ALLOCUTION POUR LE 9ème JOUR DU REPOS DE L'ARCHEVEQUE ANTOINE DE GENEVE, D'ETERNELLE MEMOIRE (+ 1993)

 

ALLOCUTION POUR LE 9ème JOUR DU REPOS DE L'ARCHEVEQUE ANTOINE DE GENEVE, D'ETERNELLE MEMOIRE (+ 1993) *** Il y a près de 36 ans, le jour de son sacre épiscopal, reprenant dans son allocution les paroles de saint Antoine le Grand, Monseigneur l'Archevêque Antony a dit: “Je ne suis pas un vrai moine mais, dans ma vie, j'ai eu l'occasion de voir de vrais moines” . Il a eu, en effet, l'occasion de rencontrer de grands ascètes, de vrais athlètes de l'esprit. Il a connu également d'éminents hiérarques et théologiens, parmi lesquels la première place revient sans conteste au Métropolite Antoine /Khrapovitsky/, dont Vladyka était un des disciples. Il s'est imprégné de leur esprit et d'une certaine culture religieuse qui, malheureusement, n'existe plus à notre époque. Monseigneur Antony a prononcé les vœux monastiques au monastère de la Très-Sainte Mère de Dieu à Milkovo, en Yougoslavie, qui comptait dans sa communauté quelques moines russes connus pour leur spiritualité et la rigueur de leur vie. Il n'est cependant pas resté longtemps dans ce monastère car il était attiré, ainsi que son frère le futur Evêque Léonty, par ce qu'on appelait à cette époque le monachisme savant. En effet, le Métropolite Antoine encourageait de jeunes moines à poursuivre leurs études pour devenir enseignants auprès de différents établissements scolaires et d'accéder éventuellement par la suite à l'épiscopat. Monseigneur devint donc professeur de catéchisme à l'école militaire des cadets à Bélaïa Tserkov. Il avait toujours eu un bon contact avec les jeunes qui le considéraient comme leur confident, plutôt que comme leur précepteur. Vladyka a été ordonné diacre et prêtre en 1941 à l'église russe de Belgrade par un autre flambeau de l'Orthodoxie, le Métropolite Anastase. Après la seconde guerre mondiale, Monseigneur réussit à quitter la Yougoslavie communiste pour rejoindre son frère qui était alors archimandrite à Genève. Vladyka a manifesté un autre de ses talents - l'iconographie, puisqu'il a peint les icônes de l'iconostase de l'église saint Nicolas à Lyon. Il fut également, durant près de trois ans, le second prêtre de cette paroisse qui comptait de nombreux jeunes dont Monseigneur Antony s'est beaucoup occupé. Il y a aujourd'hui parmi nous quelques témoins de cette époque, venus de Lyon et d'ailleurs. Ensuite, en 1953, l'Archevêque Jean /Maximovitch/ grand ascète et saint moine a confié à Vladyka la paroisse de la Résurrection à Bruxelles, dont il est resté le recteur pendant près de huit ans. Il était de plus en plus connu dans le diocèse notamment par les conférences qu'il donnait dans différentes paroisses. Aussi, à la mort de son frère Monseigneur Léonty survenue en 1956, il est élu à l'unanimité Evêque de Genève l'année suivante. Par la suite il devint Archevêque de Genève et de l'Europe Occidentale. Pendant les longues années où il resta à la tête de notre diocèse, il sut nous transmettre l'esprit qu'il avait reçu de ses "maîtres", dont il s'était entièrement imprégné, non seulement par la parole et l'exemple de sa vie, mais également par la manière dont il célébrait les offices et tout spécialement la Divine Liturgie. Nous nous souviendrons toujours de la solennité de ses offices pontificaux, ainsi que de la profondeur de ses homélies qui reflétaient la spiritualité de ses précepteurs. Nous étions tellement habitués à la beauté des offices qu'il célébrait que nous trouvions cela normal. Je me souviens cependant d'un prêtre venu de très loin, il y a trois ans, pour rencontrer l'un des derniers disciples du Métropolite Antoine /Khrapovitsky/ et pour le voir célébrer l'Eucharistie. Le voir célébrer, c'était voir officier le Métropolite lui-même, m'avait confié ce prêtre. Monseigneur avait un sens inné du service pastoral, il se dépensait sans compter pour ses fidèles. Il aimait plus que tout rencontrer ses paroissiens, surtout les jeunes en qui il voyait la relève et il voyageait sans cesse, visitait infatigablement les différentes paroisses de son vaste diocèse. Il a d'ailleurs usé ses forces dans ces continuels déplacements. Il faut noter que Vladyka a passé toute sa vie d'Evêque à la tête de notre diocèse, ce qui est malheureusement assez rare chez les Evêques qui changent trop souvent de sièges. Monseigneur est le quatrième ordinaire du diocèse d'Europe Occidentale depuis que ce diocèse existe, et c'est le premier Evêque diocésain à rester en fonction jusqu'à son décès. Vladyka aimait son diocèse et ses ouailles avec passion. Il aimait particulièrement sa paroisse de Genève dont il considérait les paroissiens comme étant les membres de sa famille. Monseigneur Antony avait une qualité suprême, celle de maintenir l'unité de notre paroisse malgré les différences de culture, de nationalité et même de race de ses paroissiens. Mais nous voici arrivés à l'heure de la séparation. Dans quelques instants nous allons confier au tombeau le corps de notre pasteur bien-aimé. Une dalle va le recouvrir et il sera caché à nos yeux. Mais si son enveloppe charnelle restera avec nous, puisqu'il sera inhumé dans l'église, nous savons que son âme, délivrée des entraves terrestres, va s'élever vers Dieu. Nous sommes aujourd'hui dans la même situation qu'Elysée quand il assistait à l'ascension dans un char de feu de son maître, le prophète Elie. Aussi, nous nous écrions avec Elisée: “Mon Père, mon Père, c'est le char d'Israël et ses chevaux…” /4 Rois 2, 12/ et nous ajoutons : « Donne-nous une dernière fois ta bénédiction, comme Elie l'a donnée à Elisée en lui jetant son manteau. Pardonne-nous, si nous n'avons pas su apprécier à sa juste valeur l'amour que tu nous portais et l'enseignement que tu nous dispensais. Nous n'avons pas toujours été capables de t'entourer comme il convenait, surtout pendant ta maladie et nous t'avons parfois fait de la peine. Ne nous tiens pas rigueur de notre faiblesse et de notre inconstance. Nous savons qu'au moment où tu comparaîtras devant le Pasteur Suprême, tu ne cesseras pas de prier pour les fidèles de ton diocèse, afin qu'ils continuent de vivre dans l'amour fraternel et la piété. Que le Seigneur t'accorde le repos et la mémoire éternelle. Amen. » Maintenant, j'adresse mes remerciements à tous les paroissiens de Genève et d'ailleurs, qui se sont occupés de notre Archevêque durant sa maladie et qui se sont arrangés pour qu'il ne reste jamais seul, ni le jour, ni la nuit. Nous avons vécu, durant ces derniers mois, une période éprouvante et, en même temps, enrichissante. Nous avons vécu ensemble une aventure qui nous a rapprochés. Une fois le calme retrouvé, essayons de méditer sur cela. Soyez tous remerciés pour votre aide. Archiprêtre Paul Tzevtkoff Cathédrale de l'Exaltation de la Croix - Genève