La Vie de notre saint Père Basile le Grand, Archevêque de Césarée

 


La Vie de notre saint Père

Basile le Grand,

Archevêque de Césarée

(dont l'Eglise célèbre la mémoire le 1er janvier)


L'enfance de saint Basile.

Basile, grand élu de Dieu et professeur divinement sage de l'Eglise, naquit de parents pieux, nobles et justes, dans la ville de Césarée, en Cappadoce, vers l'an 330, sous le règne du saint empereur Constantin le Grand. Son père s'appelait lui aussi Basile, et sa mère Emmelie. Les premières graines de la piété furent semées dans son âme par sa grand-mère dévote, Macrine, qui avait été jugée digne, dans sa jeunesse, de recevoir son instruction de la bouche même de saint Grégoire le Thaumaturge, et par sa mère, la pieuse Emmelie. Le père de Basile l'instruisit dans l a Foi chrétienne, mais il lui enseigna également les sciences séculaires, qu'il connaissait fort bien : il avait enseigné lui-même la rhétorique, c'est-à-dire la science de l'éloquence, et la philosophie. Son père mourut lorsque Basile eut environ quatorze ans, et l'orphelin pasa deux ou trois années auprès de sa grand-mère Macrine près de Néocésarée, non loin du fleuve Iris, sur des terres appartenant à sa grand-mère et qui furent plus tard converties en monastère. De là Basile se rendait souvent à Césarée pour rendre visite à sa mère, qui vivait avec tous ses enfants dans la ville où elle était née.

 

L'éducation séculaire de saint Basile.

Après la mort de Macrine, Basile, qui avait dix-sept ans, revint s'installer à Césarée pour étudier plusieurs disciplines dans les écoles de la ville. Grâce à la particulière vivacité de son intelligence, Basile parvint rapidement à égaler ses professeurs en savoir et, pour en apprendre davantage, il se rendit à Constantinople, où le jeune sophiste Libanios était réputé pour son éloquence. Cependant Basile n'y demeura que peu de temps, et de là il partit pour Athènes, mère de toute la sagesse hellénique. A Athènes, il commença ses leçons avec un professeur paien célèbre appelé Ebbulos; en même temps il fréquentait les écoles de deux autres Athéniens de renom, Hymérius et Proeresius. Basile avait alors atteint l'âge de vingt-six ans, et démontré une diligence extraordinaire dans son étude des sciences; de plus à la même époque il avait gagné l'approbation universelle par sa pureté de vie. Il ne connaissait que deux rues dans Athènes : celle qui menait à l'église, et celle qui menait à l'école. A Athènes, Basile se lia d'amitié avec un autre futur glorieux hiérarque, Grégoire le Théologien, qui étudiait lui aussi en ce temps-là dans les écoles d'Athènes. Basile et Grégoire, qui se valaient en conduite, en humilité et en chasteté, en vinrent à autant s'aimer l'un l'autre que s'ils n'avaient eu qu'une seule âme, et ils conservèrent toujours cet amour mutuel. Basile était tellement absorbé par ses études que lorsqu'il était plongé dans ses livres, il en oubliait souvent la nécessité de se nourrir. Il étudia la grammaire, la rhétorique, l'astronomie, la philosophie, la physique, la médecine et les sciences naturelles. Mais toutes ces disciplines séculaires, terrestres, ne satisfaisaient pas son âme, qui recherchait une illumination céleste et exaltée. Après avoir séjourné environ cinq ans à Athènes, Basile comprit que les sciences terrestres étaient incapables de lui apporter des fondations solides pour la perfection chrétienne; pour cette raison il décida d'aller dans les pays où vivaient les ascètes chrétiens et où il pourrait pleinement se familiariser avec la véritable science chrétienne.

 

St. Basile visite les monastères et s'entretient avec Ebbulos.

Ainsi, tandis que Grégoire le Théologien, devenu professeur de rhétorique, restait à Athènes, Basile se rendit en Egypte où florissait la vie monastique. Là-bas il trouva en la possession d'un Abbé du nom de Porphyrius une collection considérable d'écrits théologiques. Il passa une année entière à les étudier, s'exerçant en même temps à des luttes de jeûne. En Egypte, Basile observa la vie des ascètes célèbres qui lui étaient contemporains : Pachome, qui vivait en Thébaïde, Macaire l'Ancien et Macaire d'Alexandrie, Paphnutius, Paul, et d'autres. D'Egypte, Basile se rendit en Mésopotamie, afin de visiter les lieux saints et de s'y familiariser avec la vie ascétique. Mais en route vers la Palestine il s'arrêta à Athènes pour s'entretenir avec son célèbre professeur Ebbulos ainsi qu'avec plusieurs autres philosophes grecs, au sujet de la Vraie Foi.

Désirant convertir son professeur à la Vraie Foi, et lui rendre ainsi le bien qu'il avait reçu de lui, Basile se mit à sa recherche à travers la ville. Il le chercha longtemps, pour finalement le rencontrer en dehors des enceintes, dans un lieu où Ebbulos s'entretenait avec d'autres philosophes sur quelque sujet complexe. Basile écouta leur discussion, sans révéler son nom, puis il se joignit à eux et résolut rapidement cette question difficile; puis de lui-même il posa une nouvelle question à son professeur. Ceux qui écoutaient s'étonnèrent, se demandant qui pouvait répondre ainsi au célèbre Ebbulos. Mais ce dernier s'écria : “Il ne peut s'agir que d'un dieu, ou de Basile !”

Ayant reconnu Basile, Ebbulos renvoya ses amis et disciples, puis il conduisit Basile vers sa demeure, où ils s'entretinrent pendant trois jours entiers, prenant à peine le temps de manger. Entre autres choses, Ebbulos demanda à Basile quelle était, à son avis, la valeur essentielle de la philosophie. “L'essence de la philosophie, répondit Basile, réside dans le fait qu'elle transmet à l'homme le souvenir de la mort”.

De plus, il montra à Ebbulos l'insubstantialité du monde et de ses plaisirs, qui au premier abord semblent être le comble des douceurs, mais se révèlent ensuite extrêment amers à celui qui s'y est étroitement attaché. “A côté de ces plaisirs, dit Basile, il y a des reconforts d’un autre genre, d’origine céleste. On ne peut profiter des deux en même temps : Nul ne peut servir deux maîtres (Matt. 6:24). Néanmoins, nous-mêmes, autant qu’il est possible aux gens liés aux choses terrestres, nous rompons le pain de la vraie connaissance; et si quelqu'un, même par sa propre faute, est dépouillé du vêtement de la vertu, nous le conduisons sous l’abri des œuvres charitables, le prenant en pitié comme nous prenons en pitié un homme nu dans la rue”.

Ensuite pendant toute une journée Basile parla avec Ebbulos du pouvoir du repentir, lui décrivant les images de vertu et de vice qu'il avait vues arrimer tour à tour l'Homme à eux. De même il décrivit l'image du repentir, autour duquel les différentes vertus se tenaient en filles respectueuses. “Mais nous n'avons pas besoin de recourir à des moyens de persuasion aussi artificiels, Ebbulos, ajouta Basile. Nous possédons la seule Vérité que peut atteindre celui qui s'y efforce instamment. C'est-à-dire que nous croyons que chacun se relèvera des morts un jour; certains pour la vie éternelle, d'autres pour le tourment et la honte perpétuels. Les Prophètes nous le disent clairement : Isaïe, Jérémie, Daniel, David et le divin Apôtre Paul, ainsi que le Seigneur, qui nous attire Lui-même au repentir, qui a été chercher la brebis égarée et qui, étreignant le fils prodigue qui revient repentant, l'embrasse et le pare de vêtements splendides et d'un anneau, et donne un banquet en son honneur (cf. Luc. ch.15). Il donne la même récompense à ceux qui arrivent à la onzième heure et à ceux qui ont porté le fardeau de la journée, et sa chaleur (Matt. 20:12). Il nous accorde, à nous qui nous repentons et sommes nés dans l'eau et de l'Esprit, ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'Homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui L'aiment (I Cor. 2:9).

Lorsque Basile raconta brièvement à Ebbulos l'histoire de l'économie de notre salut, en commençant par la chute d'Adam dans le péché et en terminant sur l'enseignement du Christ Rédempteur, Ebbulos s'exclama : “Basile, tu as été révélé par le ciel ! Grâce à toi je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur de toutes choses, et j'attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir ! Amen. Et voici la preuve de ma Foi en Dieu : près de toi je passerai le reste de ma vie; à présent je désire naître de l'eau et de l'Esprit”.

Alors Basile dit : “Béni soit Dieu, maintenant, et toujours, qui a illuminé ton esprit de la lumière de Vérité, Ebbulos, et qui t'a amené d'une erreur extrême à la connaissance de Son amour ! Si tu souhaites, comme tu l'as dit, vivre avec moi, je vais t'expliquer de quelle manière nous devons nous occuper de notre salut, en évitant les pièges de la vie ici-bas : nous allons vendre nos biens, et en distribuer l'argent aux pauvres, et nous-mêmes irons dans la Ville sainte afin de voir les choses merveilleuses qu'il y a là-bas; ainsi nous en serons d'autant renforcés dans la Foi”.

Après avoir distribué aux nécessiteux l'ensemble de leurs biens, et acheté des robes blanches pour eux, ainsi qu'il est demandé à ceux qui doivent recevoir le baptême, ils allèrent à Jérusalem, et, convertirent en chemin nombre de gens à la Vraie Foi.

 

Rencontre avec le Sophiste Libanios.

En arrivant à Antioche, ils entrèrent dans une auberge. Philoxène, le fils de leur aubergiste, était alors assis aux portes de l'établissement, en grand désarroi. En tant que disciple du sophiste Libanios, il avait emprunté à ce dernier certaines strophes en vers d'Homère afin de les transcire en discours rhétorique; mais il n'y parvenait pas et, se trouvant en grande difficulté, il en était infiniment affligé. Voyant sa tristesse, Basile demanda : “Pourquoi es-tu abattu, jeune homme ?” Philoxène lui répondit : “Si je te disais la cause de ma peine, quel avantage m'apporterais-tu ?” Lorsque Basile insista pour essayer de l'aider, promettant que le garçon ne lui raconterait pas la cause de ses soucis en vain, le jeune homme lui parla du sophiste et des strophes, en ajoutant que la raison de sa peine était qu'il était incapable de retranscrire clairement le sens de ces strophes.

Prenant les strophes, Basile les expliqua en langage simple, et le garçon, ébahi et rempli de joie, lui demanda d'écrire cette version pour lui. Alors Basile écrivit la retranscription des strophes en vers d'Homère de trois façons différentes. Le garçon prit joyeusement ces versions et les apporta le lendemain à Libanios, son professeur. Les ayant lues, Libanios, stupéfait, s'exclama : “Je jure par la divine providence qu'il n'existe aucun philosophe aujourd'hui capable de faire un tel exposé ! Qui a écrit cela pour toi, Philoxène ?” Et le garçon répondit : “Il y a chez moi un étranger qui a écrit cette interprétation très vite et sans la moindre difficulté ”.

Aussitôt Libanios se hâta vers l'auberge pour rencontrer cet étranger et, y trouvant Basile et Ebbulos, il s'émerveilla et se réjouit de leur arrivée inattendue. Il leur offrit de séjourner chez lui et, en arrivant, leur servit un repas raffiné. Mais Basile et Ebbulos, se nourrissant de pain et d'eau comme à leur habitude, rendirent grâce à Dieu, qui prodigue toute bénédiction. Ensuite Libanios se mit à leur poser diverses questions sophistes, et ils lui offrirent une conversation sur la Foi Chrétienne. Libanios les écouta très attentivement, puis dit que le temps n'était pas encore venu pour accepter cette parole, mais que si telle était la volonté de la divine providence, personne ne pourrait s'opposer à la doctrine du christianisme.

“Tu me rendras un grand service, Basile, conclut-il, en acceptant de prodiguer tes enseignements aux disciples qui m'accompagnent”.

Les disciples de Libanios furent rapidement assemblés, et Basile se mit à leur enseigner qu'ils devaient acquérir la pureté spirituelle, le mépris du corps, l'humilité du comportement, qu'ils devaient parler calmement et modestement, manger et boire avec modération, se taire en présence des anciens, être attentifs aux paroles des sages, se soumettre aux autorités, aimer sincèrement leurs pairs et ceux qui leur étaient inférieurs, éviter les passions mauvaises qui conduisaient aux plaisirs charnels, parler moins mais écouter et interroger davantage, ne pas se hasarder en paroles imprudentes, ne pas se montrer bavards, ne pas se moquer d'autrui, se vêtir modestement,, ne pas discuter avec des femmes immorales, baisser les yeux mais élever leurs âme, éviter les querelles, ne pas chercher le rang de professeur, et ne pas accorder d'importance aux biens de ce monde. Si quelqu'un se montrait charitable envers son prochain, qu'il attendît d'être récompensé éternellement par Jésus Christ notre Seigneur. Ainsi parla Basile aux disciples de Libanios, et ils l'écoutèrent avec stupeur; ensuite, Ebbulos et lui reprirent la route.

 

Le baptême dans le Jourdain.

Lorsqu'ils atteignirent Jérusalem, et eurent visité tous les lieux saints avec foi et amour, priant Dieu le Créateur de tout, ils se présentèrent à Maxime, l'évêque de la ville, et lui demandèrent de les baptiser dans le Jourdain. L'évêque, percevant leur grande foi, accéda à leur requête : emmenant son clergé, il se rendit au Jourdain avec Basile et Ebbulos. Une fois arrivés sur la rive, Basile se jeta à terre et pria Dieu en larmes, L'implorant de montrer un signe pour affermir sa foi. Puis, se relevant en tremblant, il ôta son vêtement, dépouillant le vieil homme (Eph. 4:22), et entra dans l'eau en priant. Lorsque le saint hiérarque s'approcha pour les baptiser, des éclairs étincelants descendirent sur eux, et une colombe, surgissant de l'un de ces éclairs, plongea dans le Jourdain et remonta au Ciel après avoir remué l'eau. En voyant cela, ceux qui se tenaient sur la rive se mirent à trembler et rendirent grâce à Dieu. Après avoir reçu le baptême, Basile sortit de l'eau, et l'évêque, s'émerveillant de son amour pour Dieu, l'enveloppa de la robe de la Résurrection du Christ en récitant une prière. Il baptisa aussi Ebbulos, les oignit tous les deux du saint Chrême, et les fit communier aux saints Dons.

 

Les ordinations de saint Basile.

Basile et Ebbulos retournèrent dans la Ville sainte et y restèrent un an. Ensuite ils se rendirent à Antioche, où Basile fut ordonné diacre par le Patriarche Mélèce, et il s'occupa par la suite d'interprêter les Ecritures. Puis, un peu plus tard, il se rendit avec Ebbulos dans son pays natal, la Cappadoce. Lorsqu'ils furent proches de la ville de Césarée, Léonce, l'Archevêque de la ville, fut informé de leur arrivée par un rêve, et apprit qu'un jour Basile serait archevêque de la ville. Pour cette raison, l'Archevêque convoqua son archidiacre et plusieurs membres respectés du clergé, et les envoya aux portes orientales de la ville, ordonnant qu'on lui amène avec égards les deux voyageurs qu'ils y rencontreraient.

Ils partirent, et, rencontrant Basile et Ebbulos à leur entrée en ville, ils les conduisirent à l'Archevêque. Le prélat fut stupéfait à leur vue, car ils étaient exactement ceux qu'il avait vus en rêve, et il glorifia Dieu. Il leur demanda d'où ils venaient et qui ils étaient puis, lorsqu'il sut ce qu'il voulait savoir, il ordonna qu'on les nourrisse et qu'on leur accorde l'hospitalité. Lui-même, convoquant son clergé et les notables, raconta ce qu'on lui avait annoncé au sujet de Basile dans le rêve inspiré par Dieu. Alors le clergé s'exclama d'une seule voix : “Puisque Dieu t'a indiqué ton successeur en récompense de ta vie vertueuse, fais pour lui ce qui te semble le mieux, car cet homme que la volonté de Dieu désigne directement est vraiment digne de respect”.

Après cela, l'Archevêque convoqua Basile et Ebbulos auprès de lui; et il entreprit de discuter des Ecritures avec eux afin d'évaluer ce qu'ils comprenaient. En écoutant leurs paroles il fut surpris par la profondeur de leur sagesse. Il les garda près de lui et les traita avec le plus grand respect. Bien que vivant à Césarée, Basile menait le style de vie que lui avaient enseigné les ascètes lors de ses voyages en Egypte, en Palestine, en Syrie et en Mésopotamie ou qu'il avait observé chez les pères ascètes de ces régions. Imitant ainsi leurs vies, il fut un bon moine, et Eusèbe, l'Archevêque de Césarée, l'ordonna à la prêtrise puis le nomma instructeur des moines de Césarée. Ayant reçu le rang de prêtre, saint Basile consacra tout son temps au labeur de son ministère, au point qu'il en oublia même de correspondre avec ses amis d'autrefois. La charge des moines qu'il avait rassemblés, l'enseignement de la Parole de Dieu, ainsi que d'autres soucis pastoraux, ne lui permettaient pas de se distraire par d'autres occupations. De plus, il ne tarda pas à acquérir dans ce nouveau domaine une compétance dont l'Archevêque lui-même ne bénéficiait pas car il ne possédait pas suffisamment d'expérience dans les matières ecclésiastiques, ayant été élu à l'évêché de Césarée alors qu'il était encore un catéchumène. Moins d'une année s'écoula après l'ordination de Basile à la prêtrise avant que l'Archevêque Eusèbe, par faiblesse humaine, ne se mette à l'envier et à éprouver des sentiments malveillants envers lui. Saint Basile l'apprit et, ne souhaitant pas être une cause de jalousie, il partit pour le désert du Pont.

 

Les luttes de saint Basile dans le désert.

Dans le désert du Pont, Basile se retira près de la rivière Iris, à l'endroit où sa mère Emmélie et sa sœur Macrine avaient vécu dans la solitude, et qui leur appartenait. Macrine y avait érigé un couvent. Basile construisit son habitation tout près de là, au pied d'une haute montagne, recouverte de forêt dense et arrosée de ruisseaux froids et limpides. La solitude sauvage du désert plaisait tant à Basile qu'il se proposa d'y finir ses jours. Il y copia les combats des grands hommes qu'il avait rencontrés en Syrie et en Egypte.

Ascète, il travaillait dans une extrême pauvreté, avec pour seuls vêtements une tunique et une cape. La nuit, afin que cela ne se voie pas, il portait également un cilice. Il se nourrissait de pain et d'eau, une maigre pitance que venaient améliorer du sel et des tubercules. C'était une abstinence si sévère qu'il s'affaiblit, devint pâle et maigre. Il ne se rendait jamais aux bains, ni n'allumait de feu. Cependant Basile ne se contentait pas de vivre pour lui-même : il avait réuni autour de lui une communauté de moines, et par ses lettres avait même attiré son ami Grégoire dans le désert.

Dans leur solitude, Basile et Grégoire accomplissaient tout ensemble : ils priaient ensemble; tous deux renoncèrent à la littérature de ce siècle, sur laquelle ils avaient passé tant de temps auparavant, et ils se mirent à étudier exclusivement les Saintes Ecritures. Souhaitant les mieux connaître, ils lisaient les écrits des pères et écrivains d'autrefois, notamment ceux d'Origène. Ainsi Basile et Grégoire, instruits par le Saint Esprit, rédigèrent les règles de la vie communautaire monastique que les moines de l'Eglise Orientale suivent encore en grande partie.

En ce qui concernait la vie du corps, Basile et Grégoire trouvaient habituellement satisfaction dans l'endurance : ils travaillaient de leurs mains, portant du bois ou soulevant de lourds fardeaux, à tel point qu'ils en conservèrent des cals aux mains longtemps après. Leur habitation n'avait ni toit ni porte; on n'y trouvait jamais ni feu ni fumée. Le pain qu'ils mangeaient était si sec et mal cuit que l'on parvenait à peine à le mâcher.

 

Saint Basile appelle à combattre les Ariens.

Le temps vint, cependant, où Basile et Grégoire durent quitter le désert, car l'Eglise, qui était alors confrontée aux hérétiques, avait besoin de leurs services. Le père de Grégoire, l'évêque Grégoire de Naziance, qui était déjà d'un âge avancé qui l'empêchait de combattre les hérétiques avec suffisamment de force, rappela son fils près de lui afin qu'il vienne en aide aux Orthodoxes. Et Eusèbe, Archevêque de Césarée, persuada Basile de revenir à ses côtés, après s'être réconcilié avec lui dans une lettre lui demandant son aide pour l'Eglise, que les Ariens se préparaient à combattre. Saint Basile, voyant l'Eglise dans un tel besoin, et La préférant à la vie dans le désert, abandonna sa réclusion pour se rendre à Césarée où il combattit avec ardeur pour la défense de la Foi Orthodoxe contre l'hérésie par ses discours et ses écrits. Et lorsque l'Archevêque Eusèbe remit son âme à Dieu dans les bras de Basile, Basile fut élevé à la cathèdre archépiscopale par un conseil d'évêques, parmi lesquels se trouvait le vieux Grégoire, le père de Grégoire le Théologien. Bien que faible et amoindri par les ans, il avait ordonné qu'on le porte à Césarée afin de convaincre Basile d'accepter l'archépiscopat et d’empêcher l'arrivée d'un Arien à la chaire.

Basile gouverna avec succès l'Eglise du Christ, et ordonna son frère Pierre à la prêtrise, afin qu'il puisse l'aider dans ses travaux pour le bien de l'Eglise; plus tard il le consacra évêque de la ville de Sébaste. C'est alors que leur mère, la bienheureuse Emmélie, alla rejoindre le Seigneur après avoir vécu plus de quatre-vingts-dix ans.

 

Saint Basile compose sa Liturgie.

Au bout de plusieurs années, saint Basile demanda à Dieu d'éclairer son jugement, afin qu'il puisse célébrer l'offrande du sacrifice non sanglant à Dieu avec ses propres mots, et que la grâce de l'Esprit Saint lui soit envoyée pour l'accomplissement de cette tâche. Au septième jour après cela, tandis que Basile se tenait devant l'autel de l'église et commençait à préparer le pain et le calice, le Seigneur Lui-même lui apparut avec Ses Apôtres et déclara : “Qu'il soit fait selon ta demande; ta bouche s'emplira de louanges et tu accompliras le sacrifice non sanglant en prononçant tes propres paroles”. Ensuite Basile se mit à dire et à écrire ces mots : “Que ma bouche s'emplisse de louanges, afin que je puisse chanter Ta gloire,” “Seigneur notre Dieu, Qui nous a créés et nous a amenés à cette vie” et les autres prières de la Divine Liturgie. Lorsqu'il eut fini de prier, il leva le pain, priant avec ferveur en ces mots : “Seigneur Jésus Christ notre Dieu, écoute depuis Ta sainte Demeure, depuis le Trône de la Gloire de Ton Royaume, et sanctifie-nous, Toi Qui sièges avec le Père au Plus Haut des Cieux, mais Qui demeure parmi nous invisiblement; et par Ta main, accorde-nous le don de Ton Corps très-pur et de Ton Sang précieux, et par nous à tout Ton peuple”. Lorsque le saint hiérarque se fut ainsi exprimé, Ebbulos et le haut clergé aperçurent une lumière céleste illuminant le sanctuaire et l'évêque, et des hommes rayonnants, vêtus de blanc, entouraient saint Basile. A cette vue ils furent frappés d'une grande stupeur, et ils se prosternèrent en versant des larmes et en rendant gloire à Dieu.

Alors Basile convoqua un maître-orfèvre et lui ordonna de confectionner une colombe d'or pur, à l'image de la Colombe apparue (au-dessus du Seigneur) au Jourdain. Il la suspendit au-dessus du saint autel où elle servirait de réceptacle des saints Mystères.

 

Le Juif qui se convertit.

Par des signes miraculeux, le Seigneur Dieu témoignait de la sainteté de Basile de son vivant même. Ainsi un jour, alors qu'il célébrait la divine liturgie, un Juif qui souhaitait apprendre en quoi consistait les saints Mystères se joignit au reste des croyants en se faisant passer pour un Chrétien. En entrant dans l'église, il vit saint Basile tenant dans ses mains un enfant et le partageant en plusieurs morceaux. Quand les fidèles vinrent communier près du Saint, le Juif s'approcha aussi, et le saint hiérarque lui donna une part des saints Dons comme il l'avait fait avec le reste des Chrétiens. En les prenant dans sa main, le Juif vit qu'il s'agissait véritablement de chair, et en s'approchant du calice il s'aperçut qu'il contenait réellement du sang. Il cacha une partie de la sainte Communion, et de retour chez lui il la montra à sa femme en racontant ce qu'il avait vu de ses propres yeux. Comprenant que les Mystères Chrétiens sont véritablement terribles et glorieux, il se rendit auprès de saint Basile le lendemain matin pour le supplier de le juger digne du saint Baptême. Alors Basile rendit grâce à Dieu et baptisa aussitôt le Juif et toute sa famille.

 

La femme dans le besoin.

Un jour, alors que le Saint se promenait dans la rue, une pauvre femme, victime d'un officier du gouvernement, se jeta aux pieds de Basile et le supplia d'écrire en son nom à cet officier, car elle estimait que l'évêque était une personne que son oppresseur respectait beaucoup. Le saint, prenant une feuille de parchemin, écrivit ceci à l'officier : “Cette pauvre femme est venue me trouver en disant que ma lettre avait une grande importance pour toi. S'il en est ainsi, prouve-le par des faits, et montre toi clément envers cette pauvre femme”. Après avoir écrit ces mots, le saint homme tendit le papier à la pauvre femme, et elle le porta à l'officier. L'homme lut la lettre, puis rédigea une réponse au saint : “En accord avec ta lettre, saint père, je souhaiterais me montrer clément envers cette femme, mais je ne puis l'être car elle est redevable de l'impôt universel”. A nouveau le saint lui écrivit : “C’est bien si tu souhaitais (être clément) sans le pouvoir; mais si tu le pouvais et ne l’as pas voulu, Dieu te placera parmi ceux qui sont dans le besoin, de sorte que tu ne pourras pas accomplir ce que tu désires”. Les mots du saint hiérarque furent rapidement suivis d'effet : peu de temps après, l'empereur se fâcha contre cet officier, car il apprit que celui-ci infligeait de grandes brimades à la population, et il le fit emprisonner jusqu'à ce qu'il eût remboursé ceux qu'il avait opprimés. L'officier envoya de la prison une pétition à saint Basile, pour qu'il prenne pitié de lui et amène l'empereur à la compassion par sa médiation. Basile se hâta d'aller implorer l'empereur en son nom, et en six jours intervint un décrêt délivrant l'officier de sa condamnation. L'officier, voyant combien le saint homme avait été bon envers lui , s'empressa de lui exprimer sa gratitude, et il rendit à la pauvre femme en question le double de ce qu'il lui devait.

 

Mort de l'empereur apostat Julien.

Pendant que Basile le Grand, cet Elu de Dieu, luttait vaillamment à Césarée, en Cappadoce, pour la sainte Foi du Christ, l'Empereur Julien l'Apostat, blasphémateur et grand persécuteur des Chrétiens qui se vantait qu'il les détruirait, avançait avec son armée contre les Perses. Saint Basile pria alors à l'église devant l'icône de la Très Sainte Mère de Dieu, au pied de laquelle se trouvait également une icône du saint Mégalomartyr Mercure, représenté en guerrier portant une lance. Il pria pour que Dieu ne permette pas que Julien, ce tyran qui persécutait les Chrétiens, revienne vivant de la guerre contre les Perses. Aussitôt il vit que l'image de saint Mercure, qui se trouvait près de celle de la Très Sainte Mère de Dieu, changeait d'apparence et disparaissait. Un peu plus tard, le martyr réapparut, sa lance ensanglantée. Au même moment Julien fut transpercé au milieu de sa bataille contre les Perses par le saint martyr Mercure que la Toute Pure Vierge Theotokos avait envoyé pour fendre l'ennemi de Dieu.

 

Le diacre qui chancela.

Le don de grâce de saint Basile le Grand était tel que lorsqu'il levait les saints Dons pendant la liturgie, la colombe d'or suspendue au-dessus de l'autel qui contenait les saints Dons, mûe par la puissance de Dieu, remuait trois fois. Un jour, alors que Basile célébrait et élevait les saints Dons, le tremblement habituel de la colombe, annonciateur de la descente du Saint Esprit, n'eut pas lieu. Lorsque Basile se demanda pourquoi, il vit que l'un des diacres qui portaient les ripidia observait une femme de l'assemblée. Basile ordonna au diacre de quitter le saint sanctuaire et lui imposa pénitence : il devait jeûner et prier pendant sept jours, passer des nuits entières à veiller dans la prière et distribuer ses biens en aumône pour les pauvres. Par la suite Basile ordonna qu'un rideau soit tiré et qu'une cloison soit construite devant le sanctuaire, afin qu'aucune femme ne puisse regarder à l'intérieur pendant l’accomplissement de l’office divin. Il commanda d’exclure de l’église ceux qui refuseraient d'obéir et de les priver de la sainte communion.

 

Persécution de l'Empereur Valens.

Alors que saint Basile était évêque, l'Eglise du Christ fut troublée par l'Empereur Valens, qui était aveuglé par l'hérésie d'Arius. Il retira de leur siège plusieurs évêques orthodoxes pour installer des Ariens à leur place; quant aux autres, timorés et craintifs, ils furent forcés de le joindre dans son hérésie. Il éprouva une grande colère, et se tourmenta intérieurement, de voir que Basile demeurait sans crainte sur son trône, pilier inamovible de la Foi Orthodoxe, et qu'il en renforcait d'autres en les exhortant à rejeter cette doctrine fausse et détestable à Dieu qu'était l'arianisme. Tandis qu'il voyageait dans son royaume, opprimant terriblement les Orthodoxes sur son passage, l'Empereur qui faisait route vers Antioche s'arrêta à Césarée. Il tenta par tous les moyens possibles de faire pencher Basile du côté des Ariens. Il encouragea chefs militaires, nobles et conseillers à persuader Basile d'accéder au désir de l'Empereur par des prières, des promesse, et même des menaces, si nécessaire. Et tous ceux qui soutenaient l'Empereur tentèrent énergiquement de convaincre saint Basile. De plus, certaines dames de la noblesse en faveur auprès du souverain envoyèrent leurs eunuques au Saint, en lui conseillant instamment d'épouser les opinions de l'Empereur. Mais personne ne fut capable d'inciter le hiérarque, inébranlable dans sa Foi, à s'éloigner de l'Orthodoxie. Finalement, l'éparque Modeste convoqua Basile. Voyant que ce dernier se montrait peu enclin à se laisser persuader par de fausses promesses d'abandonner l'Orthodoxie, il le menaça de la confiscation de ses biens, du bannissement, de la mort. A ces menaces le saint homme répondit fièrement : “Si tu t'empares de mes biens, tu n'en tireras aucune richesse toi-même, ni ne feras de moi un pauvre. Je doute que tu aies besoin de mes vieux vêtements et de mes quelques livres, qui sont mes seules richesse. L'exil ne représente rien pour moi, car je ne suis attaché nulle part; là où je suis ne m'appartient pas, et quelque lieu où tu m'envoies sera toujours chez moi. Pour être exact, tout lieu est celui de Dieu. Où ne serai-je pas un étranger de passage (Ps. 38:13) ? Et qui pourra me torturer ? Je suis si faible que le premier coup me rendra insensible. La mort est pour moi une bénédiction, car elle me conduira d'autant plus tôt à Dieu, pour Qui je vis et peine, et vers Qui depuis longtemps je me hâte !”.

  Stupéfait par ces paroles, le gouverneur dit à Basile : “personne ne m'avait parlé avec autant d'audace auparavant !”

“Bien sûr, répondit le saint hiérarque. C'est parce que tu n'as jamais eu l'occasion de parler avec un évêque auparavant. En toute chose nous montrons douceur et humilité; mais lorsqu'il est question de Dieu, et que l'on ose s'élever contre Lui, alors, abandonnant tout, nous ne regardons que Lui, et le feu, l'épée, les bêtes féroces et les verges de fer propres à rompre le corps, au lieu de nous effrayer, nous emplissent de joie”.

En rapportant à Valens l'intransigence et l'intrépidité de saint Basile, Modeste s'exclama : “Nous sommes vaincus par ce chef de l'Eglise. Cet hommes est au-dessus des menaces, plus résolu que ses arguments, il est plus fort que la persuasion”.

Par la suite, l'Empereur interdit que l'on vint déranger Basile. Sans entrer en communion avec lui, car il avait honte de se montrer indécis, il attendit une meilleure justification.

La fête de la Théophanie de notre Seigneur arriva. Avec son entourage, l'Empereur pénétra dans l'église où servait Basile. En se joignant ainsi au peuple, il espérait montrer une apparence d'unité avec l'Eglise. Admirant Sa magnificence et l'ordre qui y régnait, il participa aux litanies et aux prières des fidèles. Il était émerveillé car il n'avait jamais vu tant d'ordre et de splendeur dans les églises ariennes. Saint Basile s'approcha de l'Empereur et commença à parler avec lui pour lui enseigner les saintes Ecritures. Il se trouva que saint Grégoire le Théologien était présent et assista à la conversation et la relata. A partir de ce jour, l'Empereur eut de meilleures relations avec Basile. Mais lorsqu'il repartit pour Antioche, sa colère envers Basile reprit. Incité par des hommes malveillants dont il écoutait les dénonciations, il condamna Basile à l'exil. Mais lorsque l'Empereur voulut signer la sentence, le trône sur lequel il était assis trembla, et la plume avec laquelle il s'apprêtait à signer se fendit en deux. L'Empereur prit une autre plume, mais celle-ci se cassa aussi; la même chose se produisit avec la troisième. Puis sa main se mit à trembler et il fut pris de peur. Y voyant un signe de la puissance de Dieu, l'Empereur déchira la feuille en petits morceaux. Mais les ennemis de l'Orthodoxie recommencèrent à harceler l'Empereur afin qu'il ne laisse pas Basile en paix. Un noble nommé Anastase fut dépêché par l'Empereur pour ramener Basile à Antioche. Lorsque cet homme arriva à Césarée et informa Basile de l'ordre de l'Empereur, le saint homme répondit : “Mon enfant, il y quelques temps j'ai appris que l'Empereur, sur le conseil d'hommes sots, a cassé trois plumes en essayant de signer le décrêt de mon emprisonnement, et ainsi recouvrir la vérité d'obscurité. Des plumes inanimées ralentirent sa hâte importune, et préférèrent se rompre plutôt que de servir d'instrument à son injuste sentence”.

Conduit à Antioche, Basile fut amené devant le tribunal du gouverneur et, lorsqu'on lui demanda pourquoi il confessait une foi autre que celle de l'Empereur, il répondit : “Il ne sera jamais dit que j'ai abandonné la véritable Foi Chrétienne pour devenir un adepte des enseignements impies d'Arius, car j'ai hérité des Pères la foi dans la consubstantialité (des Personnes de la Trinité), que je confesse et glorifie”.

Le juge le menaça de mort, mais Basile répondit : “A quoi bon ? Laissez moi souffrir pour la vérité, et je serai libéré des liens du corps. Il y a longtemps que je le souhaite; seulement ne rétracte pas ta promesse”.

Le gouverneur informa l'Empereur que Basile ne craignait pas les menaces, que ses exhortations ne le faisaient pas changer d'avis, et que son cœur était ferme et inébranlable. Ecumant de rage, l'Empereur chercha un moyen de détruire Basile. Mais exactement au même moment Galate, le fils de l'Empereur, tomba soudain malade, et les médecins de la cour le laissèrent pour mort. Sa mère, exaspérée, alla trouver l'Empereur en disant : “C'est parce que ta foi est incorrecte et que tu persécutes un hiérarque de Dieu que notre enfant se meurt !”

Entendant cela Valens convoqua Basile et lui dit : “Si l'enseignement de ta Foi plait à Dieu, alors sauve mon fils par tes prières”.

Le saint homme répondit par ces mots : “ Empereur, si tu te convertis à la Foi Orthodoxe et accorde le repos à l'Eglise, ton fils restera en vie”. Une fois que l'Empereur l'eut promis, saint Basile adressa une supplication à Dieu, et le Seigneur envoya à l'enfant royal la délivrance de sa maladie. Ensuite Basile retourna sur sa chaire avec tous les honneurs. Mais les Ariens, entendant et voyant cela, emportés par l'envie et la malice, dirent à l'Empereur : “Nous aurions pu en faire autant !”

Et ils aveuglèrent à nouveau l'Empereur de sorte qu'il ne les empêcha pas de baptiser son fils. Lorsque les Ariens prirent l'enfant impérial pour le baptiser, il mourut subitement dans leurs bras. Anastase, dont il a été question plus haut, fut témoin de la scène, et il raconta à l'Empereur Valentinien, Empereur d'Occident et frère de Valens, Empereur d'Orient, ce qui s'était produit. Valentinien fut émerveillé par un tel miracle et il rendit gloire à Dieu. Par l'intermédiaire d'Anastase il envoya à saint Basile de grands cadeaux dont Basile se servit pour faire construire des hôpitaux dans son diocèse, procurant ainsi un abri pour nombre de pauvres et de nécessiteux.

Saint Grégoire ajoute que saint Basile alla jusqu'à guérir l'éparque Modeste, qui avait été si sévère avec lui, d'une grave maladie, lorsque celui-ci vint humblement, dans son infirmité, chercher l'aide de ses saintes prières.

 

Saint Basile défend la veuve Vestiane.

Lorsqu'un certain temps se fut écoulé, Modeste fut remplacé au siège d'éparque par un proche de l'Empereur nommé Eusèbe. Or en ce temps-là vivait à Césarée une veuve nommée Vestiane, fille de l'ancien sénateur Araxus, qui était jeune, riche et très belle. Eusèbe voulut forcer cette veuve à épouser un personnage officiel, mais celle-ci ne souhaitait pas se remarier, afin de rester chaste et de préserver la pureté de son veuvage pour la gloire de Dieu. Lorsqu'elle apprit qu'on avait entrepris de la marier contre son gré, elle se réfugia à l'église où elle se jeta aux pieds du hiérarque de Dieu qu'était Basile. Il la prit sous sa protection, refusant de la rendre à ceux qui venaient la chercher dans l'église, et plus tard il l'envoya secrètement dans le couvent de vierges dirigé par sa sœur, la vénérable Macrine. En proie à une rage violente contre Basile, l'éparque envoya des soldats à l'église pour en arracher la jeune femme par la force. Comme ils ne la trouvaient nulle part, Eusèbe ordonna qu'on aille la chercher dans la propre chambre de saint Basile. Etant lui-même un homme immoral, l'éparque pensait que Basile, dans des intentions pécheresses, la gardait pour lui-même et la cachait dans sa chambre. Cependant, comme on ne l'y trouva pas, il convoqua Basile, l'injuria et le menaça de torture s'il ne rendait pas la veuve. Mais saint Basile se montra prêt à souffrir la torture. “En ordonnant qu'on me lacère le corps avec des crochets de fer, déclara-til, tu traiteras mon foie qui, comme tu peux le voir, m'indispose beaucoup”.

Apprenant alors ce qui commençait à s'ébruiter, la ville accourut au palais de l'éparque - non seulement des hommes, mais aussi des femmes - des armes et des gourdins à la main, dans l'intention de tuer le gouverneur par amour pour leur pasteur et saint père. Si Basile n'avait pas apaisé la population, ils l'auraient véritablement tué. En voyant leur grande colère, terrifié, l'éparque laissa le saint homme sain et sauf.

L'esclave qui renonça au Christ.

Hellade, homme saint et vertueux, qui fut témoin des miracles de Basile et lui succéda sur la cathèdre épiscopale, raconte ce qui suit : Un sénateur orthodoxe du nom de Protère, en visite sur les Lieux Saints, conçut l'intention de dédier sa fille au service de Dieu, dans un couvent. Mais le Malin, qui a toujours détesté ce qui est bon, incita à l'un des serviteurs de Proterius une passion pour la fille de son maître. Lorsqu'il vit l'inflexibilité des intentions de son maître, et n'osant dire un mot de sa passion pour la jeune fille, l'esclave se rendit chez un sorcier de la ville et lui raconta sa peine. Il promit beaucoup d'or au sorcier s'il lui permettait d'épouser la fille de son maître grâce à sa magie. Le sorcier refusa d'abord, puis il dit : “Si tu le souhaites, je vais t'envoyer à mon maître, le diable; il t'aidera dans cette affaire si tu acceptes d'obéir à sa volonté”.

L'infortuné serviteur répondit : “Je promets d'accomplir tout ce qu'il m'ordonnera de faire”.

“Renonceras-tu au Christ par écrit ?”

Le serviteur dit : “Je suis prêt à le faire si je reçois ce que je souhaite”.

“Si tu veux faire une telle promesse, dit le sorcier, je vais t'aider”.

Alors il s'empara d'une feuille de parchemin et écrivit à l'intention du diable : “Puisque, Maître, mon devoir est de tenter de détourner les hommes de la Foi Chrétienne et de les amener sous ton autorité afin d'augmenter le nombre de tes sujets, je t'envoie aujourd'hui le porteur de cette lettre, un homme passionnément épris d'une jeune fille. En son nom je te demande de ne pas lui refuser ton aide pour qu'il obtienne ce qu'il désire. Ainsi je serai moi aussi glorifié, et je t'apporterai davantage d'adorateurs”.

Lorsqu'il eut fini sa lettre au diable, le sorcier la donna au jeune homme et le renvoya avec les instrictions suivantes : “A la nuit tombée, rends-toi au cimetière païen et montre cette feuille; alors apparaîtront ceux qui te conduiront au diable”.

L'infortuné serviteur partit rapidement et, une fois dans le cimétière il convoqua les démons. Ausitôt les esprits malins apparurent devant lui et conduisirent le malheureux dupe jusqu'à leur prince. Le serviteur l'aperçut, installé sur un trône élevé, et lui tendit la lettre du sorcier. Le diable prit la lettre et demanda : “Crois-tu en moi ?”

Le serviteur répondit : “Je crois”.

Puis le diable demanda encore : “Renonces-tu au Christ ?”

“Je renonce à Lui”, répondit l'homme.

Alors Satan lui dit : “Souvent vous me trompez, vous les Chrétiens. Lorsque vous avez besoin de mon aide vous venez me voir, mais une fois que vous avez obtenu ce que vous vouliez, vous renoncez encore à moi et retournez à votre Christ qui, comme Il est bon et aime l'homme, vous accepte. Donne-moi la preuve écrite que tu renonces au Christ et à ton baptême de ton plein gré et que tu promets d'être à moi à jamais, et qu'au jour du jugement tu souffriras les tourments éternels avec moi. Ce n'est qu'à cette condition que je ferai ce que tu demandes”.

Le serviteur prit une feuille et y écrivit ce que demandait le diable. Alors, le destructeur des âmes, ce vieux serpent, envoya les démons de la fornication éveiller chez la jeune fille un amour pour le jeune homme si puissant que sous l'emprise de sa passion charnelle elle se jeta aux pieds de son père en s'écriant : “Aie pitié de moi ! Aie pitié de ta fille, et accorde-moi d'épouser notre serviteur, dont je suis passionnément amoureuse. Si tu refuses de faire cela pour moi, ta fille unique, tu me verras bientôt mourir dans d'affreux tourments dont tu devras répondre au jour du jugement !”

Le père fut effrayé d'entendre cela, et il se lamenta. “Pauvre de moi, pécheur ! Qu'est-il arrivé à ma fille ? Je souhaitais unir ma fille à l'Epoux divin, afin qu'elle soit pareille aux anges et qu'elle rende gloire à Dieu par des psaumes et des hymnes, et par amour pour toi j'avais espéré recevoir le salut. Mais tu réclames effrontément le mariage ! Ne me conduis pas aux Enfers par la douleur, mon enfant, ne déshonore pas ton noble rang en épousant un esclave !”

Mais elle ne tint pas compte des paroles de son père et insista : “Si tu ne fais pas ce que je souhaite, je mettrai fin à mes jours”.

Sur les conseils de ses proches et amis, son père, qui ne savait que faire, décida d'accéder à sa requête plutôt que de la voir mourir d'une mort atroce. Il convoqua son serviteur pour lui donner sa fille en mariage, et lui accorda de grands biens. Il dit à sa fille : “Vas, marie-toi, misérable ! Mais je pense que tu te repentiras de ta conduite, car elle ne t'apportera rien de bon !”

Quelque temps après la célébration du mariage, lorsque l'acte diabolique fut accompli, on remarqua que le nouveau marié ne se rendait pas à l'église pour y recevoir les saints Mystères, et sa malheureuse épouse en fut informée.

“Peut-être ignores-tu, dirent-ils, que le mari que tu as toi-même choisi n'est pas chrétien, qu'il n'appartient pas à la Foi du Christ ?”

Elle fut extrêmement peinée d'entendre cela. Elle se jeta à terre et se mit à se griffer le visage, à se frapper sans cesse la poitrine, et elle s'écria à voix haute : “Quiconque a désobéi à ses parents ne peut être sauvé ! Qui annoncera ma disgrâce à mon père ? Pauvre de moi, misérable que je suis ! Dans quelle perdition suis-je tombée ? Pourquoi suis-je seulement née, et pourquoi n'ai-je pas péri à ma naissance ?”

En l'entendant se lamenter ainsi, son mari accourut auprès d'elle et lui demanda la raison de ses lamentations. Elle le lui expliqua, et il la consola en lui disant qu'on lui avait menti à son sujet. Il l'assura qu'il était chrétien. En partie réconfortée par ces paroles, elle dit : “Si tu souhaites que j'en sois certaine et que la peine quitte mon âme infortunée, accompagne-moi à l'église demain matin et reçois les Mystères très purs en ma présence; alors je te croirai”.

Son malheureux époux, voyant qu'il ne pouvait cacher la vérité, fut malgré lui forcé de lui avouer : il s'était voué au diable. Alors, oubliant sa faiblesse de femme, elle se rendit chez saint Basile et lui dit : “Prends pitié de moi, disciple du Christ ! Prends pitié de celle qui a désobéi à la volonté de son père et qui a été vaincue par une tromperie diabolique !” Et elle lui raconta en détail ce que son mari avait fait.

Le saint homme convoqua son mari et lui demanda si elle avait dit vrai à son sujet. En pleurant il avoua : “Oui, hiérarque de Dieu. C'est l'entière vérité ! Et même si je devais me taire, mes actes le proclameraient pour moi !” Il raconta alors tout ce qui lui était arrivé et comment il s'était voué aux démons.

Le saint homme demanda : “Souhaites-tu rejoindre le Seigneur Jésus Christ à nouveau ?”

“Oui, je le souhaite, mais je ne le peux pas“, répondit-il.

“Pourquoi donc ?” demanda Basile.

“Parce que, expliqua l'homme, j'ai donné une preuve écrite de ce que je renonçais au Christ et me vouais au diable”.

Mais Basile dit : “Ne te désole pas pour cela, car Dieu aime l'homme et accueille ceux qui se repentent”.

Et sa femme se jeta aux pieds du saint homme, le suppliant en ces mots : “Disciple du Christ, aide-nous comme tu le peux !”

Alors le Saint dit au serviteur : “Crois-tu que tu peux être sauvé ?” Et il lui répondit : “Je le crois, Monseigneur; aide mon peu de foi !”

Ensuite le Saint, le prenant par la main, fit le signe de la croix sur lui et l'enferma dans une salle situé dans l'enceinte de l'église en lui ordonnant de prier Dieu sans discontinuer. Il passa trois jours ainsi en prière, puis vint visiter le pénitent et lui demanda : “Comment te sens-tu mon enfant ?”

“Je suis dans le plus malheureux des états, maître, répondit l'homme. Je ne supporte pas les cris des démons, leurs flèches et leurs coups de lance, ni la peur que j'ai d'eux. Car les démons tiennent à la main ma déclaration et se moquent de moi en disant ‘Tu es venu à nous, maintenant nous venons à toi’”.

Après lui avoir donné un peu de nourriture, Basile fit le signe de la croix sur lui et l'enferma à nouveau. Quelques jours plus tard il lui rendit à nouveau visite et dit : “Comment vas-tu, mon enfant ?”

L'homme répondit : “J'entends leurs cris et leurs menaces de loin, et je ne les vois plus”.

Et Basile, après lui avoir donné un peu de nourriture et prié pour lui, l'enferma encore et partit. Plus tard, au quarantième jour, il vint le voir et demanda : “Comment vas-tu, mon enfant ?” Et le serviteur répondit : “Bien, saint père, car je t'ai vu en rêve. Tu livrais bataille pour moi et tu as vaincu le diable”.

Après avoir dit une prière, le Saint le délivra de sa réclusion et le conduisit dans sa cellule. Au matin il convoqua le clergé de l'église, les moines et tous ceux qui aimaient le Christ et dit : “Rendons gloire à Dieu, qui aime l'homme, mes frères, car voyez ! Le bon Pasteur souhaite maintenant prendre sur Son épaule une brebis égarée et la ramener dans l'Eglise ! Cette nuit nous devons absolument implorer Sa bonté pour qu'Il vainque et fasse honte à l'ennemi de nos âmes”.

Les fidèles se rassemblèrent dans l'église et prièrent toute la nuit pour le pénitent en criant : “Seigneur aie pitié !” Lorsque l'aube se leva, Basile prit l'homme repentant par la main et l'emmena rejoindre la foule dans l'église en chantant des hymnes et des psaumes. Par ses pouvoirs pernicieux le diable sans vergogne s'y introduisit invisiblement car il voulait arracher le jeune homme des mains du Saint. L'homme se mit à crier : “Saint hiérarque de Dieu, aide-moi !” Mais le diable s'était armé de tant d'audace et d'effronterie contre le jeune homme qu’afin de l’entraîner avec lui, il fit mal à saint Basile lui-même. Alors le saint homme s'adressa au Malin en ces termes : “Impudent destructeur des âmes, prince des ténèbres et de perdition ! Ta propre perdition, celle que tu as infligée à toi et aux tiens, ne te suffit-elle donc pas ? Ne cesseras-tu donc jamais de persécuter les créatures de Dieu ? Le diable cria : “Tu m'offenses, Basile !” Beaucoup entendirent la voix diabolique. Le saint hiérarque dit : “Le Seigneur te réprimande, Diable !” A nouveau le malin lui dit : “Tu m'offenses, Basile ! Apprends que ce n'est pas moi qui suis venu à lui, mais lui à moi. Il a renoncé au Christ en faisant le serment par écrit, par cette feuille que j'ai à la mains et que je montrerai au Juge suprême le jour du jugement !” Basile dit alors : “Béni soit le Seigneur mon Dieu ! Ces gens ne cesseront de lever leurs mains au ciel tant que tu n'auras pas rendu ce papier !” Puis, se tournant vers la foule, le saint homme s'écria : “Levez les mains au ciel et proclamez ‘Seigneur aie pitié ! ’’ Lorsque le peuple eut levé les mains au ciel et longuement proclamé “Seigneur aie pitié” la feuille signée par le jeune homme fut transportée, à la vue de tous, droit dans les mains du saint hiérarque Basile. Ayant pris le document, il se réjouit grandement et rendit grâce à Dieu. Afin que tous puissent l'entendre, il dit au jeune homme : “Reconnais-tu ce document, mon frère ?” Le jeune homme dit : “Oui, hiérarque de Dieu, ce document est de moi; je l'ai redigé de mes propres mains”. Basile le déchira immédiatement en deux, en présence de tous, puis, conduisant le jeune homme dans l'église, il le fit communier aux divins Mystères et donna un banquet pour toute l'assistance. Ensuite, après avoir fait des recommandations au jeune homme et lui avoir fourni des règles de vie convenables, il le rendit à sa femme; et il glorifia et rendit longuement grâce à Dieu.

 

Le saint prêtre Anastase.

Le même Helladius raconta ce qui suit sur saint Basile.

Un jour, notre père Basile, éclairé par la grâce divine, dit à son clergé : « Venez avec moi mes enfants, nous verrons la gloire de Dieu et dans le même temps nous glorifierons notre Maître ! » Cela dit, nous avons quitté la ville, mais personne ne savait où il souhaitait aller. En ce temps-là, vivaient dans un village un prêtre nommé Anastase et sa femme Theognia. Pendant quarante ans ils avaient vécu ensemble chastement, et beaucoup pensaient que Theognia était stérile, car ils ignoraient leur pure chasteté, gardée secrète. Pour cette sainte vie, Anastase fut jugé digne de recevoir la grâce de l’Esprit de Dieu et devint clairvoyant. Apprenant par l’Esprit que Basile souhaitait lui rendre visite, il dit à Theognia :  « Je vais cultiver le champ. Toi, ma soeur, fais le ménage dans la maison. Puis, à la neuvième heure du jour, lorsque tu auras allumé les lampes, vas au-devant du saint Archevêque Basile, car il vient rendre visite aux pécheurs que nous sommes. »

Elle fut surprise des paroles de son maître, mais accomplit ses ordres. Lorsque saint Basile ne fut plus qu’à une courte distance de la maison d’Anastase, Theognia vint l’accueillir et lui rendit hommage. « Es-tu en bonne santé, dame Theognia ? » Demanda Basile. Elle s’effraya de l’entendre l’appeler par son nom et dit :  « Je suis en bonne santé, saint Maître ! » Et le saint homme lui dit alors : « Où est le seigneur Anastase, ton frère ? » Elle répondit : « Il n’est pas mon frère, mais mon mari ; il est parti dans les champs. » Basile dit : « Il en est revenu ; ne sois pas consternée ! » Elle fut encore plus effrayée d’entendre cela, car elle comprit que le saint avait pénétré leur secret. Elle se jeta aux pieds du saint homme en tremblant et dit : « Saint Hiérarque de Dieu, prie pour moi, femme pécheresse, car je vois que tu peux faire ce qui est grand et merveilleux ! » Et le hiérarque pria pour elle et poursuivit son chemin.

Lorsqu’il entra dans la maison du prêtre, Anastase lui-même l’accueillit et baisa ses pieds. « D’où vient-il que le saint hiérarque de mon Seigneur vienne à moi ? » Et le hiérarque, l’embrassant en Christ, dit : « Il est bon que je t’ai trouvé, disciple du Christ ; viens à l’église et célébrons le service de Dieu. »

Le prêtre avait l’habitude de jeûner tous les jours de la semaine, à l’exception des samedis et dimanches, et il ne touchait à rien d’autre que du pain et de l’eau. Lorsqu’ils arrivèrent à l’église, Basile ordonna à Anastase de servir la liturgie, et ce dernier déclina en disant : « Tu sais, Maître, ce qu’il est dit dans les Ecritures : Le moindre est béni par celui qui est plus grand[Heb. VII, 7] » Mais Basile lui dit : « A toutes tes autres bonnes oeuvres, ajoute aussi l’obéissance. »

Alors qu’Anastase servait la liturgie, pendant l’élévation des saints Mystères, saint Basile et ceux qui en étaient dignes virent l’Esprit très-Saint descendre sous la forme d’un feu et entourer Anastase et la sainte Table. Lorsque le service divin fut conclu, tous se rendirent dans la maison d’Anastase, où il tint un banquet pour Basile et son clergé. Pendant le repas, le saint demanda au prêtre : « Dis-moi, quel trésor possèdes-tu ? Quel est ta manière de vivre ? » Le prêtre répondit : « Saint Hiérarque de Dieu, je suis pécheur et je supporte les impôts habituels. Je possède deux jougs de boeufs ; je travaille avec l’un et mon ouvrier se sert de l’autre. Ce que je reçois grâce à une paire de boeufs, je le dépense au soulagement des étrangers, et ce que je reçois grâce à l’autre sert au paiement des impôts. Ma femme travaille elle aussi avec moi, en nous servant les étrangers et moi. » Alors Basile lui dit : « Appelle-la plutôt ta soeur, car c’est ce qu’elle est en réalité, et parle-moi de tes vertus. » Anastase dit : « Je n’ai rien fait de vertueux sur la terre. » Saint Basile dit : « Levons-nous et marchons ensemble. » Une fois debout, ils se rendirent dans l’une des pièces de la maison.

« Ouvre-moi ces portes. » Dit Basile. « Non, Hiérarque de Dieu, dit Anastase, n’entre pas, car il n’y a rien là-dedans sinon les outils de la maison. » Mais Basile dit : « Mais je suis venu ici spécialement pour ces outils. » Comme le prêtre refusait pourtant d’ouvrir les portes, le saint homme les ouvrit par ses paroles, et il trouva en entrant un homme souffrant d’un cas terrible de lèpre. Plusieurs de ses membres étaient tombés après s’être putréfiés. Personne ne connaissait sa présence hormis le prêtre et sa femme. Alors Basile dit au prêtre : « Pourquoi souhaitais-tu me cacher ton trésor que voici ? » « Cet homme est furieux et querelleur, répondit le prêtre, et à cause de cela je redoutais de te le montrer, de peur qu’il n’offense ta sainteté par ses paroles. » Alors Basile dit : « C’est un bel exploit que tu accomplis ; mais permets-moi de lui donner des soins cette nuit, pour que je puisse recevoir une part de la récompense que tu auras. »

Et ainsi saint Basile resta seul avec le lépreux. Après s’être enfermé avec lui, il passa la nuit entière en prière. Au matin il le fit ressortir en bonne santé, ayant retrouvé tous ses membres. A la vue de ce miracle, le prêtre, sa femme et ceux qui étaient présents glorifièrent Dieu. Ensuite, Basile discuta amicalement avec le prêtre, instruisit l’assemblée, puis retourna chez lui.

 

La rencontre de saint Ephrem et de saint Basile.

Lorsque le vénérable saint Ephrem le Syrien, qui vivait dans le désert, entendit parler de saint Basile, il se mit à prier Dieu qu’Il lui montrât quelle sorte d’homme Basile était. Aussi, un jour, ayant atteint l’état d’extase spirituelle, il aperçut un pilier de feu qui s’élevait jusqu’au ciel, et il entendit une voix qui disait : « Ephrem ! Ephrem ! Tout comme ce pilier de feu, ainsi est Basile ! » Alors le vénérable Ephrem se mit immédiatement en route pour Césarée, accompagné d’un interprète car il n’entendait pas le grec, et il y arriva pour la fête de la Théophanie de Notre Seigneur. Il se tint à l’écart pour ne pas être remarqué, et il entr’aperçut saint Basile qui se rendait à l’église solennellement et en grand apparat, avec son clergé lui aussi paré de vêtements aux couleurs chatoyantes. Se tournant vers l’interprète qui l’avait accompagné, Ephrem dit :  « Il semble, mon frère, que nous ayons Ïuvré en vain, car cet homme est de rang élevé ; ce n’est pas ce que j’ai vu. »

Ephrem entra dans l’église et s’installa dans un coin hors de vue. Ç Ayant porté le fardeau de la journée et la chaleur [Mt. XX, 12], se dit-il, nous n’avons rien accompli, alors que cet homme, qui jouit de tant de gloire et d’honneur auprès de ces gens, est également un pilier de feu. J’ai peine à le croire ! »

Pendant que saint Ephrem songeait ainsi, saint Basile fut averti de sa présence par le Saint Esprit, et il envoya son archidiacre à lui en disant : « Vas aux portes occidentales de l’église ; tu y trouveras un moine installé à un coin de l’église avec un autre homme. Le moine est presque imberbe et de petite taille. Dis-lui de venir pénétrer dans le Sanctuaire, car l’archevêque l’appelle. » L’archidiacre, se frayant difficilement un chemin dans la foule, atteignit l’endroit où se tenait le vénérable Ephrem et dit : « Père, viens je t’en prie, et entre dans le Sanctuaire ; l’Archevêque t’y convie. » Mais Ephrem, apprenant par l’interprète ce que l’archidiacre avait dit, lui répondit : « Tu te trompes, mon frère ! Nous venons à peine d’arriver et sommes inconnus de l’Archevêque. » L’archidiacre alla rapporter cela à Basile, qui expliquait alors les saintes Ecritures au peuple. C’est alors que le vénérable Ephrem vit que de la bouche de saint Basile sortaient des flammes tandis qu’il parlait. Alors Basile dit à l’archidiacre : « Vas et dis au moine récemment arrivé : Seigneur Ephrem, je t’en implore, entre dans le Sanctuaire. L’archevêque t’y convie. » L’archidiacre partit et dit ce qu’on lui avait ordonné de dire. Ephrem en fut émerveillé et glorifia Dieu. Il se prosterna alors jusqu’à terre et s’écria : « Basile est grand en vérité ! En vérité il est un pilier de feu ! Le Saint Esprit parle réellement par sa bouche ! »

Il demanda alors à l’archidiacre d’informer l’Archevêque qu’une fois le service divin terminé il souhaitait le saluer et lui rendre ses hommages en privé. A la fin du service divin saint Basile entra dans la pièce où l’on gardait les saints Réceptacles, et il appela le vénérable Ephrem à lui pour l’embrasser en Christ. « Je te salue, père qui a accru le nombre des disciples du Seigneur dans le désert et qui en a chassé les démons par la force du Christ ! Pourquoi as-tu pris la peine de venir ici voir un pécheur, mon père ? Puisse le Seigneur récompenser ton oeuvre ! »

Grâce à son interprète, Ephrem répondit à Basile en lui disant tout ce qu’il avait dans le coeur, et avec son compagnon il reçut les Mystères Très Purs des mains de saint Basile. Ensuite, au domicile de Basile, ils s’assirent pour manger, et le vénérable Ephrem dit à saint Basile : « Très saint père, je ne te demande qu’une seule faveur, aies la bonté de me l’accorder ! » Basile le Grand lui répondit : «  Dis-moi ce dont tu as besoin. Je te suis très obligé d’avoir fait un tel effort, car c’est pour moi que tu as entrepris un aussi long trajet. » « Je sais, père, fit le justement honoré Ephrem, que Dieu t’accorde tout ce que tu Lui demandes, et j’aimerais que tu L’implores afin qu’Il me permette de parler grec. » Basile lui répondit : « Ta requête va au-delà de mes pouvoirs ; mais puisque tu le demandes avec confiance et loyauté, rendons-nous dans le temple du Seigneur, père digne d’honneur et instructeur du désert, et prions le Seigneur qui peut accomplir ton souhait, car il est écrit : Le désir de ceux qui Le craignent, Il l’exécutera, et Il entendra leur appel au secours, et Il les sauvera. [Ps. 144, 19]. » Choisissant une heure propice ils se mirent à prier dans l’église et passèrent un temps considérable en prières. Alors Basile le Grand dit : « Vénéré père, pourquoi n’acceptes-tu pas l’ordination à la prêtrise, car tu en es fort digne ? » « Car je suis un pécheur, maître ! » Répondit Ephrem par son interprète. « Si seulement je n’avais que tes péchés ! » dit Basile, ajoutant : « Prosternons-nous jusqu’à terre. » Une fois qu’ils se furent abaissés, saint Basile posa sa main sur la tête du vénérable Ephrem et prononça la prière consacrant l’ordination d’un diacre. Alors il dit au vénérable : « Maintenant donne l’ordre que nous nous relevions du sol. » A cet instant Ephrem se mit soudain à comprendre la langue grecque, et il dit en grec : « Secours-nous, sauve-nous, aie pitié de nous et garde-nous, ô Dieu, par Ta Grâce ! » Tous glorifièrent Dieu, qui avait donné à Ephrem la faculté de comprendre et de parler le grec. Le vénérable Ephrem resta près de Basile pendant trois jours remplis de joie spirituelle. Basile l’ordonna au diaconat et son interprète à la prêtrise, et il les renvoya dans la paix.

Saint Basile aide l’Eglise à Nicée.

Un jour, dans la ville de Nicée s’installa l’Empereur impie Valens, et les adeptes de l’hérésie d’Arius vinrent lui demander qu’il expulse les orthodoxes de la cathédrale de la ville pour la céder aux partisans ariens. Etant lui-même un hérétique, l’Empereur se plia à leur requête : il arracha par la force l’église aux orthodoxes et l’offrit aux ariens, puis il se rendit dans la cité impériale. La large communauté orthodoxe étant plongée dans l’affliction, saint Basile le Grand, soutien et protecteur universel de toutes les Eglises, arriva à Nicée, et la population orthodoxe tout entière vint à lui, gémissant et sanglotant, pour l’informer de l’offense commise contre eux par l’Empereur. Le saint homme, une fois qu’il les eut réconfortés de ses paroles, se rendit aussitôt chez l’Empereur à Constantinople, et se présenta devant lui en disant : « Le roi qui aime le jugement c’est toi ! [Ps. 98, 4] Comment as-tu pu prononcer une sentence injuste, toi l’Empereur, en chassant les orthodoxes de la sainte Eglise pour en confier l’administration à ceux dont le raisonnement est faux ? » L’Empereur lui dit : « Aurais-tu commencé à m’insulter, Basile ? Cela ne te ressemble pas de parler de la sorte ! » Et Basile répondit : « Il est pourtant de mon devoir de mourir pour la Vérité. » Tandis qu’ils se disputaient ainsi et s’opposaient l’un l’autre, il se trouva que le chef cuisinier de l’Empereur, un homme répondant au nom de Démosthène, les entendit. Souhaitant soutenir les ariens, il eut une parole grossière à l’encontre du saint. Le saint homme dit : « Regardez, voici Démosthène l’illettré ! » Piqué, le cuisinier lui répondit quelque chose, mais le saint dit : « Ton travail consiste à t’occuper de nourriture, et non des dogmes de l’Eglise ! » Et Démosthène, honteux, fut réduit au silence. L’Empereur en proie à la colère, sentant l’humiliation, dit à Basile : « Vas entendre leurs causes ; mais lorsque tu rendras ton jugement, évite d’aider ceux dont tu partages les croyances. » « Si je juge à tort, répondit le Saint, alors envoie-moi en prison, expulse ceux qui partagent ma Foi, et donne l’église aux ariens ! »

Après avoir obtenu le décret impérial, le saint homme retourna à Nicée, où il convoqua les ariens et leur dit : « Voyez, l’Empereur m’a donné autorité pour mener un procès entre vous et les orthodoxes au sujet de l’église que vous avez prise de force. » Ils lui répondirent en disant : « Juge donc, mais en accord avec le jugement de l’Empereur ! » Alors le saint leur dit : « Vous les ariens et vous les orthodoxes, venez et fermez l’église ; une fois fermée, apposez-lui chacun vos propres sceaux, et faites-y chacun monter la garde par un homme de confiance. Puis les ariens prieront les premiers, pendant trois jours et trois nuits, et ils se rendront ensuite à l’église. Si, par leurs prières, les portes de l’église s’ouvrent d’elles-mêmes, alors l’église vous appartiendra à jamais. Mais si cela ne se produit pas, alors nous prierons pendant une seule nuit et nous nous rendrons en procession à l’église, chantant des hymnes saints ; et si les portes s’ouvrent pour nous, alors nous en garderons le contrôle à jamais ; mais si elles ne s’ouvrent pas à nous, alors l’église sera encore à vous. »

La proposition plut aux ariens, mais les orthodoxes, remplis d’amertume, reprochèrent au saint de ne pas avoir jugé équitablement et d’avoir été influencé par sa crainte de l’Empereur. Lorsque les deux parties eurent soigneusement fermé l’église et y eurent apposé leurs sceaux, on fit monter la garde. Après avoir prié pendant trois jours et trois nuits, lorsque les ariens se présentèrent à l’église, rien de miraculeux ne se produisit. Ils restèrent là, en prière, depuis l’aube jusqu’à la sixième heure, debout et criant « Seigneur aie pitié ! », cependant les portes de l’église ne s’ouvrirent pas pour eux, et ils repartirent déçus. Alors Basile le Grand, ayant réuni tous les orthodoxes, y compris les femmes et les enfants, quitta la ville pour l’église du saint Martyr Diomède ; il y célébra des vigiles qui durèrent toute la nuit, puis à l’aube il se rendit avec toute l’assemblée à la cathédrale scellée en chantant : « Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous ! » S’arrêtant devant les portes de l’église il dit au peuple : « Levez vos mains et criez avec une ardeur sincère ‘Seigneur aie pitié !’ » Puis le saint homme ordonna que chacun se tût et, s’approchant des portes, il fit trois fois le signe de la Croix sur elle, en disant : « Béni soit le Dieu des Chrétiens, maintenant et toujours et aux siècles des siècles ! » Lorsque la population cria ‘Amen !’, la terre se mit soudain à trembler ; les serrures et les verrous se rompirent, les barres tombèrent, les sceaux se brisèrent, et les portes s’ouvrirent, comme projetées par un vent puissant ou une tempête, et allèrent heurter les murs. Alors saint Basile se mit à chanter : « Levez vos portes, princes ! Et élevez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera ! [Ps. 23, 7] » Il pénétra alors dans l’église avec une multitude d’orthodoxes, et après avoir célébré la divine Liturgie il renvoya le peuple dans la joie. Nombre d’ariens quittèrent l’erreur à la vue du miracle et s’unirent aux orthodoxes. Et lorsque l’Empereur apprit la judicieuse décision de Basile et le glorieux miracle qui s’était produit, il en fut grandement émerveillé et commença à dénigrer l’arianisme. Cependant, aveuglé par l’impiété, il ne se tourna pas vers l’Orthodoxie, et mourut misérablement par la suite. Quand il fut touché et blessé lors d’une bataille à Thrace, il s’enfuit et se cacha dans une grange où l’on entreposait du foin. Ses poursuivants encerclèrent la grange et y mirent le feu, de sorte que l’Empereur périt dans les flammes pour aller brûler dans celles qui ne s’éteindront jamais. La mort de l’Empereur survint l’année de la mort de notre saint père Basile.

Saint Pierre de Sébaste - Calomnie

Un jour le frère du saint, Pierre, évêque de Sébaste, fut calomnié devant saint Basile. Ses accusateurs prétendaient qu’il continuait à vivre avec sa femme, à laquelle il avait renoncé en acceptant la consécration épiscopale. Il n’est pas considéré convenable, en effet, qu’un évêque fût marié. Entendant cela, Basile dit : « Vous avez bien fait de me le dire. Je vous accompagne pour le blâmer. » Lorsque le saint atteignit la ville de Sébaste, Pierre apprit l’arrivée de son frère par l’intermédiaire du Saint Esprit, car il était rempli de l’Esprit de Dieu, et vivait avec sa femme non comme une épouse, mais comme avec une soeur, dans la chasteté. Alors il se rendit aux devants de saint Basile pour l’accueillir à un mille environ de la ville et, reconnaissant son frère qui approchait avec un grand nombre de compagnons, il sourit et dit : « Mon frère, pourquoi viens-tu vers moi comme vers un voleur ? » Ils s’embrassèrent dans le Christ, puis entrèrent dans la ville. Après avoir prié dans l’église des Quarante saints Martyrs, ils continuèrent jusqu’à la résidence épiscopale. Basile aperçut sa belle-soeur et dit : « Je te salue, ma soeur, ou, ce qu’il serait plus approprié de dire, salut à toi, épouse du Seigneur ! Car c’est pour toi que je suis venu jusqu’ici. » Elle répondit : « Salut à toi, honoré père ! Il y a longtemps que je désire baiser tes précieux pieds ! » Alors Basile dit à Pierre :  « Mon frère, je te demande de passer la nuit à l’église avec ta femme. » « Je ferai tout ce que tu m’ordonneras de faire », répondit Pierre

Lorsque la nuit fut tombée et que Pierre se fut rendu à l’église avec sa femme, saint Basile s’y rendit également avec cinq hommes de vertu. Vers minuit il éveilla ces hommes et leur dit : « Que voyez-vous au-dessus de mon frère et de ma belle-soeur ? » Ils répondirent : « Nous voyons les anges de Dieu les éventer et répandre de doux parfums sur leur couche restée pure. » Alors Basile leur dit : « Taisez-vous et ne dites à personne ce que vous avez vu. »

Au matin Basile ordonna au peuple de s’assembler dans l’église et d’y apporter un foyer de charbons ardents. Alors il dit : « Etends ton vêtement, honorable belle-soeur. » Lorsque ceci fut fait, le saint dit à ceux qui tenaient le brasero : « Répandez les charbons ardents sur ce vêtement. » Ils obéirent. Alors le saint homme dit à la soeur de son frère : « Garde ces charbons dans ton vêtement jusqu’à ce que je te le dise. » Il ordonna ensuite que de nouveaux charbons ardents soient apportés, et dit à son frère : « Mon frère, étends ton phelonion ! » Et lorsque ce fut fait Basile dit aux serviteurs : « Versez les charbons du brasero sur le phelonion. » Et ils les versèrent. Lorsque Pierre et sa femme eurent porté les charbons sur eux pendant longtemps, sans souffrir le moins du monde, la population, émerveillée de ce qu’elle voyait, dit :  « Le Seigneur préserve Ses saints et leur apporte Ses bienfaits sur terre ! » Lorsque Pierre et sa femme jetèrent les charbons à terre, aucune odeur de fumée ou de brûlé n’émana d’eux, et leurs vêtements n’avaient pas noirci. Alors Basile ordonna aux cinq hommes de vertu mentionnés ci-dessus de raconter ce qu’ils avaient vu, et ils dirent à la foule qu’ils avaient vu les anges de Dieu dans l’église, survolant le lit du bienheureux Pierre et de sa femme et répandant de doux parfums sur leur couche restée pure. Alors tous rendirent gloire à Dieu qui innocentait Ses saints des mensonges calomnieux des hommes.

 

Saint Basile pardonne la femme repentante.

Au temps de notre vénérable père Basile, il vivait à Césarée une veuve de lignée prestigieuse et dotée d’une immense fortune ; vivant dans la volupté et la satisfaction de son corps, elle était entièrement l’esclave du péché, et pendant de nombreuses années elle céda à l’impureté de la fornication. Mais Dieu, qui souhaite le repentir de tous, toucha son coeur de Sa grâce, et la femme commença à se repentir de sa vie dissolue. Un jour qu’elle était seule elle songea à la multitude innombrable de ses péchés et se lamenta ainsi de son sort : « Pauvre de moi, femme pécheresse et prodigue ! Comment pourrai-je seulement répondre des péchés que j’ai commis devant le Juge impartial ? J’ai souillé mon corps et pollué mon âme ! Pauvre de moi, la plus accablée des femmes pécheresses ! A qui puis-je me comparer ? A la courtisane ou au publicain ? Personne n’a autant péché que moi ! Et ce qui est particulièrement grave, j’ai commis la plupart de mes péchés après avoir reçu le baptême. Qui peut me dire si Dieu acceptera mon repentir ? »

Tandis qu’elle se lamentait ainsi, elle songea à tout ce qu’elle avait fait, depuis sa jeunesse jusqu’à ses vieux jours, et elle s’assit pour l’écrire sur une feuille de parchemin. Lorsqu’elle eut fini, elle écrivit son péché le plus sérieux et scella le parchemin avec un sceau de plomb. Puis, choisissant une heure à laquelle saint Basile se rendait à l’église, elle accourut à lui et se jeta à ses pieds, son rouleau à la main, en disant : « Aie pitié de moi, saint hiérarque de Dieu ! Personne n’a péché autant que moi ! » Le saint s’arrêta et lui demanda ce qu’elle désirait de lui ; elle plaça le rouleau scellé dans ses mains et dit : « Voici, maître, j’ai écrit mes péchés et mes iniquités sur ce parchemin et je l’ai scellé. Ne le lis pas, élu de Dieu, et n’en brise pas le sceau, mais efface-les par tes prières, car je crois que Celui qui m’a envoyé cette pensée prêtera l’oreille lorsque tu prieras en mon nom. » Basile prit le rouleau et leva les yeux au ciel en disant : « Seigneur, pour Toi seul toute chose est possible. Car si Tu as pris sur Toi les péchés du monde entier, alors Tu es capable d’effacer les transgressions d’une seule âme, car bien que Tu enregistres tous les péchés, Ta miséricorde est infinie et impénétrable. »

Après avoir dit cela saint Basile entra dans l’église en tenant le rouleau à la main ; il s’agenouilla devant la sainte Table et passa la nuit à prier pour cette femme. Au matin, après la célébration du service divin, le saint hiérarque convoqua la femme et lui rendit le rouleau scellé dans l’état dans lequel il l’avait reçu, et il lui dit :  « Tu as entendu, femme: Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ?’ [Mc. II, 7] ». Elle répondit : « J’ai entendu, honoré père ; et c’est pourquoi je suis venue te déranger en te demandant d’implorer Sa bonté. » Après avoir dit cela, la femme ouvrit le rouleau et vit que tous les péchés qu’elle avait inscrits avaient été effacés, mais le plus grave, celui qu’elle avait écrit après tous les autres, était resté. Voyant cela la femme fut frappée de crainte et, se martelant la poitrine, elle tomba aux pieds du saint en s’écriant : « Aie pitié de moi, Serviteur du Dieu très Haut ; comme tu as été miséricordieux pour toutes mes iniquités et as imploré Dieu pour elles, invoque-Le pour que ce dernier soit complètement effacé lui aussi ! »

L’archevêque versa des larmes de pitié pour elle et dit : « Lève-toi, femme ! Je suis moi-même un pécheur, et j’ai besoin de miséricorde et de pardon. Celui qui a effacé tous tes péchés peut également effacer celui qui est resté. Si à l’avenir tu te tiens éloignée du péché et marches dans la Voie du Seigneur, tu seras non seulement pardonnée, mais tu seras aussi jugée digne de la glorification céleste. Voici ce que je te conseille : vas dans le désert. Tu y trouveras un saint homme du nom d’Ephrem. Donne-lui ton parchemin et demande-lui de supplier Dieu qui aime l’homme d’avoir pitié de toi. »

Suivant le conseil du saint, la femme se rendit dans le désert et, après avoir voyagé très loin, elle trouva enfin la cellule du bienheureux Ephrem. Elle frappa à la porte en disant :  « Père vénérable, aie pitié de moi, femme pécheresse ! » Saint Ephrem, conscient par l’Esprit du but de la femme qui était venue à lui, lui répondit en disant : « Eloigne-toi de moi, femme, car je suis un pécheur, et j’ai besoin de l’aide des autres ! » Alors elle posa le rouleau devant lui et dit : « L’archevêque Basile m’a envoyée à toi, afin qu’en priant le Seigneur tu puisses effacer le péché que j’ai écrit sur ce rouleau. Le reste de mes péchés a été effacé ; ne refuse pas de prier pour ce péché, car on m’a envoyée à toi ! » Le vénérable Ephrem dit : « Non, mon enfant ; celui qui a su implorer Dieu pour tes nombreux péchés saura d’autant mieux L’implorer pour un seul. Aussi hâte-toi, hâte-toi sans tarder, afin de le trouver parmi les vivants avant qu’il n’aille rejoindre le Seigneur ! » Alors la femme, s’étant inclinée devant le vénérable Ephrem, retourna à Césarée. Mais elle y arriva alors qu’ils enterraient saint Basile, car il était décédé, et ils portaient son corps saint à l’endroit de l’enterrement. Rencontrant la procession funèbre la femme se lamenta bruyamment et se jeta à terre. Elle s’adressa au saint comme s’il était encore vivant en disant : « Pauvre de moi, saint hiérarque de Dieu ! Pauvre de toi, malheureuse ! Pourquoi m’as-tu envoyée dans le désert ? Afin que tu puisses quitter ton corps sans être importunée par moi ? Vois, je reviens les mains vides, après avoir fait un voyage pénible dans le désert, en vain. Que Dieu voie cela, et qu’Il juge entre nous car toi qui avais la capacité de m’aider tu m’as envoyée à un autre ! »

Pleurant ainsi elle déposa le rouleau sur le cercueil du saint et raconta son malheur à la population. L’un des membres du clergé, souhaitant voir ce qui était écrit sur le rouleau, le prit, le déroula, et n’y trouva pas le moindre mot écrit : le parchemin était entièrement vierge. « Il n’y a rien d’écrit là-dessus, dit-il à la femme, tu te lamentes en vain, ignorant l’ineffable amour de Dieu pour l’homme qui s’est manifesté pour toi ! » Et toute la population, voyant ce miracle, rendit gloire à Dieu qui avait conféré un tel pouvoir à Son serviteur, même après sa mort.

 

Conversion du docteur juif et mort de saint Basile.

A Césarée vivait un Juif du nom de Joseph. Il était si habile dans la science de la médecine qu’il pouvait déterminer, en observant le flux du sang dans les veines, le jour du décès imminent du malade de trois à cinq jours à l’avance, et il établissait même l’heure exacte de la mort. A l’approche de son départ pour le Christ, notre père Basile, qui craignait Dieu, invitait souvent Joseph, qu’il aimait beaucoup, pour discuter ; il essayait de le convaincre d’abandonner la religion juive et d’accepter le saint baptême. Mais Joseph refusait en disant : « Je souhaite mourir dans la foi qui m’a vu naître. » Le saint lui disait : « Crois-moi : ni toi ni moi ne mourrons tant que tu ne seras pas né de l’eau et de l’Esprit [Jn. III, 5] ; car sans cette grâce il est impossible d’entrer dans le Royaume de Dieu. Tes pères ne furent-ils pas baptisés par la nuée et la mer [cf. I Cor. X, 1] ? N’ont-ils pas bu à la pierre qui préfigura la Pierre spirituelle, le Christ, qui naquit d’une Vierge pour notre salut ? Ce Christ que tes ancêtres ont crucifié, mais Qui, après avoir été enterré, S’est relevé des morts au troisième jour et Qui est monté aux Cieux où Il siège à la droite du Père, et d’où Il viendra juger les vivants et les morts ? » Le saint homme lui raconta tout cela et bien d’autres choses utiles à l’âme ; mais le Juif resta néanmoins dans son incroyance. Lorsque vint l’heure de la mort du saint, il tomba malade et convoqua près de lui le Juif, comme s’il avait eu besoin d’assistance médicale, et lui dit : « Que peux-tu dire de moi, Joseph ? » Après avoir examiné le saint homme, le physicien dit à ses serviteurs : « Préparez ses funérailles, car sa mort est imminente. » Mais Basile dit : « Tu ne sais pas ce que tu dis ! » Le Juif répondit : « Crois-moi, maître, tu ne verras pas le coucher du soleil ! » Alors Basile lui dit : « Mais si je reste en vie jusqu’au matin, jusqu’à la sixième heure, que feras-tu ? » Joseph répondit : « Alors c’est moi qui mourrai ! » « Oui, fit le saint, meurs ; mais meurs au péché, que tu puisses vivre pour Dieu ! » « Je sais de quoi tu parles, maître, dit le Juif, et écoute ! Je te promets que si tu vis jusqu’au matin, je ferai ce que tu souhaites. » Alors saint Basile pria Dieu d’allonger sa vie jusqu’au matin pour le salut de l’âme du Juif, et il reçut ce qu’il demandait. Au matin il l’envoya chercher, mais le Juif ne put en croire ses oreilles lorsqu’il apprit que Basile était toujours vivant ; il vint le voir persuadé qu’il était déjà mort. Lorsqu’il vit qu’il était réellement en vie, il entra en extase et, se jetant aux pieds du saint, il dit avec une émotion sincère : « Grand est le Dieu des Chrétiens ; il n’y a pas d’autre Dieu que Lui ! Je renonce au judaïsme, qui est haïssable à Dieu, et me convertis à la vraie Foi chrétienne ! Ordonne, saint père, que je sois baptisé sur le champ, moi et toute ma maison ! »

Saint Basile lui dit alors : « Je te baptiserai moi-même de mes propres mains. » Le Juif s’approcha de lui, toucha la main droite du saint et dit : « Tes forces déclinent, maître, et tu es très faible ; tu ne peux pas me baptiser toi-même ! » « Nous avons un Créateur pour nous apporter la Force, » répondit Basile. Il se leva et entra dans l’église où, en présence de tous, il baptisa le Juif et sa maison entière ; il le nomma Jean et, servant lui-même la liturgie ce jour-là, il le fit communier aux divins Mystères. Après avoir instruit le nouveau baptisé sur la vie éternelle, et adressé un message d’adieu à ses brebis dotées de raison, le saint hiérarque demeura dans l’église jusqu’à la neuvième heure. Alors, ayant accordé un dernier baiser et son pardon à tous, il rendit grâce à Dieu pour tous Ses ineffables bienfaits ; et, ses paroles d’action de grâce encore aux lèvres, il rendit son âme au Seigneur. Le hiérarque et grand et ardent défenseur alla rejoindre les autres hiérarques et propagateurs de l’Evangile le 1er Janvier de l’an 379, sous le règne de Gratien, qui avait succédé à son père Valentinien.

Saint Basile avait dirigé l’Eglise de Dieu pendant 8 ans, 6 mois et 16 jours, et vécu jusqu’à l’âge de 49 ans.

L’ancien Juif nouvellement baptisé, voyant le saint homme sans vie, tomba face contre terre en pleurant et dit : « Vraiment Basile, Serviteur de Dieu, tu ne serais pas mort maintenant si tu ne l’avais pas souhaité toi-même ! »

Les funérailles de saint Basile furent un grand événement, qui montra l’immense respect dont il jouissait. Les Chrétiens, mais aussi les Juifs et les païens, se ruèrent en foule dans les rues et tentèrent de se frayer un chemin jusqu’à la dépouille du hiérarque. Saint Grégoire le Théologien arriva pour les funérailles de saint Basile et pleura longuement le saint homme. Les hiérarques rassemblés à Césarée chantèrent les hymnes funéraires et enterrèrent les précieuses reliques de Basile, le Grand Elu de Dieu, dans l’Eglise du saint Martyr Eupsyque, louant Dieu qui est Un dans la Trinité, à Qui revient la gloire à jamais. Amen.

 


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