L'Ancien Testament dans l'Église du Nouveau Testament par le protopresbytre Michel Pomazansky [Quatrième et dernière partie]
L'Ancien Testament dans l'Église du Nouveau Testament par le protopresbytre Michel Pomazansky [Quatrième et dernière partie] La sagesse de l'Ancien Testament - De la sagesse Les livres didactiques composent le troisième groupe des livres de l'Ancien Testament. Ils enseignent à l'homme comment construire sa vie terrestre personnelle afin qu'elle soit bénie par Dieu et les hommes, qu'elle donne la prospérité et la paix intérieure. La sagesse venant de Dieu communique une telle vie. Lorsque Salomon, en commençant son règne a élevé ses prières et ses sacrifices, Dieu lui apparut la nuit et lui dit : "Demande ce que tu veux que Je te donne". Et Salomon demanda à Dieu une seul chose : la sagesse et les connaissances pour diriger le peuple de Dieu. Et Dieu dit à Salomon : parce que tu n'as pas demandé des richesses, des biens, des honneurs, des victoires, la longévité, mais la sagesse et les connaissances, la sagesse et l'intelligence te seront données, et Je te donnerai de la richesse, des biens et de la gloire comme n'en ont jamais eus les rois précédents, ni ceux qui viendront après toi. Les livres didactiques sont pleins de recommandations pratiques sur la façon de construire sa propre vie intelligemment, dans la sagesse et la crainte de Dieu, dans la vérité, l'honnêteté, le travail, dans l'abstinence, construire une vie familiale et être un membre utile dans la vie de la société. Ces recommandations sont extrêmement instructives, justes, droites; dans leur construction verbale on trouve beaucoup d'images, de vie, de traits d'esprit; bien qu'on y trouve, bien entendu, des opinions fondées sur les exigences d'une époque éloignée de nous et étrangères à présent à nos habitudes. Les indications pratiques dans la conduite de la vie quotidienne sont le trait caractéristique de la sagesse éducatrice vétérotestamentaire. Il serait cependant faux de croire que la sagesse biblique est la sagesse du bonheur terrestre. La Bible voit la sagesse authentique dans l'humble fidélité à Dieu dans les souffrances les plus terribles, dans les souffrances alors que l'on est innocent, la sagesse dans le fait de reconnaître le caractère incompréhensible des voies divines. "Nu je suis sorti des entrailles de ma mère, nu je partirai. Dieu a donné, Dieu a pris; qu'il advienne ce que plaise à Dieu; que le nom du Seigneur soit béni". "J'ai reçu le bien, je recevrai aussi le mal" (Job I. 21; II, 10 ). Voilà la sagesse du juste Job. Mais il n'y a pas de sagesse véritable dans les constructions dialectiques et logiques de ses amis, et il n'y en a pas justement parce qu'ils croient avec assurance comprendre les voies de Dieu. En eux, se trouve ce que l'on peut appeler le rationalisme à base religieuse; il leur est dit de demander pardon à Dieu par l'intermédiaire de Job. Aussi attrayantes que soient l'aisance, la richesse, la réussite, la gloire, s'attacher à toutes ces choses est folie : tel est l'enseignement de la sagesse de Salomon. La mort est le lot qui attend chacun de nous, et il apparaît alors que tout n'est qu'apparence, vanité, "vanité des vanités, tout est vanité" (Ecclésiaste). Il existe dans la vie une chose de plus élevé, plus précieuse, plus digne de louanges provenant de la sagesse. C'est de tendre à la connaissance des oeuvres de Dieu, d'étudier la nature, c'est l'attrait pour le savoir pur : "connaître la structure du monde et les forces des éléments, le début la fin et le milieu des temps, le cercle des années et la disposition des étoiles, la nature des animaux et les caractéristiques des bêtes, la puissance des vents et les pensées des gens, la diversité et la vertu des plantes...";"si un homme veut acquérir beaucoup d'expérience, la sagesse connaît des faits très anciens et prédit le futur, connaît la finesse des mots et la réponse aux interrogations, prévient les signes et les miracles, l'issue des années et des saisons..." ; "si un homme aime la droiture, ses fruits sont les vertus : elle enseigne l'intégrité et le discernement, la justesse et le courage, ce qu'il y a de plus utile dans la vie pour les hommes." (Sagesse de Salomon VII, 17-20; VIII, 7-8). Ici sont reconnus les droits de la science dans ses nombreuses branches. Posséder une telle sagesse n'est pas le fruit d'un mérite personnel, mais un don de Dieu. "J'ai prié" , témoigne l'auteur de "La Sagesse de Salomon", "et du ciel est descendu sur moi l'esprit de la sagesse. J'ai tout compris, ce qui est caché comme ce qui est évident, car c'est la Sagesse, créatrice de tout, qui m'a enseigné. Elle est esprit de raison, saint, clair, inoffensif, bienveillant, rapide, insaisissable, bienfaisant, humain, ferme, inébranlable, calme, serein, qui voit tout et pénètre les esprits intelligents, purs, les plus subtiles... Elle est le reflet de la lumière éternelle et le miroir limpide des actions de Dieu et l'image de Sa Bonté. Elle est seule, mais peut tout et étant en elle-même, elle renouvelle tout et, passant de génération en génération dans les âmes saintes, elle prépare les amis de Dieu et les prophètes; car Dieu n'aime personne si ce n'est celui qui vit avec la sagesse ". (Sagesse de Salomon VII, 22-23; 26-28). Il n'est pas étonnant qu'une image aussi parfaite de la sagesse, telle qu'elle est donnée dans les livres didactiques de l'Ancien Testament, appelle l'attention même à l'époque chrétienne, particulièrement par ce trait qui la représente "siégeant auprès de Dieu Lui-même". "Le Seigneur m'avait au tout début de Sa voie, avant même Ses ½uvres, de tout temps" lisons-nous dans le livre des Proverbes : "Il m'a créé alors que n'existait pas encore le temps; ni les sources, riches en eau. Je suis née avant que les montagnes ne soient élevées, avant les collines, alors qu'Il n'avait encore créé ni la terre, ni les champs, ni les premières poussières de l'univers. Quand Il préparait les cieux, j'étais là. Quand Il a tracé un cercle sur la face de l'abîme, quand Il a donné à la mer sa forme, afin que les eaux ne dépassent pas ses confins, alors qu'Il posait les fondements de la terre - alors je L'aidais comme peintre, j'étais la joie de chaque jour, je me réjouissais tout le temps en Sa présence, sur son cercle terrestre et ma joie était avec les fils des hommes..." "Qui m'a trouvé, celui-là a trouvé la vie et a reçu la grâce du Seigneur". (Prov. VIII, 22-31, 35). Ici la Sagesse est représentée dans l'image d'une personne, comme une créature divine; on peut citer d'autres expressions du même type dans les textes sur la Sagesse. Sous l'impression d'une telle image, dans la philosophie religieuse, tant de l'Antiquité chrétienne que du Moyen Âge ou des temps modernes, l'idée que sous le terme de sagesse on entend une force divine singulière et personnelle, ou hypostase, créée ou non créée, peut-être âme du monde, "Sophia divine", cette idée est apparue et a tenté de pénétrer la pensée théologique. Dans la pensée religieuse russe, la doctrine de la Sophia a été présente et popularisée chez Vladimir Soloviev, chez le prêtre Paul Florensky et plus récemment chez l'archiprêtre Serge Boulgakov. Il faut cependant admettre que ces penseurs se fondent sur les prémisses philosophiques particulières et, voulant les justifier par l'Ecriture, ils n'accordent pas assez d'attention à ce que dans la littérature vétérotestamentaire, le procédé de personnification des idées est usuel; l'auteur du livre des Proverbes prévient qu'à la lecture du livre, il faudra "comprendre le proverbe et le discours sous-entendu, les paroles des sages et leurs énigmes" (Prov. I, 6) c'est-à-dire ne pas prendre les expressions imagées au sens premier. Là où la Sagesse est dépeinte de façon particulièrement expressive, comme étant un être personnel, comme la Sagesse hypostastique, le Nouveau Testament voit en elle le Fils de Dieu Jésus Christ, "la force Divine et la Sagesse Divine" , comme nous le lisons chez l'Apôtre Paul (I, Cor. I, 24 ). Une telle interprétation est donné par exemple dans une lecture des Parémies, tirée du livre des Proverbes : "La Sagesse s'est construite une maison et a élevé sept piliers" (Prov. IX 1-6 ). Là, l'auteur sacré transporte ainsi notre pensée directement dans le Nouveau Testament, dans la confession de l'Evangile, dans le mystère de l'Eucharistie et la constitution de l'Eglise du Christ. Là, l'Ancien Testament se trouve déjà à la lisière du Nouveau. Traduction : C. Savykine
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