Homélie sur Zachée

 


Homélie sur Zachée

Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la vile. Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, cherchait à voir qui était Jésus; mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là. Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, Il leva les yeux et lui dit :   « Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que Je demeure aujourd'hui dans ta maison». Zachée se hâta de descendre, et Le reçut avec joie. Voyant cela, tous murmuraient, et disaient : « Il est allé loger chez un homme pécheur ». Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : « Voici, seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple ». Jésus lui dit : « Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu »  (Luc 19 : 1-10).
Qui était donc Zachée ? Il était le chef des publicains, "le doyen des publicains". L'opposition habituelle entre l'humble publicain et l'orgueilleux pharisien estompe souvent dans notre esprit les traits caractéristiques de ces deux figures. Afin de comprendre correctement l'Évangile, nous devons avoir une image claire de qui ils étaient.
Les pharisiens étaient en réalité des justes. Si appeler de nos jours quelqu'un "pharisien" sonne comme une condamnation, au temps du Christ et pendant la première décade de la Chrétienté ce n'était pas le cas. Au contraire, l'apôtre Paul confesse publiquement devant les Juifs: «Je suis un pharisien, fils d'un pharisien... »  (Acte 23:6).
Et plus tard, aux chrétiens, à ses enfants spirituels, il écrit: «Je suis de la souche d'Israël, de la tribu de Benjamin, un Hébreu parmi les Hébreu, respectueux de la loi, un pharisien »  (Phil.3:5).
À part le saint apôtre Paul, beaucoup d'autres pharisiens devinrent Chrétiens: Joseph, Nicodème, Gamaliel. Les pharisiens (en Hébreu ancien: perusim, en Araméen: pherisim, qui signifie "autre", ceux qui sont séparés, à part) étaient les zélotes de la loi Divine. Ils "se reposaient sur la Loi", en d'autres termes, ils méditaient sur elle continuellement, ils l'aimaient et s'efforçaient de l'accomplir exactement, ils la prêchaient et l'interprétaient. La raison pour laquelle le Seigneur censure les pharisiens tient à ce qu'Il veut les avertir qu'ils rendent vains aux yeux de Dieu toute leur lutte, tous leur bons efforts, les réduisent à néant, et s'attirent la condamnation et non pas la bénédiction divine, en s'exaltant avec fierté de leurs justes actions et, principalement, en jugeant leur prochain. Un exemple frappant de ceci nous est donné par le pharisien de la parabole qui dit : «Dieu, je Te remercie de ce que je ne suis pas comme cet autre homme»  (Luc 18:11).
Par contraste, les publicains étaient vraiment des pécheurs, violant les lois fondamentales du Seigneur.
Les publicains étaient les collecteurs des taxes auprès des Hébreux pour le compte des Romains. Nous devons nous remémorer que les Juifs, conscients de leur position exclusive d'élection divine, se glorifiaient d'être "la semence d'Abraham, et de n'avoir jamais été esclave de quiconque" (Jean 8:33).
Mais maintenant, en résultat de circonstances historiques bien connues, ils se retrouvaient eux-mêmes en sujétion, esclaves d'un peuple fier, brutal, un peuple "de fer", les Romains païens. Et le joug de cet esclavage devenait de plus en plus lourd et de plus en plus douloureux.
Le signe le plus tangible et évident de cette sujétion et de cet esclavage des Juifs soumis aux Romains était le paiement à leurs maîtres de toute sorte de taxes, de tributs. Pour les Juifs, comme pour les peuples de l'Antiquité, apporter le tribut était la part la plus symbolique de la sujétion. Et les Romains qui traitaient sans aucune vergogne les peuples soumis, exigeaient brutalement et impérieusement d'eux à la fois les taxes habituelles mais aussi des supplémentaires.
Naturellement les Juifs payaient avec haine et dégoût. Ce n'est pas sans raison que les scribes, voulant compromettre notre Seigneur aux yeux de Son peuple, Lui demandèrent: «Est-il légal de payer tribut à César?» (Matt. 22:17). Ils savaient que si le Christ répondait de ne pas payer tribut à César, il leur serait aisé de L'accuser devant les Romains, et d'autre part s'Il répondait qu'il était nécessaire de payer tribut, Il aurait été compromis sans espoir au yeux du peuple.
Tant que les Romains administraient la Judée par l'intermédiaire de rois locaux, comme Hérode, Archelaüs, Agrippa et d'autres, cette servitude à Rome, et tout spécialement l'obligation de payer les taxes, était en quelque sorte atténuée pour les Juifs par le fait qu'ils n'étaient sujets de Rome qu'indirectement et payaient leur tribut à leur rois, qui à leur tour comme sujet payait Rome.
Mais juste avant que le Christ ne commence Son ministère, il y eut un changement dans le système de gouvernement de la Judée. Le recensement universel connecté avec la Nativité du Christ fut la première étape de l'établissement d'une taxe personnelle, sur chaque tête assujettie aux Romains dans ces localités. Vers l'an 6 ou 7 avant Jésus-Christ, après le retrait d'Archelaüs, lorsque qu'une taxe personnelle sur tous les habitants de Palestine fut introduite, les Juifs répliquèrent par des révoltes conduites par les Pharisiens, les Sadducéens et Judas le Galiléen (Act. 5:37). Ce fut seulement avec grande difficulté que le Grand Prêtre Joazar fut capable de calmer le peuple.
À la place de rois locaux, des procurateurs Romains furent nommés comme administrateurs de la Judée et des provinces avoisinantes. Pour une meilleur levée des taxes de la part des Romains, l'institution des publicains fut alors introduite. Cela avait existé à Rome depuis les anciens temps, mais tandis qu'à Rome et à travers l'Italie les publicains étaient recrutés dans la classe respectée des chevaliers (equites) , en Judée les Romains engagèrent les publicains parmi des réprouvés au sens moral, parmi des Juifs qui acceptèrent de travailler à leur service et de forcer leurs frères à payer tribut.
L'acceptation d'une telle position était liée à une très profonde chute morale. Elle correspondait non seulement à une trahison de sa nation mais aussi de sa religion; pour devenir ainsi l'instrument d'asservissement du peuple divinement  élu à des païens brutaux, il fallait renoncer aux espoirs d'Israël, à ses attentes et à toutes les choses sacrées le concernant, cela d'autant plus que les Romains ne tenaient pas compte de la sensibilité religieuse de leurs agents : un publicain, à son entrée en fonction, devait prêter un serment païen de fidélité à l'empereur, et accomplir un sacrifice païen à son esprit (au "génie" de l'empereur).
Evidemment, ils ne servaient pas seulement les intérêts de Rome en levant les taxes sur leurs propre compatriotes. En poursuivant aussi leur propres desseins cupides, en s'enrichissant au dépend de leur frères réduits en esclavage, ils ont rendu le joug romain encore plus douloureux, encore plus insupportable à assumer.
Voilà ce qu'étaient les Publicains. C'est la raison pour laquelle ils étaient entourés d'une haine et d'un mépris fondés; ils étaient les traîtres de leur propre peuple, ayant trahi pas n'importe quelle nation, mais le peuple choisi par Dieu, l'instrument divin dans le monde, ce peuple par qui seul la renaissance et le salut pouvaient venir à l'humanité.
Tout ce qui vient d'être dit s'applique à double titre au cas de Zachée parce qu'il n'était pas un publicain ordinaire mais le chef des publicains : un "architelonis".  Sans l'ombre d'un doute il a fait toutes ces choses: offrir des sacrifices païens et prêter un serment païen, lever les taxes sans pitié sur ses frères, les augmentant même pour son propre bénéfice. Et il devint, comme l'atteste l'Évangile, un homme riche.
Bien sûr, Zachée avait compris clairement que tous les espoirs d'Israël étaient perdus pour lui. Tout ce qui avait été proclamé par les prophètes et aimé depuis l'enfance, et donnait à l'âme de chaque croyant de l'Ancien Testament "connaissant la jubilation"  (Ps. 88 : 16), des tremblements de joie, tout cela n'était plus pour lui. Il était un traître, un transfuge, un réprouvé. Il n'avait aucune part dans Israël.
Et maintenant des rumeurs parviennent jusqu'à lui que le Saint d'Israël, le Messie annoncé par les prophètes, est apparu en ce monde et, avec un petit groupe de disciples, parcoure les champs de Galilée et de Judée, prêchant l'Évangile du Royaume et accomplissant de grands miracles. Dans le coeur des croyants, palpitent et s'enflamment  de radieuses espérances.

Et comment Zachée réagit-il à cela ?
Pour lui, personnellement, la venue du Messie est une catastrophe. Le règne des Romains doit prendre fin, et Israël triomphant prendra sans aucun doute revanche de lui pour les préjudices qu'il leur a fait endurer, pour les offenses et l'oppression qu'il leur a fait subir. Mais même si ce n'est pas le cas, car le Messie, comme l'a témoigné le prophète, vient comme le juste, comme le doux, apportant le salut , le triomphe du Messie n'en doit pas moins lui apporter, à lui Zachée, que la plus grande disgrâce et la perte de tous ses biens et de sa positon acquise au prix terrible de sa trahison devant Dieu, son propre peuple et toutes les espérances d'Israël.
Mais peut-être cela n'est pas ainsi, pas encore. Peut-être le nouveau prêcheur n'est pas réellement le Messie. Tous le monde ne croit pas en Lui. Les Pharisiens et les Sadducéens, les plus grands ennemis des publicains et en particulier de lui Zachée, ne croient pas en Lui. Peut-être que tout ceci n'est que vain bavardage de la populace. Dans ce cas, on peut continuer à vivre tranquillement comme auparavant.
Mais Zachée ne voudrait pas voir confirmées de telles pensées. Il veut voir Jésus afin de savoir, de vraiment savoir : qui est Celui-ci ? Zachée voudrait que ce Prédicateur qui passe par là soit vraiment le Christ-Messie. Il voudrait dire avec les prophètes «Ah si tu déchirais les cieux et descendais!»   (Is 63: 9). Que cela advienne, même si cela entraîne une catastrophe ruineuse pour lui, Zachée. Dans son âme, semble t-il, se révèle une  profondeur qu'il n'avait pas encore ressentie en lui-même, il y a en lui un amour brûlant, enflammant, consumant,  complètement désintéressé pour"l'Espérance des nations", pour l'image du doux Messie décrit par les prophètes, «qui porte nos infirmités et se charge de nos douleurs»  (Is 53 : 4). Et lorsque l'opportunité lui est donnée de Le voir, Zachée ne pense plus à lui-même.
Dans le triomphe du Messie réside pour lui personnellement, catastrophe et ruine. Mais il ne pense pas à cela. Il veut jeter un coup d'oeil, même un regard du coin des yeux, sur Celui qui a été prédit par Moïse et les prophètes. Et voici  que le Christ passe. Il est entouré par la foule. Zachée, petit de nature, ne peut Le voir. Mais la soif absolument désintéressée de Zachée, sa soif, pleine d'abnégation, de voir le Christ, au moins de loin, est si immense, surpassant tout, que lui, un personnage prospère, investi d'une charge, un officiel de l'Empire Romain, dans le sein d'une foule hostile qui le hait et le méprise, ne fait attention à rien d'autre et, consumé par le désir de voir le Christ, méprisant pour cela toute convention, toute bienséance extérieure, grimpe à un arbre, un sycomore qui poussait au bord du chemin.
Et les yeux de ce grand pécheur, chef des transfuges et des traîtres, rencontrent les yeux du Saint d'Israël, du Christ- Messie, du Fils de Dieu.
L'amour voit ce qui est inaccessible au regard indifférent ou hostile. Aimant avec abnégation la figure du Messie, Zachée est immédiatement capable de reconnaître, dans ce Prédicateur galiléen qui passe, le Christ Seigneur; et le Seigneur, rempli d'amour divin et humain, voit en Zachée, qui Le contemple depuis les branches du sycomore, cette profondeur spirituelle inconnue jusqu'alors de Zachée lui-même. Le Seigneur voit que cet amour enflammé, dans le coeur du transfuge, pour le Saint d'Israël, cet amour que ne souille aucune cupidité, peut le régénérer et le renouveler.
Alors retentit la voix Divine : «Zachée, hâte toi et descends car en ce jour je dois séjourner dans ta demeure» .
Et la régénération morale, le salut et le renouveau vinrent à Zachée et à son entière maisonnée.
Le Fils de Dieu véritablement est venu pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus.
Ô Seigneur, ô Seigneur, nous aussi T'avons trahi, Toi et Ton ½uvre, comme le fit jadis Zachée; nous nous sommes dépouillés de notre part Israël, nous avons trahi notre espérance! Mais même si cela doit être pour notre honte et pour la honte de ceux qui nous ressemblent, que vienne Ton royaume! et Ta victoire et Ton triomphe ! Que Tes ennemis ne tournent pas en dérision Ton héritage ! Même si, en conséquence de nos péchés, Ta venue nous apporte ruine et condamnation, viens, ô Seigneur, viens vite! Mais accorde-nous, au moins de loin, de voir le triomphe de Ta justice, même si nous ne pouvons en être participants. Et aie pitié de nous qui sommes au-delà de toute espérance comme tu as eu  jadis pitié de Zachée!

(Saint Clément de Rome testifie que Zachée devint plus tard un compagnon du saint apôtre Pierre et avec le saint Prééminent Apôtre, prêcha à Rome, et sous Néron accepta la mort en martyr pour le Christ. D'une manière chrétienne il s'acquitta de sa dette envers les Romains avec le plus grand bien pour le plus grand mal qu'ils lui avaient fait  perpétrer. À la fière capitale des Romains qui l'avait autrefois tenté et asservi, le forçant à renoncer à tout ce qui était sacré à son âme, il vînt, libéré et régénéré par la grâce de notre Seigneur, l'Ami des Hommes, et il apporta à Rome non pas des malédictions mais la Bonne Nouvelle, pour laquelle il donna sa propre vie.)


Saint Thaumaturge Jean de Shangaï

Traduction : Thierry Cozon

 


 

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