivement ses frontières, et à établir des contacts

préliminaires avec d'autres gouvernements. Le Bouddhisme et le Shintoïsme étaient les croyances religieuses les plus répandues et il y avait des lois appliquées qui interdisaient de prêcher le Christianisme. Même si l'Archevêque Nicolas recevait un certain appui financier de Russie, pendant ses cinquante ans au Japon, il n'eut qu'une aide intermitante et limitée venant de membres du clergé et de Russes orthodoxes. Mais, au moment de sa mort, l'Orthodoxie était solidement implantée en Japon avec plus de trente cinq mille fidèles locaux, trente deux prêtres, sept diacres, quinze chefs de chœur, cent vingt et un prêcheurs laïques, une cathédrale, quatre vingt seize églises et deux cents soixante cinq chapelles.

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Qui était cet homme qui avait préché la parole de Dieu dans un pays païen avec autant de succès ? Ses origines étaient des plus modestes et des plus humbles. St. Nicolas (Ivan Dimitrievitch Kasatkin) naquit le 1 août 1836 dans la province de Smolensk. Son enfance ne fut pas facile car sa mère mourut quand le garçon n'avait que cinq ans et, après sa mort, son père Dimitri Ivanovitch, un diacre, était laissé, outre Ivan, avec deux autres enfants à charge. Privé de sa mère, Ivan a connu tôt dans sa vie l'amertume du lot échu à l'orphelin et la pauvreté, mais cette perte stimula en lui une force de volonté et de résolution stupéfiante. Quoique garçon de caractère agréable, il était toujours sérieux à l'église et personne ne fut surpris quand il résolut d'entrer au Séminaire Théologique de Smolensk. Mais à cause de la pauvreté de sa famille, entre les semestres d'études, il était obligé de faire à pieds les 250 kms qui séparaient la maison paternelle du séminaire. Il le finit brillamment et reçut en 1857 une bourse pour l'Académie Théologique de St. Petersbourg. C'était un excellent élève, particulièrement expert dans l'étude des langues.

Approchant la fin de ses études, il offrit à Dieu des prières ferventes, cherchant à connaître la voie que sa vie devait prendre. A cette époque le prêtre déservant le Consulat de Russie à Hakodate tomba malade et fut obligé de retourner en Russie. Une annonce fut affichée à l'Académie, cherchant des candidats pour le poste. Rempli du ferme désir de prêcher l'Evangile à ceux qui ne l'avaient pas encore entendu, Ivan demanda à être envoyé au Japon. Ses supérieurs hésitèrent à envoyer le talentueux Ivan au Consulat car ils pensaient que c'était là gâcher ses dons mais Ivan les convainquit qu'il ne desservirait pas simplement le Consulat mais consacrerait beaucoup de temps au travail missionnaire. Quoiqu'il n'eût pas jusque là envisagé d'embrasser la vie monastique, il considéra qu'il devait choisir entre la vie de famille et celle de la Mission. Le 24 juin 1860, l'Evêque Nectaire le tonsura dans l'Eglise des Douze Apôtres à l'Académie et lui donna le nom de Nicolas; le 30 juin il fut ordonné hiéromoine dans la

même église. Lors de sa tonsure, l'Evêque Nectaire l'avait exhorté : "Ce n'est pas dans un monastère que tu vas passer ta vie de dévotion mais, ayant quitté ton pays, tu auras à servir notre Seigneur dans un pays lointain et païen. Tu dois prendre avec la croix du zélote le bâton de pèlerin. Tu n'es pas seulement appelé à être moine mais aussi apôtre".

C'est avec l'enthousiasme de la jeunesse que le Père Nicolas accepta cette vocation et commença à imaginer ce que pourrait être sa nouvelle vie, rêvant, comme il le dit, "à propos de ma terre du Japon. Je la voyais par les yeux de l'esprit comme une fiancée qui attendrait que j'arrive, mon bouquet à la main."

Mais la réalité s'imposa. Il n'y avait ni trains ni avions à cette époque; il lui fallut près d'un an pour atteindre le Japon car, après avoir fait près de dix mille kilomètres à travers la Sibérie, il dut passer l'hiver à Nicolaevsk et attendre que le fleuve Amour se dégelât pour continuer son voyage. De fait, cette escale fut providentielle car, là, le père Nicolas eut l'occasion de rencontrer l'Archevêque Innocent (Veniaminoff), dont l'activité missionnaire en Alaska touchait à sa fin. L'Archevêque lui donna de précieux conseils en lui disant qu'il devait d'abord maîtriser la langue japonaise et ensuite travailler sur la traduction de la Bible. Il essaya aussi de calmer les espoirs du jeune zélote, le prévenant que son lot était un sort difficile et que sa vie serait remplie de grands déceptions tout autant que de grands joies.

Le jeune moine découvrit rapidement ce que voulait dire Monseigneur Innocent. Il fallut au Père Nicolas attendre huit ans avant qu'il trouvât son premier converti. Son premier obstacle fut l'apprentissage de la langue et des coutumes japonaises. Les écoles japonaises étaient peu disposées à l'aider et la complexité de la langue elle-même posait un problème. Mais après sept ans de patience et de travail difficile, l'apôtre maîtrisa le japonais autant littéraire que parlé au point d'être reconnu comme un expert de la langue japonaise, au Japon comme à l'extérieur.

Outre l'importance d'apprendre le langage, père Nicolas comprit qu'il devait aussi comprendre la pensée du peuple auquel il voulait prêcher, afin de pouvoir dire comme le grand Apôtre Paul, "étant libre à l'égard de tous, je me suis asservi à tous, afin de gagner le plus de gens; et pour les Juifs, je suis devenu comme juif, afin de gagner les Juifs; pour ceux qui étaient sous la loi, comme si j'étais sous la loi, afin de gagner ceux qui étaient sous la loi. (1 Corinth. 9 : 19-20). A cette fin, il assistait aux sermons des prêcheurs bouddhistes de renom et même écoutait les conteurs publiques qui vagabondaient à travers le Japon pour narrer tout aussi bien les plus récents on-dit que les contes populaires.

Cet amour apostolique et des années de patiente préparation pouvaient maintenant porter des fruits. Le premier converti du père Nicolas fut le prêtre samouraï Shinto Takuma Sawabe (Paul en baptême), un patriote japonais fervent, qui considérait que les étrangers, surtout ceux qui enseignaient une

autre religion, constituaient une sérieuse menace pour le Japon et devaient être expulsés ou même tués s'ils persistaient dans leurs fausses croyances. Ayant entendu parlé du père Nicolas, Sawabe un jour décida de discuter avec le prêtre Orthodoxe et était déterminé à le tuer s'il ne parvenait à le convaincre par la discussion.

Portant les deux sabres caractéristiques de la classe militaire, il s'introduisit un jour brusquement dans la pièce du Père Nicolas, vociférant d'une voix irritée : "C'est parce que vous voulez vous emparer de notre pays que vous y avez introduit ces doctrines corrompues ?"

- "Avez-vous connaissance des doctrines que j'enseigne ? ", lui demanda paisiblement Père Nicolas.

-  " Je sais en tout cas qu'elles sont nocives ".

Commençant par les paroles de l'Ancien Testament, le père Nicolas se mit à expliquer avec calme la doctrine de la foi chrétienne. Peu à peu Mr Sawabe devint si intéressé que sa colère céda à l'attention respecteuse. Une fois convaincu, Sawabe commença à persuader avec ferveur ses amis de la vérité de l'Orthodoxie. Père Nicolas utilisa le zèle de ces premiers disciples et développa des règles pour une communauté d'évangélistes dans laquelle les catéchumènes enseignaient et s'efforçaient d'amener les autres à l'Orthodoxie pendant qu'eux mêmes apprenaient encore la foi.

En ces premiers temps, les nouveaux Chrétiens éprouvaient des persécutions, particulièrement dans le nord, car le gouvernement craignait qu'ils n'organisent une opposition politique, surtout parce qu'il y avait parmi eux des samouraïs. Ils n'étaient pas menacés de mort, mais beaucoup d'entre eux étaient emprisonnés et harcelés mais, avec une ténacité qui rappelait les temps apostoliques, ils restaient fermes dans leur nouvelle foi. Le Père Nicolas n'était pas découragé par les persécutions car il les voyait fortifier la foi des nouveaux fidèles. Il écrivait : "Ces persécutions ont servi, avec l'aide de la grâce divine, pour faire que ceux qui avaient la foi seulement en intelligence l'aient maintenant en esprit."

Comme si le Seigneur récompensait la persévérance et la foi de Père Nicolas, l'hostilité des Japonais contre le Christianisme commença à diminuer. Dans les années 1870 furent établies à Tokyo quatre écoles, une pour catéchumènes, un séminaire, une école pour femmes et une école pour les acolytes, et à Hakedate il y avait deux écoles séparées pour garçons et filles.

En 1875, P. Sawabe était ordonné à la prêtrise et, en 1878, cinq autres prêtres japonais étaient ordonnés pour desservir le troupeau orthodoxe japonais qui dépassait alors quatre mille fidèles. Le Père Nicolas fut convoqué en Russie et consacré Evêque le 30 mars 1880, dans la Cathédrale de la Sainte Trinité à la Laure d'Alexandre Nevsky. A son retour au Japon, l'évêque Nicolas commença à réserver encore plus de temps aux traductions liturgiques. Il passait quatre heures tous les soirs pendant les trente dernières années de sa vie à son travail de traduction. Parmi les textes d'offices traduits

en japonais par l'évêque Nicolas, on trouve le Nouveau Testament, presque tous les livres de l'Ancien Testament, le Psautier, l'Horologion, le Livre des Besoins, la Triode du Grand Carême et le Pentecostaire. Nombre de périodiques commencèrent à être publiés en japonais comme, par exemple, "Le Messager Orthodoxe" et " L'Instruction Orthodoxe".

En 1891 l'Archévêque Nicolas vit s'accomplir un de ses rêves les plus chers avec la consécration de la Cathédrale de la Sainte Résurrection à Tokyo. Cette référence architecturale qui devait plus tard être appelée simplement "Nikorai-do" ou "la maison de Nicolas" constitue un symbole de la permanence de l'Orthodoxie au Japon.

En 1904 la guerre russo-japonaise apportait sans doute à l'Archevêque Nicolas sa plus grand épreuve mais en même temps développa complètement en lui son amour sacrificiel. Au lieu de retourner en Russie, il resta au Japon avec ses enfants spirituels, alors que beaucoup de Japonais se montraient ouvertement hostiles, nourrissant des soupçons à l'égard des chrétiens orthodoxes et accusant l'Archevêque d'être un espion à la solde de la Russie. Dans une décision digne de Salomon, quand des membres de l'Eglise lui demandèrent s'ils pouvaient combattre pour leur patrie, le Japon, contre la Russie orthodoxe, après moult réflexions, l'Archevêque conclut que les Japonais pouvaient combattre, utilisant pour cela l'exemple de patriotisme et de fidélité de notre Seigneur : il déclara que Jésus avait versé des larmes sur le sort de Jérusalem, prouvant ainsi Son patriotisme, et qu'ils devraient suivre les traces du Maître. Mais il les exhorta à prier et à combattre non pas par haine de l'ennemi mais par amour pour leur pays.

En juillet 1911 était célébré le jubilé marquant les cinquante ans de prêtrise et la première visite au Japon de l'Archevêque Nicolas. Malgré l'importance de l'oeuvre accomplie, l'Archevêque était revêtu d'humilité. Evaluant sa vie peu avant son repos il dit : "Aujourd'hui je revois ma vie ... Et qu'est-ce que je vois ? Seulement les ténèbres ! Dieu seul accomplit tout ... Tandis que moi ... quelle personne insignifiante, littéralement nulle! Je suis digne des profondeurs de l'enfer ! ".

C'est à cette époque que l'Archevêque Nicolas tomba sérieusement malade du coeur et fut hospitalisé, en janvier 1912. De façon caractéristique, il demanda à sortir de l'hôpital, bien que sa condition ne se fût pas améliorée; il pensait qu'il perdait son temps et voulait retourner à son travail de traduction de l'Ancien Testament comme à ses fonctions administratives. Comme d'habitude il désirait utiliser pleinement ses talents, ayant une confiance patiente en Dieu (Rom.8:28). Le 3 février 1912, deux semaines après sa sortie de l'hôpital, l'Archevêque Nicolas s'éteignit avec le mot "Résurrection" sur ses lèvres. Sa mort elle-même fut l'occasion de convertir des âmes. La fin paisible, l'aspect spirituel du bienheureux hiérarque firent une telle impression sur l'infirmière qui s'occupait de lui qu'elle s'exclama par la suite : "Sans aucun doute, je vais sans aucun doute me faire baptiser."

Il n'y a pas de récits de miracles attribués à Saint Nicolas. Son "miracle" réside évidemment dans ses efforts comme Apôtre moderne qui implanta l'Orthodoxie au Japon et établit une Eglise qui continue à prospérer jusqu'à ce jour avec près de trente mille fidèles orthodoxes japonais, plus de quarante paroisses et deux à trois cents conversions chaque année.

Pour ces exploits, le Synode des Evêques de l'Eglise Russe Hors-Frontières résolut en Mai 1993 de reconnaître l'Archevêque Nicolas comme saint, en même temps que le Métropolite Innocent de Moscou et que l'Archevêque Jean de Changhaï, la glorification des deux premiers hiérarques étant fixée le 17/30 janvier 1994 à la Cathédrale de La Joie de tous les affligés à San Francisco et, le même jour, à l'Eglise de Saint Jean le Baptiste à Mayfield (Pennsylvanie). Ce n'est pas par hasard que la glorification de l'Archevêque Nicolas a lieu dans une église construite grâce aux efforts de l'Archevêque Jean. Vers la fin de son existence, le Métropolite Innocent a passé le flambeau du travail missionnaire à l'Archevêque Nicolas, qui, au crépuscule de sa vie, a vu le futur Archevêque Jean débuter son existence au service de l'Eglise et des activités missionnaires qui devaient le conduire à travers l'Europe en Chine et, finalement, aux Etats-Unis. Les trois saints hiérarques constituent donc les maillons d'une même chaîne, concourant à apporter à tout pays la lumière de l'Orthodoxie.

Sources: 
"I'Iluminateur du Japon : le bienheureux Archevêque Nicolas Kasatkin" par Presbytera Doreen Bartholomew, Orthodox America, Jan.-Fev. 1992. L'Activité Missionnaire de Saint Nicolas du Japon, Thèse de doctorat du Rev. John Bartholomew, St. Vladimir's Seminary, 1987. Une Histoire du Christianisme au Japon, missions catholiques, grecques orthodoxes et protestantes par Otis Cary, 1909. Rapport d'Hokkaido : Les vestiges de culture russe dans le Japon du Nord, pat A. Lensen, 1954. Sœur Anastasia 
Orthodoxe Life, vol. 43, N°6 Nov. Dec. 1993
traduit de l'anglais par M. Marina de Castelbajac

Tropaire de St Nicolas égal aux apôtres, illuminateur du Japon, ton 4 :
Comme compagon des apôtres dans tes labeurs et tourments l'Eglise te vénère avec amour, saint Père Nicolas égal-aux-apôtres. Ayant par de nombreux exploits posé les fondements de l'Orthodoxie dans le Japon païen, tu y as multiplié les enfants du salut et après ton repos Dieu t'a accueilli dans la demeure de Ses apôtres en dignité. C'est pourquoi nous te prions d"invoquer le Seigneur pour qu'Il garde dans le futur ton œuvre inébranlable pour les siècles, qu'Il introduise dans le sein de l'Eglise orthodoxe tous ceux qui cherchent en vérité à mourir au monde et qu'Il sauve nos âmes.
 

 


 

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