EXPLICATION DU SAINT EVANGILE SELON SAINT MATTHIEU PAR LE BIENHEUREUX THÉOPHYLACTE
PAR LE BIENHEUREUX THÉOPHYLACTE section 1 / chap. 1, versets 1-17 1 Généalogie Pourquoi (l'évangéliste Matthieu) n'a-t-il pas dit "visions" ou "paroles " à la manière des prophètes qui commençaient ainsi leurs écrits : "Vision qu'Isaïe a vue"(1) et "Parole qui vint à Isaïe"(2). Voulez-vous savoir pourquoi ? Parce que les prophètes parlaient à des hommes durs de cœur et désobéïssants, et disaient par conséquent :" Ceci est un vision divine" ou "Ceci est la parole de Dieu ", afin que le peuple prît peur et ne dédaignât pas ce qu'ils disaient. Mais Matthieu s'adressait à des croyants qui étaient obéïssants et bien disposés et c'est pourquoi il n'a pas commencé à la manière des prophètes. J'ajouterai que ce que les prophètes ont vu, ils l'ont vu noétiquement, c'est-à-dire en esprit, par le Saint Esprit qui leur en a donné la vision ; voilà pourquoi ils appelaient cela "visions". Mais Matthieu n'a pas vu le Christ noétiquement, pas plus qu'il n'en a eu la vision en esprit, mais il a été avec Lui de façon tangible, L'a écouté avec tous ses sens, et L'a vu dans la chair. Voilà pourquoi il n'a pas dit "Vision que j'ai vue", mais "Généalogie". De Jésus Le Nom de "Jésus" n'est pas grec mais hébreu, et signifie "Sauveur", car "iao" (iaw) est le mot hébreu pour "salut"(3). Christ Les rois et prêtres hébreux étaient appelés "christs" (i.e. "oints"), parce qu'ils étaient oints de l'huile sainte versée à l'aide d'une corne tenue au dessus de leur tête. Le Seigneur par conséquent est appelé Christ, à la fois en tant que Roi parce qu'Il a dominé sur le péché, et en tant que Prêtre parce qu'Il s'est offert Lui-même en sacrifice pour nous. Lui-même a été en toute prééminence oint de l'huile véritable, le Saint Esprit ; car qui mieux que le Seigneur a possédé l'Esprit ? Chez les saints, la grâce du Saint Esprit était à l'œuvre, mais chez le Christ, ce n'était pas la grâce de l'Esprit qui était à l'œuvre, mais plutôt le Christ Lui-même, consubstanciel à l'Esprit, qui opérait des miracles. Fils de David , Puisque Matthieu avait dit "Jésus", il a ajouté "Fils de David", afin qu'on ne pût penser qu'il parlait de l'autre Jésus (i.e. Josué) (4); car il y a eu un autre Jésus, célèbre pour être devenu chef après Moïse, mais ilétait appelé "fils de Nave" (5), et non "fils de David". Car il a vécu maintes générations avant david, et n'était pas de la tribu de juda, dont descendait David, mais d'une autre. Fils d'Abraham . Pourquoi (Matthieu) a-t-il placé David avant Abraham ? Il l'a fait parce que chez les Juifs David était de plus grand renom, à la fois parce qu'il vécut après Abraham, et parce qu'il était plus illustre en raison de son royaume. Car parmi les rois, David fut le premier à plaire à dieu, et il reçut de Dieu la promesse que le Christ serait issu de sa race. Voilà pourquointous les hommes ont apelé le Christ "Fils de David". Et en vérité David fut aussi une préfiguration symbolique du Christ ; car tout comme David régna après Saül, cet homme réprouvé de Dieu qui fut rejeté, ainsi le Christ vint dans la chair pour régner sur nous après qu'Adam eut été dépouillé de la royauté et de la domination qu'il avait su toutes choses, tant sur les animaux que sur les démons. 2 Abraham engendra Isaac ; Matthieu commence la généalogie par Abraham parce qu'il fut le père des hébreux et le premier à recevoir la promesse que toutes les nations seraient bénies dans sa descendance (6). C'est pourquoi il convient qu'il ait donné la généalogie du Christ en commençant par Abraham, car la descendance d'Abraham, c'est le christ par lequel nous tous, des nations auparavant maudits, avons été bénis. "Abraham" signifie "père des nations" et "Isaac" "joie" ou "rire". L'évangéliste ne fait pas mention des enfants illégitimes d'Abraham, Ismaël et les autres, parce que les Juifs ne descendaient pas d'eux, mais d'Isaac. Et Isaac engendra Jacob, et Jacob engendra Juda et ses frères ; Vous voyez qu'il a mentionné Juda et ses frères, parce que les douze tribus en étaient issues. 3 Et Juda engendra Pharès et Zara de Tamar ; Tamar était la belle-fille de Juda, l'épouse de son fils Er (7). Quand Er mourut sans enfant, Juda la maria à un autre de ses fils, Onan. Mais quand il fut lui aussi retranché du nombre des vivants en raison de son infamie, Juda ne la maria à aucun autre de ses fils. Mais elle désirait avoir un enfant de la race d'Abraham : elle quitta donc ses vêtements de veuve, se vêtit comme une courtisane, s'unit à son beau-père, dont elle conçut des garçons jumeaux. Alors qu'elle les mettait au monde, le premier enfant tendit la main hors de son sein, comme s'il allait naître le premier, et aussitôt la sage femme marqua la main tendue de l'enfant d'un fil écarlate, afin de distinguer le premier né. Mais l'enfant rentra la main dans le sein de sa mère, et l'autre naquit le premier, suivi par celui qui avait tendu la main. Aussi le premier né fut-il appelé "Pharès", ce qui signifie "interruption", car il avait interrompu l'ordre naturel, et l'enfant qui retira la main fut nommé "Zara". Ce récit révèle un certain mystère. Car tout comme Zara présenta d'abord une main puis la retira, ainsi également la vie en Christ apparut chez les saints qui vécurent avant la loi et la circoncision. Car tous ceux-là ne furent pas justifiés en observant la loi et les commandements, mais en vivant la vie évangélique de la Parole de Dieu. Considérez Abraham qui quitta son père et sa demeure pour l'amour de Dieu, et renia même l'ordre de la nature par son empressement à sacrifier Isaac. Considérez Job et Melchisédech. Mais quand vint la loi, cette manière de vivre disparut. Tout comme dans l'histoire Pharès naquit, puis Zara apparut de nouveau, ainsi également quand la loi eut été donnée, la vie évangélique rayonna ensuite à nouveau, marquée d'un fil écarlate, c'est-à-dire scellée par le sang du Christ. Donc la raison pour laquelle l'évangéliste a mentionné ces deux enfants tient au fait que leur naissance a révélé quelque chose de mystérieux. Mais il y a une autre raison pour laquelle il a mentionné Tamar, qui ne parait pas avoir été digne de louanges en raison de ses relations physiques avec son beau-père : il entendait montrer que le Christ, qui a accepté toutes choses par amour pour nous, a même accepté d'avoir de tels ancêtres. Ce fut même précisement pour cette raison qu'Il naquit d'eux, afin de pouvoir les sanctifier : car Il n'est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. 3-5 Et Pharès engendra Esrom ; et Esrom engendra Aram ; et Aram engendra Aminadab ; et Aminadab engendra Naasson ; et Naasson engendra Salmon ; et Salmon engendra Booz de Rahab ; Certains pensent que Rachab était Rahab, la courtisane qui reçut les espions de Jésus, fils de Nave (i.e. Josué fils de Noun) (8). Elle les sauva, et fut elle même sauvée avec eux. Il la mentionne pour montrer que tout comme ce fut une courtisane, ainsi également en fut-il de l'ensemble des nations, car elles se prostituèrent dans leurs mœurs. Mais tous ceux qui reçurent les espions de Jésus, c'est-à-dire les apôtres, et furent convaincus par leurs paroles, furent sauvés d'entre les nations. Et Booz engendra Jobed de Ruth ; Ruth était une étrangère et pourtant elle fut mariée à Booz (9). De même l'Eglise est-elle issue des Gentils. Car comme Ruth, ces Gentils avaient été des étrangers, extérieurs aux alliances, cependant ils abandonnèrent leur peuple, leurs idoles et leur père, le diable. Et de même que Ruth fut donnée en mariage à Booz de la race d'Abraham, de même l'Eglise fut-elle prise pour épouse par le Fils de Dieu. 5-6 Et Jobed engendra Jessé ; et Jessé engendra le roi David ; et le roi David engendra Salomon de la femme d'Urie ; Encore une fois , (l'évangéliste) mentionne la femme d'Urie (10) pour montrer que nul ne devrait avoir honte de ses ancêtres, mais que chacun devrait s'efforcer par sa propre vertu de les rendre illustres eux aussi. Il mentionne également la femme d'Urie pour montrer que tous sont acceptables pour Dieu, même ceux qui sont nés de l'adultère, pourvu seulement qu'ils aient de la vertu. 7-11 Et Salomon engendra Roboam ; et Roboam engendra Abia ; et Abia engendra Asa ; et Asa engendra Josaphat ; et Josaphat engendra Joram ; et Joram engendra Ozias ; et Ozias engendra Joatham ; et Joatham engendra Achaz ; et Achaz engendra Ozéchias ; et Ozéchias engendra Manassé ; et Manassé engendra Amar ; et Amar engendra Josias ; et Josias engendra Jéchonias et ses frères, au temps de la déportation à Babylone ; La "déportation à Babylone" désigne la captivité qu'ils endurèrent quand ils furent tous emmenés à Babylone. Car les Babyloniens firent campagne contre eux une première fois, causant moindre affliction. Mais cette fois-ci, les Babyloniens les enlevèrent tous à leur patrie. 12-16 Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel ; et Salathiel engendra Zorobabel ; et Zorobabel engendra Abiard ; et Abiard engendra Eliakim ; et Eliakim engendra Azor ; et Azor engendra Sadok ; et Sadok engendra Akhim ; et Akhim engendra Elioud ; et Elioud engendra Eléazar ; et Eléazar engendra Matthan ; et Matthan engendra Jacob ; et Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l'on appelle Christ. Pourquoi donne-t-il la généalogie de Joseph et non celle de Marie, Mère de Dieu (11) ? En quoi Joseph a-t-il participé à cette naissance sans germe ? Certes Joseph ne fut pas le véritable père de Jésus, de sorte que Matthieu ait pu donner la généalogie du Christ par joseph. Ecoute donc : en vérité Joseph n'eut aucune part à la naissance du Christ ; et donc il aurait fallu donner la généalogie de la Mère de Dieu. Mais comme il n'était pas légal d'énumérer les ancêtres du côté maternel, il n'a pas donné la généalogie de la Vierge. Et pourtant en donnant la généalogie de Joseph, Matthieu a donné aussi sa généalogie. Car la loi voulait qu'une femme ne fût pas prise pour épouse par un homme d'une tribu diférente, et d'un autre lignage que celui de son père (12). Telle étant la loi, il est évident que la généalogie de Joseph comprend celle de la Mère de Dieu, car elle était de la même tribu et du même lignage. Si elle ne l'avait pas été, elle n'eût pas pu lui être fiancée. Ainsi l'évangéliste a à la fois respecté la loi qui interdisait la mention des ancêtres du côté maternel, et en même temps fourni la généalogie de la Mère de Dieu en donnant la généalogie de Joseph. Il appelle Joseph "l'époux de Marie" selon l'habitude commune. Car nous avons coutume d'appeler le fiancé "époux" de celle à qui il est fiancé, même avant que le mariage ait eu lieu. 17 Ainsi toutes les générations d'Abraham à David font quatorze générations ; et de David à la déportation de Babylone quatorze générations ; et de la déportation de Babylone au Christ quatorze générations. Il divise les générations en trois (différentes) sortes (d'autorité) pour montrer aux Juifs que, bien qu'ils aient été gouvernés par des juges comme ils le furent jusqu'à david, et par des rois, comme ils le furent jusqu'à la déportation, et par des prêtres, comme ils le furent jusqu'au Christ, cependant cela ne leur fut d'aucun profit pour acquérir la vertu ; mais ils avaient besoin du véritable Juge et Roi et Prêtre, qui est le Christ. Car quand leurs gouvernants successifs eurent échoué, alors le Christ vint, selon la prophétie de Jacob (13). Comment peut-il y voir quatorze générations entre la déportation à Babylone et le Christ, alors que seulement treize personnes sont mentionnées ? S'il pouvait être fait mention des ancêtres du côté maternel, nous joindrions Marie à la liste, et ainsi complèterions le nombre. Mais puisque c'est impossible, comment cela peut-il être résolu ? Certains disent que (Matthieu) a compté la déportation elle-même comme une personne (i.e. comme une génération). Notes : (adaptées de l'édition américaine réalisée en 1992 par Chrysostom Press, Bech et Kriegel, P.C.-House Springs, Missouri 63051) traduction de S. M. Kirillova
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