Le cinquantenaire de la tragédie de Lienz

 


Le cinquantenaire
de la tragédie de Lienz

 

 Le vendredi 12 mai 1995, nous sommes partis avec S.E. Séraphime, Archevêque de Bruxelles et d'Europe Occidentale, pour Lienz (Autriche), afin de participer à la célébration du cinquantenaire de Lienz. Quel cinquantenaire ? Que s'était-il passé à Lienz ? Ces questions me trottaient déjà dans la tête, étant enfant. Souvent j'avais entendu "Parrain" dire qu'il allait là-bas, comme chaque année. Mais, devant les questions, la famille changeait de sujet. Même ma marraine, prolixe sur tout ce qui concernait la Russie, n'en parlait pas. Mais l'an dernier, Monseigneur Séraphime, qui songeait déjà à s'y rendre, m'avait expliqué ce qui s'était passé là-bas: en mai 1945, à Lienz, des dizaines de milliers de Russes orthodoxes, notamment des Cosaques, hommes, femmes et enfants, avaient été livrés par les Britanniques au pouvoir soviétique pour honorer les accords de Yalta, conclus entre Churchill, Roosevelt et Staline.
 J'ai ensuite découvert avec émotion que "Parrain", agé alors de quinze ans, avait été témoin oculaire de la tragédie de Lienz : "Le matin même, les Anglais prirent les officiers russes, les désarmèrent, en leur promettant qu'ils rentreraient au camp le soir. Puis ils les emmenèrent en camion. Ne les voyant pas revenir vers 16 heures, nous avons pris peur... Tout l'après-midi, les Anglais embarquèrent de force, au fusil et à la baïonnette, les civils russes du camp, tout en jurant qu'il ne leur arriverait rien."
 Beaucoup, réalisant ce qui les attendait, préférèrent se jeter dans la Drau, la petite rivière qui traverse Lienz et se suicidèrent ainsi. Certains même se pendirent aux arbres avec une pancarte dans les mains : "Cadeau pour le 'petit père du peuple' (Staline)". Des centaines de milliers de Russes anti-communistes furent ainsi destinés aux tortures, aux exécutions ou à la déportation. Quelques uns, dont faisait partie "Parrain", à force d'audace, et bravant souffrances et privations, parvinrent à s'enfuir et à survivre, cachés dans les forêts environnantes.
  Voilà l'événement qui nous avait entraînés sur cette longue route, depuis le monastère de la Sainte Vierge de Lesna jusqu'à Lienz. La neige et la nuit arrivant, les deux cents derniers kilomètres furent très éprouvants. Nous passâmes la nuit à l'hôtel du "Poisson d'or" qui, je l'appris plus tard, avait été construit à l'endroit même où les officiers russes avaient été emmenés pour être fusillés.
 Le lendemain matin, après avoir préparé l'église de Lienz pour les vigiles, nous partions avec Monseigneur Séraphime et l'Archimandrite Athanase (de San Francisco, lui aussi témoin de la tragédie) à Lavant, petit village à 6 kms de Lienz, pour visiter un cimetière chrétien du 2ème siècle. Nous étions de retour à Lienz pour les vêpres du samedi soir, auxquelles assistèrent beaucoup de monde, dans une atmosphère de profonde ferveur dans la prière, une expérience mémorable.
 Ce soir là, comme le lendemain matin, Monseigneur Séraphime présidait l'office qu'officiait l'archiprêtre Michel Protopopoff, venu tout spécialement d'Australie, en ce lieu où son propre père était mort; participaient également à l'office l'Archimandrite Athanase, le Prêtre Joseph,  de Prague, et d'autres encore. Le chant était assuré par une partie de la chorale de la cathédrale de San Francisco et il faut avouer qu'au moment où le chœur a entonné le stichère pascal  Df voskresnet Bog - Que Dieu se lève , l'âme ressentait la Puissance de Dieu et Son amour pour l'homme.
 Le dimanche matin, nous participâmes à la divine liturgie et ce fut un moment merveilleux : toute l'assemblée formait une communion fervente dans la prière, le chœur chantait extraordinairement. Jamais je n'ai ressenti une telle impression, la présence si effective des âmes disparues. Au cimetière fut ensuite solennellement célébrée une pannikide, l'apogée de cette commémoration. Nous étions, me sembla-t-il, non pas quatre ou cinq cents personnes, mais cinq, dix, soixante quinze mille personnes !
 Nous étions transportés dans un ailleurs qui ne laisse aucune place à la haine pour les criminels occidentaux ou bolchéviques, traitres ou bourreaux : Seigneur, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ! Ces paroles du Seigneur accompagnaient dans mon esprit toute la commémoration de cette multitude de victimes orthodoxes, à qui nous chantons : Mémoire éternelle !
              
Dominique Onnanachvili.

Note:
 Voir à ce sujet " The Massacre of Cossacks at Lienz", un article d'Orthodoxe Life  (n°3, 1988 p. 23 e t suivantes).

 



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