LE MYSTERE (SACREMENT) DE LA PRETRISE

 

LE MYSTERE (SACREMENT)
DE LA PRETRISE

Nous avons déjà évoqué le ministère pastoral dans l'Eglise dans le paragraphe consacré à la hiérarchie de l'Eglise (ch. 7). Il y était montré que la hiérarchie avait été établie dans l'Eglise par le Seigneur Jésus Christ Lui-même, qu'elle fut avec l'Eglise depuis sa première origine, et qu'elle reçut une organisation en trois degrés (évêque - prêtre - diacre) au cours des temps Apostoliques.
Mais le ministère hiérarchique de l'Eglise, particulièrement celui de l'évêque et du prêtre, est un ministère spécial, un ministère exceptionnel, c'est un ministère de grâce. Nous y trouvons la garde du troupeau de Dieu, dont le plus haut exemple nous fut donné par le Seigneur en Son ministère terrestre. Je suis le bon pasteur; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jean 10:14,11). Il s'agit là d'une attitude de prière devant le Seigneur, non seulement pour soi, mais aussi pour le peuple. Il s'agit là de la direction spirituelle des âmes des hommes sur le chemin de leur obtention du Royaume des Cieux. Le clergé, au nom de l'ensemble du peuple, offre le Sacrifice sans Effusion de Sang lors de la Divine Liturgie. Et si, pour chacune de nos oeuvres, nous demandons la bénédiction de Dieu et l'aide de Dieu, comment pouvons-nous imaginer de revêtir un ministère pastoral si élevé et si responsable - d'y entrer pour sa vie entière - sans invoquer la grâce de Dieu qui bénit cette oeuvre, qui y contribue et qui renforce le futur pasteur? Cette bénédiction a vraiment lieu. Elle est reçue d'en haut par celui qui, avec tremblement, approche la réception du don du ministère sacré, au cours du Mystère de la Prêtrise, par l'imposition des mains d'un évêque qui porte l'héritage de la grâce de la prêtrise, accompagnée par la prière de l'entière congrégation du clergé et du peuple qui assistent au service Divin. Ce Mystère est également appelé Mystère de Chirotonie..
L'Ecriture Sacrée donne des indications claires et catégoriques selon lesquelles l'accession au rang de la prêtrise consiste en la communication d'un don mystique spécial et dispensateur de grâce, sans lequel ce ministère ne peut être accompli.
 
 

L'Ordination dans l'Eglise Ancienne

Selon l'expression des Actes des Apôtres, quand les Apôtres, qui œuvraient en tout conformément à l'instruction du Christ et dans l'inspiration du Saint-Esprit, estimaient nécessaire de nommer des Diacres dans l'Eglise afin de servir les tables - d'abord les tables ordinaires, puis également la Table du Seigneur - afin d'alléger le service des Apôtres eux-mêmes, ils demandèrent, avant toute chose à leurs disciples assemblés, de choisir parmi eux sept hommes éprouvés, pleins de l'Esprit-Saint et de sagesse. Et quand ils furent choisis et présentés aux Apôtres, ces derniers leur imposèrent les mains, en priant (Actes 6 : 2-6). Ici, avec une clarté absolue et de manière particulière, sont séparés l'un de l'autre, comme deux actes distincts, d'une part, l'élection de certaines personnes au ministère du diaconat, et, d'autre part, l'imposition des mains sur eux dans la prière. L'élection est quelque chose de simplement humain, tandis que l'imposition des mains est une action sacrée, ainsi qu'un acte de Grâce Divine.
Dans le même livre des Actes des Apôtres, il est indiqué que l'imposition des mains est un acte au moyen duquel les prêtres étaient ordonnés dans l'Eglise primitive. En parlant de la manière avec laquelle les Apôtres Paul et Barnabé avaient prêché dans les villes d'Asie Mineure, - Derbe, Lystre, Icone et Antioche- en y augmentant le nombre des Chrétiens, l'auteur du livre, l'Apôtre Luc, nous informe: Ayant donc ordonné (cheirotonisantes) des prêtres en chaque église, avec des prières et des jeûnes, ils les recommandèrent au Seigneur (Actes 14 : 22). Ici, l'imposition des mains est présentée, d'une part, comme un acte sacré connu de tous, au moyen duquel les prêtres étaient ordonnés pour telle ou telle église, et, d'autre part, comme un acte sacré d'une importance spéciale, du fait de sa célébration par les Apôtres Paul et Barnabé eux-mêmes. Ceci nous montre clairement que cette ordination n'était pas simplement un signe ou un rite, mais qu'elle était la transmission d'un don spécial. Et le même Apôtre Paul l'atteste ensuite avec emphase, quand dans ses paroles d'adieu aux prêtres de l'Eglise d'Ephèse, il s'exprime ainsi à leur sujet: Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour gouverner l'Eglise de Dieu, qu'Il a acquise par Son propre sang (Actes 20 : 28). Que cette nomination par l'Esprit-Saint était réalisée par l'imposition apostolique des mains ou ordination, est évident d'après le texte cité supra (Actes 14 : 22).
Finalement, la considération de l'ordination comme une action sacrée dispensatrice de grâce, -par laquelle les évêques étaient désignés, - figure clairement et catégoriquement dans les épîtres de l'Apôtre Paul à Timothée. Ainsi, dans la première épître à Timothée, qui était évêque de l'Eglise d'Ephèse, l'Apôtre écrit: Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée suivant une révélation prophétique, par l'imposition des mains des prêtres (I Tim. 4 : 14). Dans son autre épître, il lui écrit: Je vous avertis de rallumer ce feu de la grâce de Dieu, que vous avez reçue par l'imposition de mes mains (II Tim. 1: 6). En réunissant ces deux passages, nous constatons que Timothée fut ordonné à la prêtrise par l'Apôtre Paul lui-même, ou ce qui revient au même, par une assemblée du clergé le plus âgé sous la présidence de l'Apôtre Paul; et de plus, que dans cette action sacrée, fut transmis à Timothée le don de Dieu qui doit demeurer toujours en lui en héritage. Il ne lui est demandé qu'une chose: de ne pas le négliger mais de le garder au chaud. Les instructions ultérieures faites à Timothée confirment entièrement qu'ici et sans aucune ambiguïté, l'imposition des mains signifie l'ordination épiscopale: cela implique évidemment qu'il fut revêtu de l'autorité d'ordonner les autres (I Tim. 5: 22), qu'il supervisait les prêtres se trouvant dans sa juridiction (I Tim. 5 : 17, 19), et qu'il était généralement un constructeur dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu Vivant ( I Tim. 3 : 15).
 
 

"Election" et "Ordination" dans l'Eglise Ancienne

Ce qui vient d'être dit nous conduit à la conclusion irréfragable, que les Apôtres, par l'autorité du Christ, établirent trois degrés hiérarchiques, et que, pour nommer les personnes élues à ces trois degrés, l'ordination, - qui leur communique la grâce agissante de Dieu indispensable à leur ministère - fut établie. Il va sans dire que les successeurs des Apôtres, les évêques, durent accomplir précisément ce que les Apôtres avaient décrété, c'est-à-dire, l'ordination par imposition des mains, en accord univoque avec le sens élevé et la signification qu'en donnèrent les Apôtres. Et cela resta un fait réel dans l'Eglise des temps ultérieurs.
Bien que dans l'Eglise primitive, l'ordination au rang de la prêtrise avait lieu après une élection générale, avec l'accord de la communauté de l'église ou de l'église locale, cette “ordination” en elle-même était un acte séparé totalement de l'agrément ou de l'élection, et était célébrée par les évêques, c'est-à-dire par des personnes égales en autorité aux Apôtres et qui étaient leurs successeurs. Il en est ainsi de nos jours. Parmi les premiers témoignages à ce sujet, figure l'homélie de St. Irénée de Lyon (deuxième siècle): « On doit suivre ces prêtres (au sens des "aînés" dans l'Eglise, c'est-à-dire des évêques), qui sont dans l'Eglise et qui, comme nous l'avons indiqué, ont reçu la succession des Apôtres, et qui, avec la succesion de l'épiscopat, par le bon désir du Père, ont reçu le don digne de confiance de la vérité.» L'expression, “avec la succesion de l'épiscopat, ils ont reçu le don de la vérité”, parle évidemment du don de grâce reçu par leur ordination. La même idée existe chez Tertullien. Chez Clément d'Alexandrie (troisième siècle), il est déjà indiqué clairement que l'“élection” n'est pas du tout ce qui est donné par l'ordination par imposition des mains, de même que l'élection des Apôtres, - parmi lesquels se trouvait Judas- n'était pas la même chose que l'“ordination” qu'ils reçurent ensuite par le souffle du Christ (Jean 20 : 22). L'élection de certaines personnes à la prêtrise est l'oeuvre des hommes; mais leur ordination n'est pas l'oeuvre des hommes, mais celle de Dieu (Clément, Stromata ).
Les Canons Apostoliques ordonnent: « Que l'évêque soit ordonné par deux ou trois évêques. Que le prêtre, le diacre et le reste du clergé soit ordonné par un évêque » (Canons 1 et 2). On y trouve également le fondement de l'unicité de la chirotonie ( ceirotonia : ordination) : «Si un quelconque évêque, prêtre, ou diacre recoit de quiconque une seconde ordination, que ceux qui ont ordonné ainsi que celui qui a été ordonné soient déposés, à moins qu'en fait, il puisse être prouvé qu'il avait reçu son ordination des hérétiques » (68ème Canon). Ainsi la grâce donnée dans la chirotonie de la prêtrise est reconnue comme étant aussi immuable et ineffaçable que celle donnée dans le Baptême. Cependant, la grâce de la chirotonie est spéciale et distincte de la grâce qui est donnée dans le Baptême et dans le Mystère de la Chrismation.
 
 

L'Essence et les Paroles Efficaces du Mystère

Ainsi le Mystère de la Prêtrise est une action sacrée qui - par l'imposition implorante des mains d'un évêque sur la tête de la personne choisie - fait descendre sur cette personne la grâce Divine qui la sanctifie et l'ordonne à un certain rang de la hiérarchie de l'Eglise et qui ensuite coopére avec elle dans l'exercice de ses obligations hiérarchiques. La prière de la Chirotonie est la suivante: « La grâce Divine qui a toujous guéri ce qui est infirme et accompli ce qui est voulu, a élevé (nom) le très pieux sous-diacre, à être diacre (ou diacre, à être prêtre). C'est pourquoi, prions pour lui, afin que la grâce de l'Esprit Très Saint soit avec lui. »
Le Mystère de la Chirotonie fait toujours partie du rite de la Divine Liturgie. L'ordination par la prière aux rang inférieurs du clérgé (lecteur, sous-diacre) est distincte du Mystère de la Chirotonie; elle est appelée chirotésie - ceiroqesia ( un mot grec qui a un sens purement ecclésial chrétien et dont l'usage est relativement tardif).
 
 

Le Célibat des Evêques

L'évêque est soumis à l'obligation du célibat. Dans les premiers siècles de la Chrétienté, cela n'était pas obligatoire, mais même aux temps apostoliques il était permis aux évêques d'éviter le mariage dans l'intérêt de leur combat ascétique de la chasteté. Cette coutume s'était renforcée et le Sixième Concile Œcuménique l'entérina dans un canon. En ce qui concerne les prêtres et les diacres, l'Eglise prit soin de ne pas rendre obligatoire un tel fardeau, en observant le canon ancien qui interdit de contracter le mariage après avoir reçu l'ordination, mais en permettant l'accès au Mystère de la Prêtrise aux personnes déjà liées par le mariage et en considérant cela comme tout à fait normal et naturel. Un second mariage, de même qu'une épouse qui avait été mariée auparavant, constituent des obstacles à l'ordination. Dans l'Eglise Romaine, entre le quatrième et le sixième siècle, le célibat commença à être introduit pour les prêtres et pour les diacres. Cette innovation fut rejetée par le Sixième Concile Œcuménique; mais les papes romains ne tinrent pas compte de cette interdiction.
Les Protestants ont rejeté la prêtrise en tant que "sacrement". Leurs pasteurs sont simplement élus et désignés par le peuple, mais ne reçoivent aucune sorte de consécration spéciale, et en ce sens ils ne se distinguent pas des membres ordinaires de leurs communautés. Historiquement cela s'explique par l'opposition aux abus du clergé latin, dans l'exercice de ses droits, à la fin du Moyen-Age. La justification théorique des Protestants consiste en l'opinion selon laquelle l'ordination à la prêtrise ne commença à être désignée sous le nom spécifique de "sacrement" qu'au cours de temps plus récents. Bien entendu, une telle justification n'a absolument aucune valeur. Nous voyons, d'après l'enseignement et la pratique des Apôtres, ainsi que d'après la foi constante de l'Eglise, que la chirotonie était depuis son origine une action sacramentelle, sacrée et dispensatrice de grâce, et par conséquent, le fait de la nommer "sacrement" à une époque plus tardive n'introduisit rien de nouveau, mais explicita plus précisément son essence en un seul mot. Par analogie, le terme homoousios, accepté au Premier Concile Œcuménique, n'introduisit rien de nouveau dans l'enseignement de l'Eglise au sujet de la Divinité du Fils de Dieu, mais la définit plus précisément et la confirma. Malheureusement, les érudits protestants, en défendant le fausse position du Protestantisme, continuent avec entêtement, mais sans preuve, à déduire le concept même des Mystères Chrétiens de la pratique des mystères païens.
 
 

Archiprêtre Michel Pomozansky

(2ème partie, pp..193-198) ou, dans sa version en anglais, Orthodox Dogmatic Theology, Platina, Cal. 1984 , pp. 294-301.

traduction de Pierre Frugier

 



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

В понедельник 4 ноября 2024 года наш приход Святого Иоанна Русского в Лионе будет иметь великую милость принять чудотворную икону Божией Матери Иверской с Гавайских островов, которая пробудет в Лионе весь день.

La paroisse de Lyon célèbre la première divine liturgie dans sa nouvelle église.

HORAIRES DE JANVIER 2025