LA CONFESSION
Une étude de C. Lopez sur l'ouvrage du Métropolite Antoine KHRAPOVITSKY publié à Varsovie en 1928 et traduit en anglais par HOLY TRINITY MONASTERY, Jordanville, N.Y., USA,1975.Le Métropolite Antoine, premier hiérarque de l'Eglise Russe à l'Etranger, théologien remarquable et homme d'Eglise d'une haute stature, expose en vingt-deux chapitres et d'une manière magistrale le mystère de la confession. Il mentionne tout d'abord la grande responsabilité et l'immense tâche du prêtre dans l'administration de la confession et indique que le prêtre doit être à même de fournir au pénitent une aide spirituelle, la confession n'étant pas une simple formalité mais un processus de cure spirituelle. Le prêtre doit donc acquérir une grande expérience spirituelle afin de pouvoir offrir son aide spirituelle. Il demande au pasteur de se souvenir de ses propres chutes et péchés afin d'avoir vis-à-vis du pénitent des paroles pleines de compassion, essence de la grâce dans la prêtrise. Cette thérapie spirituelle est plus importante que toutes les autres tâches du prêtre. Il expose ensuite la joie qui peut naître de la régénération d'un enfant spirituel. En montrant un amour sincère pour le pénitent, le confesseur peut changer sa vie. Il doit se battre sans cesse pour acquérir la compassion véritable. Si cela est possible, il doit s'efforcer de faire des sermons exhortant à la pénitence et à la confession - par la citation des canons par exemple et en incitant ses ouailles à lire les canons de prières avant la communion -. Le prêtre doit s'exercer sur sa propre âme, l'observer et observer les autres avec amour, lire la Sainte Bible, le Synaxaire, la Philocalie des Pères Neptiques. Il doit être absorbé par cette thérapie spirituelle, ses lectures et son expérience propre travaillant ensemble au bien commun. L'incrédulité étant la pire des maladies spirituelles, le Métropolite Antoine essaie d'indiquer comment "défaire", ce que l'air du temps, la philosophie ambiante, des lectures pernicieuses ont pu bâtir sur une foi faible. Il traite aussi des doutes involontaires et des pensées blasphématoires involontaires (1) qui ne sont pas le fruit de la haine envers Dieu mais des combinaisons fortuites de mots et de sons dans l'imagination et qui ne sont pas d'après les Pères un péché (2). Le prêtre doit aussi aider le pénitent à confesser ses péchés et quelquefois l'aider par la question : "Est-il un péché que tu ne peux te résoudre à confesser ?" Cela permet ainsi à certains péchés enfouis dans la gangue des années et de la honte de surgir et d'apporter la guérison spirituelle. Il convient pour cela qu'un grand amour et une grande sympathie ( au sens premier de souffrir avec) montre que le prêtre est au côté du pénitent, ménageant son amour-propre et le questionnant par rapport aux Dix Commandements. La compassion aidant, le pénitent voyant que le prêtre souffre avec lui et ne veut que sa guérison, le prêtre parlera de l'infinie miséricorde de Dieu l'aidant à ne pas tomber dans le désespoir. Le confesseur devra aussi veiller à ce que le pénitent ne cède pas à la tentation de l'auto-justification et se considère comme un "juste", c'est là l'exact opposé de l'acédie ou du désespoir: le pécheur n'a pas vraiment conscience ou aucune conscience de sa faute, qu'il explique toujours sans s'impliquer. Le sentiment d'être pécheur, plutôt que celui d'être d'une grande vertu, est ce qui distingue ceux qui sont sur la voie du salut de ceux qui vont à la perdition. St Ephrem le Syrien et tous les Pères pleuraient sans discontinuer sur leurs péchés. L'illusion spirituelle ou "prelest" est le piège par excellence des "gens pieux" qui s'imaginent être choisis par Dieu ou favorisés par Lui. Le prêtre doit s'efforcer d'ouvrir les yeux de tels aveugles spirituels. "Même les ascètes zélés dans les monastères sont quelquefois sujets à cette illusion spirituelle, mais bien sûr, les laïcs qui sont zélés dans leurs observances ascétiques extérieures en sont plus souvent les victimes. Ils s'imaginent avoir des visons divines, ou du moins des rêves inspirés par la grâce. Dans tous les événements de leur vie, ils voient des directions spéciales et intentionnelles de Dieu ou de leur Ange Gardien et puis alors, s'imaginent être élus de Dieu et quelquefois essaient de prédire l'avenir. Les Saints Pères s'armèrent toujours farouchement contre cette maladie de l'illusion spirituelle (3)." A propos des visions, le Métropolite rappelle que les Pères discernaient celles venant de Dieu par la présence de Croix. Il mentionne aussi que les gens atteints de cette maladie spirituelle, se mettent facilement en colère lorsqu'on exprime des doutes et c'est là qu'il convient de leur indiquer que selon les Pères la colère ou l'irritation liées à la narration d'une vision sont un signe infaillible de son origine diabolique. La colère est aussi une maladie de l'âme. Ce sont les doux qui hériteront la terre. "L'action même de la colère est une chute " dit Jésus Fils de Sirach.La colère est souvent liée à l'orgueil et à la vaine gloire. "J'ai vu dans un monastère, dit un Starets, un frère encore jeune mais renommé pour ces luttes ascétiques et pour sa gentillesse. Il fut devant mes yeux offensé et même insulté mais il resta tout le temps silencieusement calme et même l'expression de son visage ne changea pas le moins du monde. "Frère, qui t'a appris à être aussi doux, lui demandai-je ému jusqu' à la componction. Sont-ils vraiment dignes de ma colère? répondit-il. Ce ne sont pas des hommes, ce sont seulement de beaux chiens et ils ne sont pas dignes que je sois troublé par eux. " Alors ma joie - continua le Starets- se changea en profond chagrin pour ce frère en péril et je m'en fus loin de lui avec horreur, priant pour lui et pour moi-même." Il est nécessaire de lutter contre l'orgueil par des actes qui lui sont opposés. Il est plus spécialement important dans ce cas de se forcer - ainsi que nous l'avons dit précédemmment - à demander pardon à ceux que nous avons offensés"(4). Le chapitre suivant traite des manquements liés au VIIème commandement. Le confesseur insistera sur les dommages causés à l'âme par la dépravation et montrera combien la fornication et l'adultère sont liés en fait à l'incrédulité bien plus qu'à une prétendue exigence impérieuse des sens. L'ivresse, soeur de la débauche est combattue par un changement radical de vie, quelquefois par l'astreinte à un dur travail, semblable à celui que fit le Fils prodigue avant de retrouver la Maison du Père. L'acédie est particulièrement néfaste pour l'âme quand elle rejette la consolation offerte par Dieu. Après avoir soigneusement éliminé les facteurs purement physiques qui pourraient être en cause, le confesseur s'attaquera à cet esprit de découragement et de vanité de toute chose qu'est l'acédie. Cet état vient souvent d'une passion secrète - Saul devint mélancolique parce qu'il était envieux-. Si cette passion n'est pas découverte par le pénitent, qui confesse ne plus pouvoir prier, il faut lui conseiller de demander à Dieu aide et pardon et alors l'esprit d'acédie le quittera. Il lui sera conseillé de se tourner vers les autres avec amour et compassion, humilité et patience et par l'amour mutuel et la sympathie, il apprendra même à consoler les autres. "L'acédie est une sorte de vide ou de fanaison de l'âme et l'amour compassionné d'une âme saine, continuée en union en Dieu, peut emplir le vide de cette âme malade. Quelquefois une simple bonne parole et la promesse de prier pour la personne qui souffre inonde immédiatement son âme de joie et elle est libérée du sentiment oppressif de solitude."(5) L'envie ou la jalousie est liée à un autre désir passionné. Un sentiment -faux- d'injustice y est lié. Le remède est dans l'application à voir dans la personne enviée ou jalousée, toutes bonnes choses et actions qui diminueront ainsi l'emprise de ce péché et en persévérant, le pénitent devra être persuadé qu'il arrivera à ne plus considérer personne comme un rival ou un ennemi. L'amour de l'argent est un péché difficile à comprendre pour les prêtres. L'amour de l'argent est souvent combiné avec une piété extérieure liée à l'illusion spirituelle. Pour distinguer entre l'avarice-passion et le désintéressement réel, questionner sur l'honnêteté, la joie d'aider les autres que peut procurer l'argent. Rappeler aussi l'amour de l'argent de Judas. Le Métropolite Antoine parle ensuite du combat nécessaire contre le péché et de la non moins grande nécessité d'approcher la confession dans un esprit de repentir véritable. " Le type de confession le plus indésirable est celui venant d'une personne [qui va se confesser] en se disant : "Il est impossible de vivre sans pécher. J'ai péché, et bien sûr, je pécherai encore mais il ne peut en être autrement. Pourquoi me désolerais-je des péchés que j'ai commis, lorsque je sais que demain je recommencerai à les commettre ? Je ne nie pas le sacrement de la Sainte Communion, mais je le reçois par obéissance à la doctrine chrétienne, je n'en ressens aucun effet bénéfique réel pour mon âme et je n'en ressentirai probablement jamais aucun. J'accepte que tout ce qui est taxé de péché dans l'Ecriture en soit un, je ne suis pas coupable de mensonge quand je m'accuse devant le prêtre d'être pécheur, mais je pense que si ces deux mystères - confession et communion - n'existaient pas, je ne serais ni meilleur ni pire que je ne le suis à présent, en les recevant tous les ans ou quatre fois l'an." Beaucoup de gens pensent ainsi, même s'ils n'expriment pas ouvertement une telle attitude et la majorité d'entre eux, et plus spécialement ceux qui n'ont pas d'éducation, ne serait pas capable de le faire."(6) Le confesseur doit réveiller chez le pénitent le souci du salut de son âme et cela peut se faire en particulier si le confesseur convainc celui qui se confesse de l'importance de tout péché pour le salut de son âme. Viennent ensuite trois chapitres consacrés aux péchés contre le prochain, contre Dieu et contre notre propre âme, mettant l'accent sur la nécessité de suivre le Sauveur et non la foule, le besoin d'une vie spirituelle pour éviter le péché. Il montre l'importance de l'assistance aux offices religieux dans l'Eglise et la nécessité de la prière personnelle chez soi. L'importance d'une vie centrée sur les offices de l'Eglise dans l'Eglise et d'une existence rythmée par le calendrier liturgique orthodoxe est évidente. Destiné aux confesseurs, ce livre du Métropolite Antoine peut s'avérer utile à ceux qui se confessent, tant il est vrai que tous, prêtres ou laïcs se confessent et qu'il n'y a pas dans notre Eglise d'église enseignante et d'église enseignée... " Quiconque commet un terrible péché et ne s'en repent pas devient comme Cain. Avant même qu'il ne réalise quelle chose terrible il a faite, il commence à ressentir un chagrin qu'il ne comprend tout d'abord pas, tout comme Saul. Il devient alors irritable et commence à trouver des défauts à tous ceux autour de lui, qui lui sont chers. L'affection de ses enfants, de sa femme, de ses parents ne le rend plus heureux mais lui devient un fardeau. S'il est engagé dans une occupation élevée, socialement ou intellectuellement, cela lui semble maintenant étranger à son âme: il voudrait échapper à lui-même, mais il ne peut le faire. Il est indubitablement difficile pour lui d'être avec ceux qu'il a criminellement trompés- sa femme par exemple s'il l'a trompée, ou son employeur, s'il l'a volé. Il recherche alors la solitude ou la compagnie de gens qui n'ont rien contre les choses qui pèsent sur sa conscience. Mais en tout cas, il recherche l'oubli et il peut le trouver pour un court répit, dans l'alcoolisme, seulement pour être ensuite plus écrasé par les reproches redoublés de sa conscience et demandant l'oubli à nouveau et encore : au fond il trouve le désespoir et souvent le suicide, la destruction éternelle de son âme, après quoi, même les prières de l'Eglise sont impuissantes. Bienheureux le pécheur, horrifié à temps par sa chute, qui l'admet devant le prêtre et demande pardon à ceux envers lesquels il est coupable. Mais plus profonde aura été la chute, plus endurcie sera l'âme et plus il lui sera difficile de s'humilier et de se repentir. Si maintenant vous êtes empli de sentiments de repentance, alors vous devriez réaliser qu'à chaque fois que vous répétez ou aggravez votre péché, le sentiment de repentir devient plus faible et s'enfuit de vous comme une ombre matinale. Il n'est pas fortuit que le pécheur dans l'Eglise même s'écrie douloureusement: " Je n'ai ni les pleurs, ni la repentance, ni la componction, mais Toi, ô Dieu Sauveur, accorde-les moi! (7)" Recherche les joie spirituelles, les joies du pur amour et de la conduite de rectitude. Force-toi à faire au moins quelque action pour accomplir ce commandement; prescris-toi un labeur pour la gloire de Dieu et le salut de ton âme, alors le péché perdra continuellement son attraction pour toi et enfin (et peut-être immédiatement) te paraîtra odieux car ainsi que l'écrit l'Apôtre:" Marche selon l'Esprit, et tu n'accompliras pas les oeuvres de la chair. (8) " Tout en prévenant ses enfants spirituels contre tout désir et toute demande à Dieu de miracles ou de visions, le prêtre doit leur rappeler que c'est devant Dieu qu'il convient de se tenir dans la prière. Et, ce qui est plus important encore, ils doivent se souvenir que si dans la prière nous levons les yeux vers Dieu, Lui le Seigneur abaisse son regard sur nous, sondant nos coeurs, lisant nos pensées et prenant soin de nos demandes et de nos paroles de louange. Cette pensée repousse toujours l'inattention et la distraction pendant qu'une personne prie. Car si une personne parlant à un Roi fait attention à chaque parole que dit le Roi et se pénètre de sa signification, se concentre, est remplie de respect, alors combien plus quiconque parle au Seigneur, sentant le regard de Celui Qui Voit Tout dirigé sur lui, sera empli d'un frisson de révérence et de sainte componction.(9) PRIERES DE CONFESSION (10) Prière de St Ephrem au Très Saint Esprit. O Seigneur, Roi Céleste, Consolateur, Esprit de Vérité, aie compassion et pitié de Ton serviteur pécheur et pardonne mon indignité, et pardonne-moi aussi tous les péchés que j'ai humainement commis aujourd'hui, et non seulement humainement mais d'une manière pire que celle des bêtes - mes péchés volontaires, connus ou inconnus commis depuis ma jeunesse et ceux venant de suggestions malignes ou de mon impudence et de mon ennui. Si j'ai juré par Ton Nom ou blasphémé en pensées, si j'ai blamé quelqu'un ou lui ai fait des reproches, si ma colère a porté atteinte à quelqu'un, l'a calomnié ou blessé, si je me suis mis en colère à propos de quelque chose, si j'ai dit un mensonge, si j'ai dormi sans nécessité, si un mendiant est venu vers moi et que je l'ai méprisé ou ignoré, si j'ai troublé mon frère ou me suis disputé avec lui, si j'ai condamné quiconque, si je me suis vanté, si j'ai été orgueilleux, si j'ai perdu mon calme avec quiconque, si lors de la prière, mon esprit a été distrait par l'attrait de ce monde, si j'ai eu des pensées dépravées, si j'ai trop mangé ou bien bu à l'excès, ou ri d'une manière frivole, si j'ai pensé au mal, si j'ai été attiré par quelqu'un et que cela m'ait blessé dans mon coeur, si j'ai dit des choses indécentes, si je me suis moqué du péché de mon frère quand mes propres fautes sont innombrables, si j'ai été négligent dans la prière, si j'ai commis quelque tort dont je ne puis me souvenir- car j'ai commis tout cela et plus encore- aie pitié ô mon Seigneur et Créateur, de moi Ton mauvais et inutile serviteur et absous, pardonne et délivre-moi dans Ta bonté et Ton amour pour les hommes afin que sensuel, pécheur et mauvais que je suis, je puisse m'étendre pour dormir et me reposer en paix. Et je vénère, je loue et glorifie Ton Nom très honorable avec le Père et Son Fils Unique, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen! Confession quotidienne des péchés. Je Te confesse, mon Seigneur , Dieu et Créateur, à Toi glorifié et adoré dans la Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint Esprit, tous les péchés que j'ai commis tous les jours de ma vie, à toute heure, maintenant et dans le passé, jour et nuit, en pensée, parole et action, par gloutonnerie, ivresse, paroles oiseuses, acédie, indolence, contradiction, négligence, agressivité, égoïsme, avarice, vol, mensonge, malhonnêteté, curiosité, jalousie, envie, colère, ressentiment et souvenir des injustices à mon égard, haine, esprit mercenaire et aussi par tous mes sens, la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher, et tous les autres péchés, spirituels et corporels par lesquels je T'ai irrité, mon Dieu et Créateur, et par lesquels j'ai causé des injustices à mon prochain. Triste à cette pensée, mais déterminé au repentir, je me tiens coupable devant Toi, mon Dieu. Aide-moi seulement mon Seigneur et Dieu, je T'en prie humblement par mes larmes. Pardonne-moi mes péchés passés par Ta miséricorde et absous moi de tout ce que j'ai confessé en Ta présence car Tu es Bon et Ami de l'homme. Amen! Notes 1) Le chapitre porte le titre "Dukhovnaya Mnitelnost" qui pourrait être traduit par le terme de Suspicion spirituelle 2) Cf la brochure de St Dimitri de Rostov " Pensées Blasphématoires " 3) Metropolite Antoine, op. cit. p. 44. 4) Métropolite Antoine, op. cit. , p. 57 5) Idem p. 78 6) Op. cit. p. 88 7) Grand Canon, Ode 2, Tropaire 25 8) Métropolite Antoine, Op. cit. pp. 100-101 9) Idem pp. 102-103 10) in PRAYER BOOK, HOLY TRINITY MONASTERY, JORDANVILLE, USA, 1979, pp.44-46 & 54-55 |
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